Etape 50 – Bedous - Borce - Fort de Portalet – Urdos : 30 km (1200 km)
Ce matin, je pense à cette pensée d’Henry David Thoreau : « Cultivez l’habitude de vous lever tôt. Il n’est pas sage de garder longtemps la tête au même niveau que les pieds. »
Le petit-déjeuner est à sept heures. Nous attendons sagement dans le cloitre qu’un hospitalier vienne nous ouvrir la porte du réfectoire. A l’heure dite, ce fut fait et nous avons eu droit à un bon petit-déjeuner avant le départ immortalisé par cette photo prise devant l’abbaye toujours aussi discrète.
La journée s’annonce belle et monseigneur soleil pointe déjà son nez. Une envie de nous faire voir qu’il faudra compter sur lui. Ce qui nous attend, ce sont des petits chemins en forêt suivi de passages sur la route nationale qui remonte la vallée d’Aspe. La vue de l’abbaye derrière nous a beaucoup de charme. Elle apparait dans son écrin de verdure comme sur une carte postale.
De loin, de pas très loin en fait, la chaine des Pyrénées apparait dans toute sa splendeur. Comme il est encore tôt, on peut voir tout autour un halo de nuages. C’est magnifique en vrai. En effet, les photos quel que soit le soin qu’on y porte ne rendent pas toute la splendeur enregistrée par nos yeux. Comme toute chose, il faut les vivre avec l’émotion que cela porte.
Notre premier arrêt est à Bedous. Il faut non seulement prendre des courses, mais aussi se recharger en monnaie pour payer les prochaines étapes. Ce que chacun fait en fonction de ses besoins. En ce qui me concerne, ce fut la décision de renvoyer à la maison mes sandales. En effet, si ma cheville réopérée en janvier ne me fait pas souffrir – tant mieux d’ailleurs -, le port des sandales n’est pas opportun dans les chemins de montagne ou forestier. Je ne les ai portées qu’à trois reprises depuis le début de mon cheminement, trois jours sur cinquante. Les renvoyer, c’est notamment un kilo de moins à porter dans le sac.
Thierry est parti en avance par le chemin alors que Bruno propose de prendre un raccourci par la route. « On gagne deux kilomètres au moins ». Notre ami n’a pas conscience des distances. Il n’y aura tout au plus que cinq cents mètres. Mais Colette et Kio acceptent cette proposition. Quant à moi, je décide de suivre Thierry notamment pour l’informer de cette décision si besoin était. Mais je ne le rattraperais pas. Toutefois, il y a une morale à cette histoire. Au milieu de la forêt, les deux vieux pourront admirer une sculpture de bois réalisée par un artiste local, « le pèlerin penseur », que n’aurons pas vue les trois autres compères. Assis au pied de l’église, Bruno reconnut que ce sera leur punition.
Nous continuons notre chemin sur un sentier surplombant tant le gave qu’au loin la route nationale dont nous entendons le bruit. Mais, il est couvert en partie par le bruit de l’eau dans de nombreux tourbillons pour rejoindre Oloron. Ce qui nous vaut le passage sur un pont de bois de belle facture. C’est l’occasion pour moi de remercier à la fois les investisseurs de ce chemin ainsi que les baliseurs qui ont réalisé un véritable travail de qualité pour nous faciliter le cheminement. On parle peu de ces bénévoles souvent locaux qui, aimant leur pays, font tout pour nous le faire découvrir.
Au village de Borce, nous découvrons dans une petite chapelle restaurée comportant une exposition en l’honneur du Chemin. Elle porte d’ailleurs un beau nom, l’Hospitalet, qui nous fait penser à l’hospitalité voulue et assumée par ceux qui reçoivent et soignent les pèlerins. Un très bel aménagement et une belle broderie du visage d’un cheminant ressemblant à notre ami Jacques.
Nous ne nous arrêtons pas pour dormir dans ce village malgré sa beauté. En effet, l’étape est très courte et l’Espagne (demain) nous appelle. Nous nous dirigeons maintenant vers Urdos. Pour cela, nous n’avons pas le choix : il nous faut passer au pied du fort du Portalet. Et prendre un endroit dangereux pour les piétons, le rétrécissement de la route nationale. Il y a peu de circulation ce qui nous facilite bien la tâche.
La construction de ce fort est liée aux relations difficiles franco-espagnoles suite à l’empire napoléonien qui laissa des traces. Construit dans la falaise dans les années 1840/1850, il servit relativement peu puisqu’il fut désarmé en 1914. Sous le régime de Vichy, il servit de prison aux responsables de la défaite de 1940, à savoir Daladier, Mandel, Blum, Gamelin… Ironie de l’histoire, il eut aussi comme prisonnier le maréchal Pétain pendant plusieurs mois avant son départ pour l’ile d’Yeu.
Nous dormons à Urdos, dans un gite moderne au-dessus de l’épicerie. Ce fut agréable et propre comparé à l’abbaye de Sarrance. Une nuit calme et reposante.
A suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.