Étape 7 : Lorgues – Le Thoronet (village) : 25 km (168 km)
Ce matin, quand je me lève vers 6h30, le ciel est toujours rempli de nuages sombres. Encore une journée pluvieuse qui s’annonce. Après une douche fraiche et le petit-déjeuner, départ de mon cheminement du jour. Un habitant en passant m’offre de boire un café. Cela ne se refuse pas d’autant que les premières gouttes font leur apparition. Sans oublier un vent frais. Nous parlons du Chemin, comme d’habitude j’allais dire.
Au bout d’un quart d’heure, je repars en suivant une route qui m’amène dans une zone industrielle. Il pleut fort maintenant, et voilà qu'apparaissent des grêlons. Je sais que l’adage dit : « En avril ne te découvre pas d’un fil », mais on n’est pas au mois de mars, le temps des giboulées.
Au bout de deux kilomètres environ, je quitte la route pour entamer la montée dans la forêt. L’eau dévale la pente. Je suis déjà complètement trempé. En fait, ce chemin forestier est quasiment parallèle à la route quittée. Je la retrouve à un carrefour que je traverse pour rejoindre une petite route allant en direction de l'ancienne abbaye de la Celle-Roubaud aujourd’hui le siège du Château de Sainte-Roseline. Pourquoi ? En voici l’histoire simplifiée.
Au XIIIe siècle, Roseline, la fille du marquis de Villeneuve distribuait aux pauvres les vivres familiaux malgré l'interdiction de son père. Ayant placé des provisions de pain dans son tablier, elle fut surprise par son père. Contrainte de dire ce qu’il contenait, elle fit un pieux mensonge en disant qu’il contenait des roses. Les fleurs avaient remplacé les provisions. Ce miracle des roses fut reconnu par le marquis y vit le signe d'une protection divine.
Devenue moniale puis prieure de l'abbaye de la Celle-Roubaud entre 1300 et 1329, Roseline fut à l'origine de plusieurs miracles qui eurent lieu de son vivant et après sa mort. Cinq années après celle-ci, son corps fut exhumé. Il exhalait une forte odeur de roses. Il resta intact ainsi pendant plusieurs siècles. De nos jours exposé dans une châsse, le corps momifié de la sainte est présenté habillé dans sa tenue de cartusaine (chartreuse) blanche à coiffe noire. Son visage, ses mains, ses pieds sont visibles sous l'apparence d'une peau desséchée et noircie. En réalité, il s'agit d'un revêtement de cire vernie posé à la fin du XIXe siècle par un médecin italien sur les ossements de la sainte. Elle fait l'objet de pèlerinages dont le but est la guérison des enfants. Ils ont lieu cinq fois par an. (Photo source paroisses catholiques).
La route suivie est belle et peu fréquentée. En passant près d’un château du viticulteur, la Font du Broc, je remarque un fléchage dont le kilométrage est inversé. Je n’ai parcouru que six kilomètres et non treize kilomètres comme indiqué. Je ne rêve pas.
Passage aux Suous, puis c'est l'arrivée dans le petit hameau de Fabrègue. L’eau s’y écoule à flots. Alors que j’étais arrêté pour manger un fruit, une voiture s’arrête. Une dame me propose d’aller boire un thé chaud. J’accepte, car je suis frigorifié. En fait, en échangeant avec elle, j’apprends que son mari milite dans le milieu du compagnonnage. Comme le temps est toujours aussi mauvais et que notre conversation s'est prolongée, elle va me ramener en voiture à Lorgues.
En ville, en parlant avec un couple, j’apprends qu’en fait l’abbaye du Thoronet se situe bien au-delà du village, plusieurs kilomètres après. Je vais donc ramer pour y arriver. Cette information exclut, vu le temps exécrable, que j’aille dormir au monastère des sœurs de Bethléem, de l’Assomption de la Vierge et de Saint-Bruno près de l’abbaye du Thoronet comme prévu. Selon un ami, à Notre-Dame du Torrent de Vie, le logement est rustique, dans une petite cabane en bois située au milieu d'un espace boisé séparé du monastère. Il fut un temps où j’aurais pris mon courage à deux pieds, mais je ressens le besoin d’un peu plus de confort. Je vieillis peut-être…
Il me faut trouver une solution. Grâce à ma recherche sur le smartphone, je trouve un hôtel à prix cassé au Thoronet. Je réserve en ligne.
Je reprends la route. Le temps est toujours aussi pluvieux, et je vais plus de deux heures pour parcourir les neuf derniers kilomètres. M’étant un peu égaré, un artisan m’ayant aperçu me propose de me ramener avec sa camionnette jusqu’à l’hôtel, Le Clos des médiévales. Encore la bonne étoile…
Quand j’arrive complètement trempé, il y a personne à l’accueil. Contactée par téléphone, la personne qui me répond me communique le code d’accès et le numéro de ma chambre. Ouf ! Je peux me laver, me réchauffer et me reposer. En fait, je m’endors et me réveille dans la nuit. Trop tard pour aller manger, je mange mon dernier fruit. Encore une dure journée.
À suivre.
Alain, dit Bourguignon la Passion.