Étape 17 : Manses - Vals- Le Carlaret : 27 km (466 km)
Nous prenons notre petit-déjeuner tôt car mon hôtesse doit se rendre à son travail. Cela m’arrange car la distance pour me rendre à Pamiers est de trente-six kilomètres. Un long parcours prévisible différent des chemins plats du Canal du Midi. D’après le guide, il est vallonné comportant plusieurs dénivelés positifs de plusieurs centaines de mètres.
Je quitte Mirepoix en revenant en arrière. Dans la cité endormie, c’est le calme plat. Je pense qu’Yves rencontré hier a dû continuer son chemin ou peut-être a-t-il dormi sous la tente. Je n’ai pas de nouvelles.
Je me dirige vers Manses puis Teilhet par une alternance de petites routes et de chemins. Pas un bout de pelouse. Entre ces deux villages, une plaque sur les hauteurs attire mon attention. Selon toute vraisemblance, l’ancien village dont il ne reste aucune ruine devait être positionné dans une forêt comme l’indique le tracé effectué. Le village de Teilhet situé en contrebas ne daterait que du XIIIe siècle. Un mystère ariégeois !
C’est l’occasion de vous déclamer le poème intitulé Humbles ruines de Barthelemy Maurette[1] :
« Ô pierres, vestiges des choses
Défuntes il y a longtemps
J’adore voir les adieux roses
Que vous font les soleils couchants. »
Au village, je découvre la présence d’une importante nécropole mérovingienne dénommée Tabariane fouillée au siècle dernier. On peut y voir trois cent tombes mises au jour dont la majorité était en bon état. Je n’ai pas le temps d’y passer, hélas.
[1] Barthelemy Maurette, Nostalgies montagnardes.
Le clou de la journée est la découverte de l’église semi-rupestre Sainte-Marie de Vals classée aux monuments historiques en 1910. On pourrait croire que ce bâtiment, austère et massif, n’est qu’une citadelle, les restes d’un château abandonné par un seigneur local sur ce que les anciens appelaient la plate-forme du Rahus. En fait, il s’agit bien d’une église préromane et romane est pour le moins originale. Une partie est creusée dans la roche elle-même, sans doute pour y christianiser une source sacrée, objet d’un culte antique. On y entre par une fente naturelle dans la roche pour accéder par un escalier de pierres à la partie inférieure de l’édifice, les restes préroman d’une construction du Xe siècle.
Après quelques marches, je parviens à l’abside construite au XIe siècle. Les voûtes laissent apparaitre de très belles fresques romanes aux couleurs propres de cette période. Elles furent découvertes en 1952, puis restaurées en 2008. Elles figurent trois moments de la vie du Christ : sa venue au monde, sa période évangélique et son retour sur terre lors de la Parousie comme Christ en majesté.
Eglise Sainte-Marie de Vals : accès, fresque, chapelle, terasse).
Ici, pas de perspectives ou de recherche esthétique : l’image est faite pour instruire et non charmer. Dans la dernière partie par exemple, Saint Michel, Saint Mathieu, Raphaël et Gabriel entourent le Christ en majesté et gardent le site. Au-delà des couleurs, des tracés, ce qui frappe, ce sont les yeux. Ils sont fixes, immenses comme s’ils voulaient s’attacher ceux qui les regardent. C’est magnifique !
Me sentant en pleine sérénité, je suis resté un certain temps dans ce lieu dans lequel je me suis senti comme élevé. Cela me donne à réfléchir au temps qui passe. C’est alors que je renonce à continuer jusqu’à Pamiers. Non par fatigue, mais parce que j’ai envie de calme. Me retrouver dans une grande ville n’est pas fait pour moi. En sortant, je contacte l’accueil pèlerin de la Lampisterie au Carteret qui me donne son accord pour me recevoir.
J’aurais voulu me désaltérer, mais les deux cafés du village sont fermés. Heureusement, une brave dame du cru me donne de l’eau.
Je reprends tranquillement le chemin qui doit me mener à Saint-Amadou car le seigneur soleil cogne fortement. Après m’être égaré sur l’ancienne voie de chemin de fer, j’arrive enfin à mon gite du soir.
Je suis accueilli par Élisabeth dans une grande maison qui fut l'ancienne gare du Carlaret déclassée en 1950. C’est tellement bien arrangé que j’ai l’impression d’être dans une maison d’hôtes. Pourtant, il s’agit bien d’un arrêt jacquaire. Le nom de lampisterie provient de la petite construction de l’entrée de la propriété où étaient stockées jadis les lampes des ouvriers du rail.
Deux heures plus tard, nous sommes rejoints par un couple de Bretons, Corinne et Pierre-Yves qui vont devenir mes compagnons de voyage. Je quitte la solitude du pèlerin après plus de deux cent cinquante kilomètres. Nous sommes rejoints par deux ouvriers travaillant dans le secteur qui ont loué une chambre. Superbe soirée amicale.
A suivre. Bourguignon la passion.