Etape 89 (2015) – Cioga do Monte - Santa Luzia – Mealhada : 22 km (2 234 km)
Lever tôt même si mon étape du jour est relativement courte. Ce matin, quasiment plus de douleurs aux genoux après l’épisode de Fatima. Nous partageons, Joao et moi, notre petit-déjeuner, bientôt rejoint par l’Américaine. Cette femme d’une cinquantaine d’années va prendre le bus pour rejoindre Porto car elle est fatiguée après quelques étapes. Elle a peur de rater son avion à Santiago de Compostela. Quant au couple d’Anglais, pas de nouvelles, ils doivent continuer à dormir. Près du ponte de Santa Clara, nous nous quittons par une accolade. Joao continue vers Condeixa, mon parcours effectué de la veille, votre serviteur prend la direction de Mealhada en traversant le pont. Chacun retrouve la solitude bienfaisante du pèlerin.
Je suis le fléchage le long du Rio Mondego qui me porte vers la sortie de la ville. La ville est bruyante – beaucoup de voitures et de bus. J’ai une folle envie de retrouver le calme signe de sérénité. Arrivé sous le pont de la voie rapide, je me perds, reviens en arrière et trouve enfin la toute petite marque qui me remet sur le droit chemin. Les sorties des villes sont toujours difficiles. Ou peut-être, pour être plus juste, n’ai-je pas encore les yeux bien ouverts.
Peu à peu le bruit s’estompe même si je longe une route nationale. Je prends une petite route. De chaque côté, des plantations. Je suis donc seul sous un soleil qui commence à poindre. Mon pas est assez rapide. Je parcours mes six premiers kilomètres sans encombre et arrive à Ademia. Ainsi va mon parcours du jour : montée vers Cioga do Monte, Trouxemil où trône cette statue de Jacques. Je fais une halte dans le petit café-épicerie.
Mon chemin se poursuit après un raidillon en traversant une forêt composée d’eucalyptus et de pins ainsi que des hameaux comme Adoes et Sergento-Mor. Je m’y arrête car j’ai un fort besoin d’écrire mes sentiments du moment qui me poussent à ne pas m’attarder sur le Chemin. Ma famille me manque de plus en plus. J’ai hâte de retrouver ma Pauline chérie. Ah ! Si elle pouvait marcher et m’accompagner, je partagerais ces moments forts avec elle, mes enfants, mes petits-enfants, en toute simplicité. En y pensant, je pousse un grand cri quitte à passer pour un demeuré si quelqu’un m’entendait.
C’est l’occasion de sortir mon ordi pour écrire mon questionnement sur le comportement de certains sachants du groupe philosophique auquel j’appartiens depuis plusieurs décennies. Ils mélangent souvent et allégrement recherche personnelle et intellectualisme. Bref, le doute qui s’est infiltré sur la finalité de ma recherche me taraude depuis maintenant plusieurs années. Et, depuis plusieurs mois, je me questionne sur ma présence parmi eux. Il est dur de faire un deuil d’un engagement aussi long. La décision est dure à prendre.
Je repars comme allégé d’avoir rédigé ces mots. En sortant de ce dernier hameau, je me retrouve sur une route à grande circulation qui mène à Porto, l’autre grande ville du Portugal. Je vais être obligé de plus ou moins la longer pendant plusieurs kilomètres avec le passage de nombreux camions et bus. C’est le passage prés de Santa Luzia puis de Carquijo. J’ai parcouru une douzaine de kilomètres.
A la sortie de cette agglomération, je quitte enfin le bruit de la route nationale pour parcourir des chemins de terre et des petites routes. Le calme du bruit et de mes réflexions est revenu. Le chemin serpente le long d’une rivière, longeant ou traversant des forêts de bambous et d’eucalyptus. Ah, ces eucalyptus et leur senteur. Après Lendiosa et Casal Comba, j’arrive au terme de mon étape, à Mealhada, une cité de 20 000 habitants. Je ne vais pas m’y attarder.
Je traverse la cité et prend gite au Residential Hilario pour 12 euros. J’en profite pour y déguster le soir la spécialité de la région, à savoir le leitão, le cochon de lait de Bairrada cuit à la vapeur.
En voici la préparation : Enfoncez le cochon sur une broche. Tartinez l’intérieur et l’extérieur d’un mélange composé de saindoux, d’ails pilés, sel et poivre, cumin, clou de girofle jusqu'à lui remplir tout l'intérieur.
Coudre le cochon et le placer dans le four bien chaud en plaçant un récipient en-dessous pour récupérer le gras. Toutes les trente minutes, le sortir du four, essuyez la peau avec un torchon pour enlever les excès de graisse, puis le remettre au four. A la fin de la cuisson (près de deux heures), essuyez le cochon pour qu’il attrape un coup de froid qui va rendre la peau croquante. Servir bien chaud accompagné de pommes de terre frites.
On a beau être cheminant ou pèlerin, parcourir le Chemin n’est pas une punition mais le retour par introspection vers soi-même. L’épisode de la forêt d’eucalyptus m’a fait du bien. Je suis prêt à affronter ce qu’il me reste à parcourir.
A suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.