Étape 3 : Peyruis - monastère de Ganagobie - Lurs : 17 km (47 km)
Petit déjeuner copieux dans cet ancien relais de poste aux locaux voûtés en grosses pierres du pays. Petite discussion avec mes compagnons de chambrée repartis dans leur trip « cyclopédique ». Oui, je sais, je viens d’inventer ce mot, il m’est venu à l’esprit comme cela. Ah, s’il savait ce qu’ils manquent en s’arrêtant devant une fleur, quitter cet esprit de compétition pour simplement « prendre le temps de… ». Mais bon, c’est peut-être lié à l’âge, certains étant d’anciens basketteurs.
C’est le départ qui me fait passer au travers de la bergerie. Heureusement pour moi, le chien sensé garder les moutons est absent, comme les moutons d’ailleurs. D'après la propriétaire du gite, il faut faire attention car il est souvent hargneux. Au bout d'une petite heure de descente dans des chemins forestiers, j'arrive au village de Peyruis. Il faut se recharger de sous, on ne peut y échapper, c’est le nerf de la guerre.
A la sortie du village, après le passage à gué d'un petit ru, c'est la montée raide vers le village de Ganagobie. Je souffre, notamment en termes de respiration. Ah, le temps où mes poumons fonctionnaient bien… Un autre temps. Le temps est superbe, et surplomber la Durance est vraiment agréable. Puis, descente rapide et un peu « casse-gueule ». Le bâton est d’une grande utilité. Depuis mon accident, j’éprouve une certaine trouille de chuter.
Enfin, arrivée au Pont-Bernard en traversant un pont du (mini) canal de Manosque avant de rejoindre la mairie du village de Ganagobie avant de rejoindre le chemin dit de Monticelli. C'est ensuite la piste forestière qui me mène au plateau où se situe le monastère de Ganagobie. Un monastère du Xe siècle ressuscité au XXe siècle avec l’arrivée des moines bénédictins initialement installés à Hautecombe (Savoie). Un lieu où l’on peut admirer des mosaïques du XIIe siècle inspirées de tissus byzantins venus d’Orient. Magnifique cette lutte entre monstres et chevaliers !
Monastère Notre-Dame de Ganagobie.
C’est un lieu que je connais bien puisque c’est ma troisième visite, dont une semaine de retraite pour terminer un ouvrage. Il n’a pas encore trouvé d’éditeur pour le faire paraitre. C’est ainsi ! Parfois, on écrit un ouvrage auquel on tient, dans lequel on met beaucoup de choses de soi, et puis, l’éditeur présumé ayant déposé le bilan, je n’ai pas trouvé de nouvel éditeur pour le faire paraitre. Il est vrai que son sujet est spécifique puisqu’il parle d’islam. Peut-être une certaine peur de le faire paraitre ? Peut-être qu’un jour… ?
« Pas moyen d'y dormir » m'a dit le père hôtelier au téléphone alors que cela était prévu initialement. Bon, on fait avec, mais je suis frustré de cette réponse négative. Il y a beaucoup de monde pour la Pâques. L'église Notre-Dame est pleine et les chants grégoriens résonnent sous la voûte. Je passe un moment à m’y recueillir car j’aime cette église, ces chants, et puis j’ai une admiration pour le mouvement monastique. Peut-être ai-je été moine dans une vie passée ? Bien sûr, si c’était le cas, j’aurais été abbé au minimum. Je souris.
Je repars maintenant vers Lurs où il sera possible de dormir au gîte communal. Cela commence par une grande descente pour rejoindre un pont romain que ne m’inspire pas beaucoup. Il daterait du second siècle de notre ère. Montée vers le bois de Lurs, puis je rejoins la voie des évêques et ses oratoires. Ce village était une résidence d'été des princes-évêques de Sisteron. Un superbe village médiéval situé en hauteur de la Durance.
Avant d'aller au gîte, je prends le temps de manger le plateau du pèlerin assez moyen au Bistrot du pays à 12 euros. Ensuite, je suis accueilli par Vincent, un ancien pèlerin ayant effectué à trois reprises le Chemin à Compostelle. Le dernier a failli se terminer tragiquement puisqu’il s’est terminé, à Irun, par un AVC. Il en demeure marqué dans sa chair. Tout au long du chemin, il a peint des aquarelles des lieux rencontrés dont certaines sont exposées dans le gite. C’est un homme enrichissant et de grande qualité qui, il l’espère toujours, reprendra le Chemin quand sa santé le permettra.
Le gîte est quasiment neuf, réalisé dans l'ancienne cuisine voûtée de l'ancien séminaire voulu par les anciens évêques. Lieu étonnant, attachant ! Je suis le seul ce soir à y dormir.
Le gite de Lurs (Alpes-de-Haute-Provence).
Petite étape, c’est relatif, car pleine d’émotions. J’ai moins souffert aujourd’hui.
Alain Lequien – Bourguignon la Passion.