Etape 64 – Noja - Guemes – Santander : 35 km (1613 km)
Il est relativement tôt lorsque je me lève le lendemain matin. Hier soir, j’ai fait la connaissance de Dieter, un jeune Allemand d’une vingtaine d’années. Au cours de notre échange en anglais, il m’a appris que c’était la première fois qu’il prenait des vacances en toute autonomie, sans sa famille. De fait, j’ai ressenti qu’il avait une certaine appréhension. Je l’ai rassuré sur la bienveillance de ses ainés et qu’il lui fallait se montrer ouvert afin de créer la rencontre avec les autres cheminants. Ce matin, il est parti avec un jeune Hongrois qu’il a rencontré au petit-déjeuner. En cours de route, nous nous croiserons à plusieurs reprises.
Je suis donc parti seul sur cette route qui devait me mener à Güemes. C’est un lieu d’étape que je connais bien pour y avoir rencontré le père Ernesto en 2013 (étape 56). L’albergue porte le nom de la cabana del abuelo Peuto c’est-à-dire la cabane de grand-papa Peuto. Le père Ernesto est personnalité originale et charismatique du Chemin. Défenseur de l’écologie et des populations pauvres sud-américaines, il a créé cet accueil dans la maison où il est né. J’ai gardé un grand souvenir de la petite chapelle de sa communauté abritant les huit dessins originaux et évocateurs du Chemin réalisés par un peintre sud-américain. Les événements vont en décider autrement.
Mes pas me mènent tout d’abord à El Brusco. Pour cela, je dois d’abord longer les murs impressionnants du centre pénitencier d’El Dueso. Lors des années noires du franquisme, des événements graves s’y déroulèrent. De nos jours, l’Espagne étant devenue démocratique, ce centre est considéré comme un modèle du système pénitentiaire. Il est impressionnant par sa taille. C’est cela aussi le Chemin, comprendre son environnement.
Au bout de cinq kilomètres, je rejoins la plage avant d’escalader un escarpement d’une centaine de mètres permettant de passer d’une plage à l’autre. La montée est assez raide et impressionnante, à flanc de coteau. Depuis mon accident de l’an dernier à La Motte-du-Caire (Alpes-de-Haute-Provence), j’éprouve quelques difficultés lorsque je passe près du vide. Une peur qu’il faut que j’apprenne à dépasser. Je pense que le temps y pourvoira. Passant de pierres en pierres, je me fais doubler à plusieurs reprises par quatre jeunes sportifs très à l’aise. S’arrêtant pour réaliser des selfies (ah ! cette mode), ils vont me gêner dans ma progression sur ce sentier étroit.
J’arrive enfin en haut. Le spectacle est fantastique avec ce soleil. Je pense alors qu’il en est certainement de même avec le soleil couchant. J’entame la descente tout aussi raide et pierreuse pour rejoindre une autre grande plage qui se situe du côté d’Helgueras.
Arrivé sur la plage, je vais la parcourir les pieds dans l’eau en bordure de la mer avec en point de mire la petite cité balnéaire. Autour de moi, peu de monde hormis quelques marcheurs comme votre serviteur. Tout est calme hormis le véhicule trainant une sorte de grille pour ramasser les déchets laissés par les baigneurs. Il fait des allers-retours pour nettoyer la plage. C’est une scène assez classique des matins en bord de mer.
Pris par mes idées, je manque la sortie fléchée et il faut qu’un groupe de marcheurs espagnols me hèlent pour m’indiquer le chemin à suivre. Marchant avec eux, ce fut l’occasion d’échanger sur leurs démarches. L’un d’eux parlant très bien le français, ils m’expliquent qu’ils s’arrêtent à Santander et sont très surpris que j’arrive de Genève.
Je les quitte à Noja et continue mon chemin seul. Je retrouve des chemins bien connus qui me mènent à San Miguel de Meruelo où je mange un morceau dans un café. J’y retrouve quelques cheminants. Je m’arrête de nouveau à Bareyo où j’espère visiter la collégiale Santa Maria du XIIe siècle. Hélas, elle est fermée. Dommage car c’est la seconde fois que je passe par ici sans pouvoir la découvrir. Dieter arrive avec son compagnon hongrois. Nous faisons halte commune en partageant des fruits. Puis, ils repartent vers l’albergue de Güemes situé à quelques kilomètres de là. C’est très bien pour le lieu d’accueil du Padre Ernesto, mais il y aura trop de monde. Mais, comme tous ceux avec qui j’ai parlé s’y arrêtent, je décide de continuer vers Santander. J’ai besoin de solitude et ai envie de découvrir cette grande ville.
Je vais donc parcourir la quinzaine de kilomètres qui me reste à parcourir une piste cyclable située le long d’une route à grande circulation sans grand intérêt. L’ardeur du soleil est très présente. Manquant d’eau, j’ai dû m’arrêter dans une station-service pour acquérir une bouteille d’eau bien fraiche. Ainsi, successivement, je passe aux villages de Güemes, Galizano avant d’arriver à Somo. C’est à cet endroit que l’on prend un bateau pour traverser les cinq kilomètres de la baie de Santander. Peut-être aurais-je dû prendre la variante qui longe la côte ! Cela aurait certainement été certainement plus smart.
Arrivé à l’embarcadère, je retrouve un Anglais que j’ai déjà croisé vers San Sebastian. Un moment permettant d’échanger sur nos parcours personnels, lui étant parti d’Irun. Passé par la variante de la côte, il me dit combien ce chemin l’a enchanté et qu’il en a profité pour prendre un bain de mer. Quel dommage pour moi ! La petite traversée de quelques minutes de la baie est très agréable, le vent frais venant atténuer l’ardeur du soleil.
Arrivés à Santander, nous nous dirigeons vers la cathédrale et le gite des Peregrinos. Je n’en garderais pas un grand souvenir. Si l’accueil fut sympathique, il n’en ait pas de même des locaux qui auraient été rénovés : les douches fuient, les toilettes sont sales… Bref, je n’ai pas trop envie d’y rester mais je n’ai pas trop le choix étant installé. Je n’ai pas le courage de rechercher un autre hébergement après cette étape fatigante.
Mon compagnon anglais ayant disparu – il a quitté l’albergue – je vais à la cathédrale puis ensuite déambule dans la ville. C’est extrêmement bruyant si bien que je regrette de ne pas m’être arrêté à Güemes ou de l’autre côté de la baie. Les regrets ne servant à rien, je vais manger dans un café près de l’albergue et rejoint l’albergue avant l’heure de fermeture. Demain est un autre jour.
A suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.