Etape 4 - Ruffieux - Chenaz – Yenne - 28 km (92 km)
11 mai – Le temps est frais, mais le soleil apparait timidement derrière le blanc nuageux du matin. Petit café au seul café du coin ouvert. Sans trainer, j’entreprends la reprise de ma pérégrination. Je commence par de longs chemins de terre blanche tassée. Que dire de ces premières heures ? Pas grand-chose sinon le chant des oiseaux, le croassement des canards et personne en vue.
Enfin, pour se contenter de peu, vers Pont de la Loi, voilà un petit pont en bois surplombant une minuscule rivière. Arrêt buffet du matin. Un hélicoptère des Eaux et Forêts (du moins, je le suppose, il est vert et blanc) tourne à plusieurs reprises sur le Rhône et les forêts environnantes. Il est bien malvenu car il vole bas. Je m’éloigne rapidement de ce lieu bruyant.
J’arrive au bord du canal qui va vers Chanaz. Une légende raconte qu’il aurait été creusé en une nuit pour permettre à une princesse de Châtillon de rejoindre sans encombre son aimé, un gentilhomme du Bugey. Je rencontre Raul, un pèlerin mexicain vivant en Allemagne. Il a des problèmes de genoux. Il a prévu d’effectuer 35 km par jour, une folie surtout quand on est surchargé comme lui. Il commence à en payer les conséquences.
J’arrive à Chanaz, une petite station accueillante et très touristique. Maisons sur pilotis, les pieds dans l’eau, petits ponts, restaurants au bord de l’eau, cela ressemble presque à une carte postale pour chaland au portefeuille bien fourni. Pas pour le pauvre pèlerin comme votre serviteur qui se doit de rester dans l’humilité.
Alors que je reviens de ma quête aux provisions, je retrouve Raul qui regarde un peu partout. Je mets à son service mon anglais franchouillard pour l’amener à la maison du tourisme. Il veut rester ici et dormir ce soir au camping. Qui a dit que cheminer vers Compostelle était une simple balade ? Il y a certes des moments forts, mais aussi, avouons-le, des moments faibles. Il faut savoir les accepter. Je lui donne l’adresse de la halte jacquaire du Puy où je serais du 21 au 31 mai. Où cas où il passe…
C’est maintenant la remontée raide au travers un bois surplombant un ancien moulin avec sa grande roue à aube en bois qui fonctionne encore. Je marche ensuite tranquillement de mon pas de sénateur sur des petites routes ou des chemins plus ou moins pierreux.
J’arrive ainsi à la chapelle d’Orgeval. Cet oratoire fut bâti en 1845 par les habitants de Landard pour prier la Vierge Marie et demander sa protection. J’y rencontre deux marcheurs torse-nu qui font sécher leur linge. Ayant une bouteille de vin, il m’en offre un verre que votre serviteur accepte bien sûr. Je ne ferais pas de commentaire sur sa qualité indéniablement différente de nos vins bourguignons… C’est le geste qui compte. Ils repartent vite.
Je reprends la route car ma destination du soir est encore lointaine. Maintenant, je traverse des vignes où s’affairent de nombreux ouvriers en train d’entretenir les ceps. Je pense qu’ils arrachent les mauvais rejetons, mais je laisse mes amis vignerons faire leurs commentaires appropriés. Ne jamais s’engager sur des chemins trop brûlants.
Je rejoins les bords de la déviation du Rhône. De l’autre côté, c’est l’Ain, « la France où l’on va travailler » me dit le patron du camping où je loge ce soir. Comme quoi, 150 ans après le rattachement de la Savoie à la France, les anciens réflexes existent encore. Nous avons des connaissances communes puisque lors de la rédaction de mon ouvrage, les Mystères de la Savoie, je suis passé dans le coin. Un peu de pub, mes amis…
Ce soir, je dors dans une yourte à 4 places, une expérience à découvrir. J’y rencontre Robert, un membre de la fédération française de randonnée venu reconnaitre le GR9 qui cohabite avec le GR65, vers Le Puy-en-Velay. Nous mangeons dans un kebab car il y a pas grand-chose d’ouvert ici. L’occasion de mieux nous connaitre car demain, nous allons cheminer ensemble pendant toute la journée. Mais, c’est déjà un autre jour…
A suivre…
Bourguignon la Passion.