Etape 36 – Au Cirque de Gavarnie : 14 km (906 km)
Lors de mon cheminement, il était prévu qu’à partir de Lourdes, je passe par le Cirque de Gavarnie, classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce lieu se situe sur l’un des anciens chemins menant à Saint-Jacques de Compostelle, aujourd’hui plus ou moins abandonné. Comme je n’avais pu le faire lorsque je suis passé à Lourdes (fatigue et famille), il est temps pour moi de parcourir cette étape en la plaçant en fin de parcours.
Je rejoins Gavarnie en voiture. Lorsque j’arrive, il pleuviote, le temps est venteux et froid. J’aurais certes préféré un grand soleil mais on doit accepter ce que la nature nous propose. Elle est tellement puissante. Après le café pris au village, il est temps d’entreprendre la montée vers le cirque en passant par la petite église du village. J’évite ainsi la facilité de suivre le chemin large qui va cheminer vers le cirque.
Classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco au titre des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle, l’église fut érigée au XIIe siècle sur la chapelle de l’hospital bâti par les moines-soldats de Saint-Jean de Jérusalem, ancêtres de l’Ordre de Malte. Cet hospital accueillait les pèlerins et les marchands de passage, mais aussi les bergers en transhumance avec leurs troupeaux. Ils venaient à Gavarnie vénérer Notre-Dame du Bon Port en sollicitant sa bienveillance lors de la traversée du Port de Boucharo à plus de 2 200 mètres.
L’église actuelle devenue paroissiale prit le nom de la Vierge au XIVe siècle. Mais au XIXe siècle, les rigueurs du climat firent s’effondrer le clocher et une partie de la petite église. Elle fut reconstruite et agrandie à partir des vestiges de l'époque médiévale, et abrita les reliques de crânes dits de Templiers décapités en 1307 sur ordre de Philippe le Bel.
Dans une revue de Comminges, le fossoyeur de Gavarnie avouait que lorsqu’il considérait qu’ils étaient trop vieux, ils étaient changés. La fin d’une légende.
Le jour de mon passage, on allait y enterrer une personnalité du village. Le curé avec qui j’ai discuté sur Compostelle m’a dit que c’était une vieille dame très estimée. Je veux bien le croire, l’église ne serait surement pas assez grande. Je quitte donc les lieux pour laisser se dérouler la cérémonie.
C’est ensuite la montée, sous la pluie, vers le plateau de Bellevue. Je rencontre un couple de marcheurs en chemin qui sont étonnés de me voir ici. Nous discutons un peu, mais rapidement, les questions tournent autour de l’argent : combien cela coûte… Puis, ils me parlent de leur villa près de Cannes qu’ils louent 3 000 € par semaine. Je m’en fous royalement, mais je suis poli.
Pour faire bref, je m’éloigne rapidement en accélérant le pas. Pas intéressants ceux-là !
La montée est parfois raide, et ils ne suivent pas. Ils ont dû rebrousser chemin. Tant mieux, je n’ai pas envie de les revoir. Par contre, je rencontre un jeune couple d’Anglais avec toile de tente. Un vrai plaisir de partager.
En croisant un cairn, un monticule de pierres créé par des randonneurs, je me mets à penser à celui rencontré au cours d’un périple dans les Alpes. Mes amis d’alors m’ont dit qu’il s’agissait d’un monument commémoratif du décès d’un jeune Italien s’étant tué ici. Pourquoi cette pensée lors de cette montée ? A la réflexion, cela reste un mystère.
Je pense qu’ici, il doit être considéré comme un élément du balisage.
La pluie a cessé lorsque j’arrive au plateau. Le temps de contempler le paysage et ces belles fleurs bleus/mauves que sont les ancolies. La redescente est plus difficile, la pluie a repris de plus belle. Je marche doucement car les pierres sont glissantes. Je traverse un gave par un pont de bois avant d’entamer une nouvelle montée très raide où il ne doit pas passer souvent des randonneurs. Plus de marques, je crains de m’être égaré quand soudain, au détour d’un sentier, j’aperçois en contrebas le large chemin principal venant du village où cheminent des marcheurs. Ouf !
Gavarnie : plateau de Bellevue et traversée du gave.
Je le rejoins avant d’arriver sous pluie battante à l’hôtellerie du cirque à 1 570 mètres d’altitude. En fait d’hôtel, il est fermé. Il ne reste juste qu’une grande salle où l’on peut manger. Il y a de nombreux randonneurs qui s’y sont réfugiés, notamment une dizaine de Japonais. Je choisis un plat local en me posant des questions pour continuer la montée. De loin, on voit le cirque qui se trouve à quasiment 1 800 mètres d’altitude et l’immense cascade de 423 mètres, la plus haute d’Europe.
