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Publié par Alain Lequien dit Bourguignon La Passion

La basilique avant sa restauration. Dessin paru dans « Le Monde Illustré » en 1862.
Dessin paru dans Le Monde Illustré en 1862.

Lors de mon passage à Soulac-sur-Mer, je vous invite à visiter avec moi cette basilique. Encore serti dans son écrin de sable, ce joyau de l'art roman est classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des Chemins de Saint Jacques de Compostelle depuis décembre 1998. Dénommée en gascon basilica Nòsta Dama de la Fin de las Tèrras, elle doit son nom à la proximité de la pointe de Grave, partie finale de la presqu'île du Médoc baignée d’un côté de la Gironde, de l’autre de l’Océan Atlantique.

La tradition fait remonter son origine à la légende de Sainte-Véronique. Au premier siècle de notre ère, après la mort de la Vierge, Sainte Véronique, son époux saint Zachée (saint Amadour – le saint de Rocamadour) et Saint Martial venus de Palestine arrivèrent à Soulac. Elle éleva un modeste oratoire afin d'y conserver une relique apportée de Terre Sainte considérée comme une goutte de lait de la Vierge. D’ailleurs, le nom de Soulac (Solum lac en latin) pourrait se traduire par « le lait de la Vierge ». Sainte Véronique évangélisa la région.

A cette époque, le lieu n’était pas la langue de terre que nous connaissons. C’était un archipel de petites îles situé entre sable et vase, reliés par des semblants de gués souvent submergés. La tradition nous dit que la sainte femme serait venue avec de l’argile et du gazon pour consolider les soubassements du lieu. En fait, il faudra attendre le XIe siècle pour que l’engazonnement ait lieu. 

C’est probablement sur cet emplacement qu’à l’époque médiévale des moines bénédictins érigèrent un prieuré et une petite église monastique qu’ils appelèrent Notre-Dame de la fin des Terres. On trouve ici une concordance avec le Finistère breton et le Fisterra galicien. C’était un lieu idéal pour se retirer loin du monde pour prier.

L’essor du pèlerinage de Compostelle profite au prieuré qui accueille de nombreux pèlerins venus du nord de l'Europe en bateau pour poursuivent leur route par la voie longeant le littoral. D'autres traversaient l'estuaire de la Gironde depuis la petite cité fortifiée de Talmont après avoir emprunté une voie secondaire à partir de Saintes. Les jacquets les plus affaiblis sont accueillis dans un hospice fondé par les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem à l’Hospitalet de la Grayannes, autrefois situé dans l'actuelle commune de Grayan-et-l'Hôpital.

La petite église prieurale agrandie pour les recevoir est l’ossature de la basilique actuelle dont la conception est destinée à permettre une circulation des fidèles autour des reliques.

Endommagée par les Guerres de religion, les méfaits de la nature vont faire leur œuvre. En quelques siècles, les sables accumulés font grimper le niveau du sol de trois mètres. Les fenêtres devinrent portes, le rez-de-chaussée crypte. En 1737, la basilique est une île subissant les affres des tempêtes. Sept ans plus tard, les fenêtres et les portes sont bloquées. Le site est abandonné, il n’émerge plus que le clocher. Les pèlerins, les moines migrent comme les habitants à deux kilomètres de là.

En 1757, on ne peut accéder à l’édifice, au prieuré et aux maisons abandonnées. La Chambre de Commerce de Bordeaux intervient pour éviter la destruction des lieux car le clocher émergeant servait d‘amer (balise) pour les bateaux.

La loi d’assainissement de 1857 et la volonté du cardinal Donnet de sauver l’église et les reliques de sainte Véronique vont être essentielles. En 1859, le désensablement est entrepris. Quatre ans plus tard, l’église est rendue au culte avec une chapelle abritant les reliques de la sainte. En 1659 est signalé un autel richement décoré dédié à saint Jacques. Un prieuré est reconstruit, l’église est classée aux Monuments historiques en  1891.

Nouvelle frayeur vers 1920, les eaux menacent l’église. Les chapelles latérales sont continuellement inondées et l'eau affleure parfois le plancher des nefs. La messe est dite dans un garage.

En 1953, 1954 et 1955 l'église est complètement envahie par les eaux, le culte n’est plus célébré pendant plusieurs mois. En 1955, un système de pompage automatique et d'évacuation de l'eau est mis en place adossé à une immense citerne. En 1965, des travaux de canalisation des eaux de pluie dans la partie haute de la ville mettent l'église à l'abri des inondations. La basilique fut consolidée de nouveau il y a une vingtaine d’années avec la mise en place de micropieux de soutènement.

Malgré ces menaces et son lourd passé, Notre Dame de la fin des Terres est toujours debout. Il reste toujours enseveli plusieurs mètres de son enceinte, dont le portail Sud d'origine, à cause de la remontée de la nappe phréatique. À l'intérieur, après avoir descendu dix marches, le visiteur peut accéder au dallage primitif.

Son histoire reste très vivante comme le prouve le blason de Soulac avec cette mention : Ex arena rediviva surgit - Du sable, elle se dresse ressuscitée.

Plusieurs statues sont toujours vénérées dans le sanctuaire notamment celle en bois polychrome du XIXe siècle représentant la Vierge et celle de saint Jacques offerte par des pèlerins.

Lors de mon passage, s’est déroulée la préparation d’une cérémonie en l’honneur d’une dame du pays décédée. Bien entendu, j’ai quitté les lieux au début de la cérémonie en rendant hommage à la personne défunte. Auparavant, deux membres de la famille sont passés me voir pour me parler de Compostelle. Même dans ces moments douloureux, Compostelle n’est jamais loin.

À suivre. Bourguignon la Passion.

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