Étape 8 : Les Baux - Saint-Gabriel de Tarascon - Fontvieille - centre equestre : 28 km (198 km)
J'ai mieux dormi qu'hier, mais la froidure dans la caravane m'a réveillé à plusieurs reprises. Le vent qui a soufflé cette nuit semble s'être calmé. Après avoir pris un thé chaud avec du pain sec trempé qu'il me restait dans le sac, j'ai pris la route en revenant un kilomètre en arrière car le camping était excentré du chemin.
La traversée des Alpilles est agréable avec ses montées, ses descentes, ses chemins fortement pierreux. Mais ici, rien à voir avec les paysages montagneux jusqu'à Lurs. Les efforts à faire sont plus limités, et je dois le dire, le paysage, les plantations, la lumière même, tout cela est beaucoup plus beau. Je comprends mieux pourquoi des artistes comme des peintres et des auteurs ont pu nous donner de telles oeuvres.
À un moment donné, un quatre-quatre rouge me double. Une patrouille des pompiers qui fait sa ronde protectrice. Puis, ce fut un coureur à pieds sorti de nulle part avec son chien noir. Puis, alors que je montais péniblement pour rejoindre un plateau, un vététiste en descente déboula au risque de me renverser. Il doit se croire seul le bougre…
À la croisée d'un chemin, c'est la foule, enfin presque... au niveau de la citerne de la Leque. Quatre dames perdues : elles devaient se rendre aux Baux en Provence. Erreur de parcours, je ne peux pas les aider ne connaissant pas les lieux. Puis, arrivent quatre cyclistes avec des vélos à gros pneus, suivis de près par deux coureurs en sueur. C'est la première fois que je vois autant de monde réuni dans un lieu si isolé. Une sorte de point de rencontres.
C'est maintenant le passage à la chapelle romane Saint-Gabriel de Tarascon perchée sur une colline. Elle est située sur le lieu mythique gallo-romain, Ernaginum. Ce carrefour se trouve à la jonction des voies romaines Aurelia et Domitia arrivant de Rome (je croyais l’avoir vu hier ?). L'une passait par Briancon, celle que je parcours, l'autre par Menton. Sans oublier la voie Agrippa venant de Lyon. On y traversait le Rhône sur des embarcations équipées d'outres utilisées comme flotteurs.
L’église fut classée monument historique dès 1840 par Prosper Mérimée, alors inspecteur général des Monuments Historiques.
C'est maintenant l'arrivée à Fontvieille, la cité d'Alphonse Daudet, l'auteur des Lettres de mon moulin. On peut d'ailleurs en voir quelques-uns, dont le moulin Ribet qui lui servit de décor. Par contre, je n’ai pas fait le détour vers le château Montauban. Décidément, ce pays est d’une grande richesse.
Deux options s'ouvrent à moi. Soit je reste sur place ou dans les environs, soit je parcours les douze derniers kilomètres qui me séparent encore d'Arles, la cité d’arrivée. Tout dépend si je peux me rendre aux Saintes-Maries-de-la-Mer. A l'office du tourisme, après consultation du Net, il semble ne pas y avoir de moyens collectifs pour s'y rendre. A quoi bon rester deux jours à Arles que je connais déjà bien, au milieu de la foule. La réponse donnée à l’office du tourisme me décide à rester sur place, dans un lieu adapté à ma bourse. Donc, pas de chambre d'hôtes. Le choix limité me pousse à aller vers un centre équestre situé sur la route d’Arles, à quatre kilomètres de là. Une nouvelle expérience à vivre.
J’aurais pu suivre le chemin de grande randonnée qui cohabite avec la route fréquentée d’Arles. Mais avant, je veux visiter l’un des moulins se trouvant sur le chemin éponyme. On est quand même au pays de Daudet. Après cette visite, je prends un chemin de randonnée marqué en jaune qui longe une route. Hélas, au bout de quelques kilomètres, je prends conscience que… ce n’est pas la bonne route. Celle-ci m’éloigne de mon lieu d’hébergement du soir.
A un carrefour, un couple de touristes de la Manche me ramène en voiture tout près du centre équestre Les Enganes. Encore une rêvasserie.
J'y suis accueilli par Sylvie, la patronne du centre qui est aussi un centre de formation pour futurs accompagnateurs de randonnées à cheval. Il est vrai que la randonnée à cheval est une activité forte et lucrative ici. Justement, une formation se termine et certains ne décrocheront pas le sésame tant attendu. Sylvie m’expliqua que c’était important de former des gens qui ne prendront aucun risque avec les touristes dont chaque accompagnateur a la charge. Elle sait de quoi elle parle ayant été à plusieurs reprises championne de France d'Equitation Camargue et ayant participé aux Championnats d'Europe d'Equitation de travail.
Petite bière d'arrivée, douche, lavage du linge du jour, un peu de repos, le quotidien du cheminant. Lorsque je descends du gîte, le patron m'offre l'anis traditionnel. Deux même, « on ne peut rester sur une patte » me dit-il.
Accueilli en demi-pension, je vais manger normalement ce soir et demain matin, avec un vrai petit déjeuner.
Puis c’est la continuité de l’échange sur ce monde inconnu pour moi, sur ce milieu particulier. C'est très instructif de se rapprocher de ces valeurs de terroir contées par deux amoureux de leur métier depuis plus de trente ans. Ils sont dans cette logique de prévoir la qualité des prestations des nouvelles générations. Ce n'est pas toujours facile car ceux qui choisissent ce métier sont souvent en rupture scolaire. Ils ne prennent pas toujours conscience de la dureté du métier qui va au-delà de l’accompagnement d’un groupe. En effet, il faut s’occuper des chevaux, ramasser le crottin, casser la glace l'hiver, nettoyer les box.... mais, quand on aime les animaux et la nature, il faut savoir l’accepter et l’assumer. Une belle expérience !
Le soir, dîner frugal seul car la patronne sort pour une réunion. J’ai droit après l’entrée à des saucisses à l'herbe des Cevennes fabriquées artisanalement. Constituées de chair à saucisse exclusivement réalisée avec du gras et du maigre de porc, on y ajoute du chou, de la blette, des légumes ou de la pomme de terre. Le mélange est enrichi d’épices, de sel et de poivre. C'est très bon, d’autant que c’est accompagné de riz camarguais et de rosé du pays.
A vingt heures... dodo dans le gite après un peu d'écriture.
Encore une journée riche.
Alain Lequien – Bourguignon la Passion.