C’est alors un grand changement de temps. Le soleil est revenu. J’accélère la fin du repas car je veux profiter de cette fenêtre pour monter près de la cascade.
J’entame donc mes derniers 200 mètres de dénivelé positif (eh oui ! parfois, je parle randonneur).
En chemin, je découvre que le 31 août 1843, Victor Hugo et Juliette Drouet ont découvert ce lieu magique. Le poète est ébahi par le spectacle qu’il voit. Voici ce qu’il écrivit dans son poème Dieu – La Fin de Satan en 1855 : « Qu’est-ce donc que cet objet inexplicable qui ne peut pas être une montagne et qui a la hauteur des montagnes, qui ne peut pas être une muraille et a la forme des murailles ? C’est une montagne et une muraille tout à la fois ; c’est l’édifice le plus mystérieux du plus mystérieux des architectes ; c’est le Colosseum de la nature ; c’est Gavarnie. »
Gavarnie : montée vers la cascade.
Quelle beauté de ce texte qui représente ce que je ressens profondément. C'est fantastique comme endroit. On ressent la liberté et l'appartenance à quelque chose de plus grand que l'homme. Je tourne cette petite vidéo pour essayer de partager ce que je ressens. Je pense que j’y retournerais pour faire d’autres sentiers.
Gavarnie : petite vidéo en direct.
Arrivé à une centaine de mètres, un jeune couple redescend. Lui est trempé, tremp selon les intimes, sa compagne a préféré s’abriter sous un parapluie. Il me prend en photo comme petit souvenir de mon passage devant la cascade. Et puis, comme je suis resté gamin dans ma tête, je vais prendre une douche bien fraiche sous la partie accessible de la cascade. L’eau est glacée, et je sens la force de l’eau tombante de si haut (je n’étais pas au centre). Autant dire que si c’est génial même si je n’y reste pas longtemps car j’ai vite froid. Cela fait du bien, j’éclate de rire car de toute façon la pluie avait déjà fait son œuvre.
La redescente est rapide et j’arrive de nouveau à l’hôtellerie du cirque.
Je décide de redescendre par un autre chemin, le Chemin des Espugues qui serpente à flanc de montagne. Certains passages sont le long de la corniche avec des passages délicats. Comme le temps est maintenant ensoleillé, c’est plus facile même s’il faut faire attention. Sur les rochers sont accrochés des plantes relativement rares, notamment ces plantes carnivores que sont les grassettes. Sans oublier des edelweiss. Beau passage fleuri.
Je vais continuer ainsi pour arriver au plateau du Pailha à 1 800 mètres d’altitude.
J’y découvre un refuge de deux dortoirs qui est la récupération d’une ancienne maison abritant des ouvriers pour la construction d’un barrage, ramenée à dos de mulets et remontée ici pour accueillir des voyageurs. Cette histoire m’est contée par le gardien alors que je déguste une bière.
Il est temps pour moi de redescendre vers Gavarnie en suivant les Entortes (lacets) du Pailha. Descente au milieu d’un bois de sapins et de hêtres par un chemin pierreux assez glissant. Je suis doublé rapidement par des sportifs italiens sautillant comme de vrais cabris. Ah jeunesse !
De retour au village, quelques petites courses avant de retourner à Lourdes. En passant, à la sortie du village, je vois un jeune couple un peu paumé qui entreprend de descendre par la route. Je les prends en stop. C’est leur première sortie ensemble en montagne.
Fin de ce trajet sur la voie du Piémont pyrénéen.
Si je tire une conclusion de mon parcours sur la voie du Piémont pyrénéen, je dirais qu’il y a beaucoup à faire pour le rendre agréable entre Montpellier et Carcassonne notamment dans les domaines du balisage et de l’accueil qui ne sont pas à la hauteur de ce que l’on devrait attendre. C’est dommage, car il y a de très beaux lieux. Quant aux habitants, cela manque de pédagogie.
Par contre, comme j’ai préféré suivre le canal du Midi à partir de Béziers jusqu’à Carcassonne, puis le chemin de grande randonnée 78 jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port, ce fut un vrai plaisir à la fois pour les yeux, les sensations et l’accueil. Le parcours est parfois un peu difficile – nous sommes aux pieds des Pyrénées – mais il mérite d’être connu et parcouru. Bravo pour le balisage et surtout les accueillants. De beaux moments.
A bientôt sur un nouveau cheminement, celui qui devrait me mener sur la voie de Tours à partir de la tour Saint-Jacques à Paris. Bourguignon la passion.