Étape 6 : Roquefure - Les Baumettes - Cavaillon : 33 km (139 km)
Ayant bien dormi, je me lève relativement tôt. Il n’y a aucun bruit dans l’établissement. C’est normal, bien sûr. Thé, œufs, un peu de pain, une pomme et me voici reprendre la voie verte vers Cavaillon. Il fait frais ce matin, et le vent commence à se lever.
A Peyrouliere, je quitte la voie verte pour suivre le chemin de grande randonnée GR 653D. C’est agréable. Je passe au milieu de maisons, sur de petites routes sans quasiment aucun véhicule et en suivant des sentiers empierrés. J’aime ces endroits peu fréquentés, ce qui n’est pas le cas du véloroute qui reste assez animé avec le passage parfois de groupes de cyclistes et quelques cyclistes de randonnée. En passant aux endroits situés dans l’ombre, ce matin, l’herbe est blanchie par le froid. J’en conclue que la température a dû descendre assez bas cette nuit.
Je croise un pèlerin d’une quarantaine d’années se rendant à Rome. C’est le moment de l’échange. Notre homme a dormi en camping sauvage dans la forêt. Il est frigorifié et tarde à arriver à Apt pour boire une boisson chaude. Je n’ai rien à lui offrir sinon ma sympathie, et lui indique que son intérêt est de suivre la piste cyclable jusqu’à Apt.
Un peu plus loin, une dizaine de personnes sont accroupies dans un champ pour planter de minuscules pieds de lavande. Nouveaux petits échanges. C’est la première fois que je vois cela, ignorant que cette opération était complétement manuelle. Je la pensais automatisée.
Passage à Roquefure. Les chiens aboient, le cheminant passe. Au loin, un paysan me fait un petit signe. Sympa. Déjà huit kilomètres de parcouru en rejoignant la voie verte au pont Julien.
Le pont Julien, 2 000 ans d'activité.
Ce pont romain situé sur la voie Domitienne est traditionnellement daté de l'an 3 av. J.-C.. Il reliait Narbonne à Turin. Long de quatre-vingts mètres sur six mètres de large, il surplombe le Cavalon de plus de onze mètres. Il fut utilisé jusqu’en 2005 pour la circulation automobile avant la création d’une dérivation. Soit deux mille ans… Il faut qu’il soit solide !
Pause fruit, une orange avant de reprendre la route qui chemine au milieu des cultures. Le véloroute a pris sa distance avec elle, et la rejoindra à La Bégude. Je décide de le reprendre puisque les deux voies cheminent en parallèle. Je vais désormais suivre celle-ci jusqu’à Robion.
Encore et toujours des cyclistes. Un autre monde avec lequel cohabiter. Certains d’entre eux sont plus sympas, surtout des randonneurs du dimanche, ce qui me permet d’engager la conversation avec certains d’entre eux.
Près de Goult, sur le bas-côté du véloroute, le dolmen de l’Ubac fut découvert par hasard en 1995, à la suite d'une crue du Calavon. Ce monument funéraire daterait du néolithique (entre 3 300 et 2 900 ans avant J.C.). Il aurait accueilli une cinquantaine d’individus de tous âges et sexe. Échange avec un couple de Suisses étonnés de cette présence si près d’un passage fréquenté.
Poursuite vers le village après avoir rempli ma bouteille au point d’eau. Je n’ai pas le courage d’aller au centre de pèlerinage de Notre-Dame des Lumières. En 1661, un paysan aurait été guéri soudainement d’une hernie en voyant apparaitre un enfant au milieu d’une grande lumière. Cela continua avec la présence de lumières dansantes. On dénombra plus de deux cents miracles. Depuis, le lieu est consacré à la Vierge, la Vierge noire. Histoire à conter dans un second volume des mystères de Saint-Jacques de Compostelle.
Je passe maintenant à Lumières la bien-nommée, Les Baumettes et Coustelet où je cède à manger un bon plat dans un restaurant avant de rejoindre Robion. Je suis gourmand et gourmet par nature. De temps en temps, j’aime me lâcher. Les cheminements vers Compostelle ne sont pas des punitions que je m’inflige.
A Robion, le véloroute sous sa forme propre et bien organisée prend fin. Il fait place à l’ancienne voie de chemin de fer qui a présidé à sa réalisation. Cette voie est plus ou moins encombrée d’arbres, d’herbes…, parfois nettoyée, parfois avec la présence des rails. Il reste du travail à réaliser pour qu’elle soit utilisable. Je vais la suivre jusqu’à Cavaillon. J’y vois un gros avantage, je ne risque pas de me perdre.
C’est ainsi que j’arrive au sud de Cavaillon. J’y ai quelques amis (Alain, Brigitte, Annie..), mais ils sont parfois absents ou je n’ai pas réussi à les contacter. Ce sera pour une autre fois.
Remontée vers l’Office du tourisme car les infos que j’ai pour l’hébergement consistent en une liste d’hôtels onéreux. Je ne suis pas spécialement radin, mais bon, cheminer pour dormir dans des hôtels et des chambres d’hôtes, ce n’est pas mon trip. Ce n’est naturellement pas un jugement, chacun fait ce qu’il veut, mais j’apprécie surtout le rapprochement avec la nature et un certain détachement avec le confort. Sans aller comme Djamel, mon ami, qui dort sous la tente. Il est courageux… et un peu fou (c’est gentil mon ami).
La seule solution qui me reste est de dormir au camping de la Durance. 10 euros la nuit dans un bungalow, c’est dans mes moyens. Ce que je fais alors que le vent souffle fort et que le temps s’est refroidi. L’accueil est chaleureux, il n’y a pas grand monde.
J’ai envie de manger chaud et donc, après avoir effectué quelques courses au supermarché, je vais au Flunch voisin. Ce n’est pas de la gastronomie, mais j’ai besoin de nourriture chaude. Ce sera un couscous à volonté. Deux fois le restaurant dans la journée… Attention Alain, tu t’embourgeoise…
Long chemin ce jour, quasiment un kilométrage identique à celui d’hier. Je suis fatigué et il fait froid.
Alain Lequien – Bourguignon la Passion.