Etape 37 – Les Cassès – Montferrand : 32 km (860 km)
Désirant partir tôt pour cette longue étape, mon hospitalier avait préparé le petit-déjeuner vers 6h30. Le trajet est simple : suivre la rigole qui alimente le canal du midi. Dans un premier temps, c’est sous la forme d’une piste cyclable qui part du lac de Ferréol au lac de Lenclas. Puis ensuite une sente longeant la même rigole qui va me mener jusqu’aux environs de Montferrand. L’avantage pour le pauvre cheminant que je suis, porteur de son sac de 12 kg, est que la majorité du trajet se déroule sous la bienveillante protection d’arbres majestueux des dards du soleil toujours aussi présents.
Il m’a fallu peu de temps pour rejoindre ce beau chemin. Que dire ? Cela peut être considéré comme un parcours quelconque par certains. En ce qui me concerne, j’ai apprécié ce chemin car à chaque courbe de la rigole, je découvre un paysage diffèrent du précédent. Pas de marcheurs, quelques joggeurs, des cyclistes aux chemises chamarrées de leurs clubs ou marques et d’autres allant avec leur bicyclette faire leurs courses. Un monde différent.
Alors que j’arrive au lac de Lenclas, et que je m’installe pour manger la fameuse ardoise du pèlerin, le vent se lève avec brutalité. Sous forme de bourrasques, on l’appelle ici les vents d’Autan. Ils proviennent de la Méditerranée et peuvent souffler jusqu’à 150 km/h. Quant au contenu de l’ardoise à 10 euros, il y a salade, crudités, jambon, saucisson et cette potée de haricots entourant des morceaux de veau. Il n’est que 11h00, mais je l’apprécie par son contenu réconfortant.
Non loin de là, plusieurs véhicules ont déversé de nombreux enfants qui s’ébattent près du lac sous la responsabilité de leurs animateurs. Leurs cris créaient un esprit de fête. On se croirait dans une colonie de vacances. Il faut dire que jouer non loin de ce lac bleu doit être rafraichissant.
Repu, je reprends ma route. En chemin, je croise d’abord un couple de Bordelais en bicyclette qui, ne voyant pas de piste cyclable, croyaient s’être égarés. Je peux leur confirmer qu’ils sont dans la bonne direction. Un quart d’heure plus tard, c’est au tour d’un couple de Narbonnais en tandem. Me voilà devenu guide…
Le cheminement se déroule tranquillement puisque le dénivelé est quasiment nul. Plutôt que de rejoindre le canal du midi dès ce soir, l’hospitalier de Revel m’avait conseillé de sortir aux Pagès et de rejoindre Montferrand par la route. Un raccourci de quatre kilomètres. Pas mal pour un jour où il y a une longue distance. Toutefois, je dus subir la dure chaleur du soleil sur le macadam et il n’y avait pas d’ombre. La montée raide vers le bourg de Montferrand est difficile en cette fin de parcours. Lorsque j’arrive au sommet, j’ai une très belle vue de la région.
C’est ainsi que je débarque à la Porte de Marie, un accueil chrétien reconnu par l’église catholique comme me l’expliquera mon accueillant. C’est un lieu d’une grande beauté situé auprès d’une ancienne église aujourd’hui transformée en habitation. Autrefois, Montferrand était une ancienne forteresse cathare qui tomba en 1211 sous les coups de Simon de Montfort. Car, je ne l’ai pas dit, nous sommes ici en plein pays où Parfaits ou Bonshommes faisaient régner cette croyance qui fit peur à la papauté et aux seigneurs du nord.
L’accueil, mon accueillant préfère cette appellation, est d’une grande qualité, presque luxueux pour un pauvre pèlerin toujours en route vers la recherche de son idéal. Il possède sa propre chapelle. Au moment des Vêpres, nous ne serons que trois avec les deux officiants laïcs à lire des psaumes. L’homme en recherche de spiritualité que je suis ne peut manquer d’y apporter sa voix et ainsi de partager la lecture du Livre.
Au moment du diner pris en commun (très bon et copieux), nous allons avoir des échanges sur les religions en général, sur les pratiques anciennes et actuelles des rites chrétiens d’une haute teneur spirituelle. La présence de chrétiens-nazaréens auprès de Mahomet est révélatrice de ce qui va devenir la religion islamique. Bien sûr, il reste à en étudier les conséquences. Ce fut un vrai moment de bonheur de partager avec ces sachants en théologie
Toute la soirée et la nuit, les vents d’Autan vont souffler sous forme de bourrasques. Surnommé le vent du diable, il dure 3, 6 ou 9 jours selon les érudits. Il fatigue nerveusement hommes et animaux. Mais votre serviteur, la tête remplie de nouvelles interrogations à approfondir, s’est endormi rapidement comme si le travail de classement devait se faire pendant le sommeil.
A suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.