Etape 9 : Fonte Coberta - Conimbriga – Condeixa-a-Nova - Cernache – Coimbra : 30 km (251 km)
Nous prenons le petit-déjeuner à l’auberge avant de partir. L’ambiance est bonne, cela n’a plus rien à voir avec l’incident d’hier. Tant mieux, il nous reste du chemin à parcourir et nous devons en profiter au maximum.
Après une petite route asphaltée, nous cheminons au milieu des vignes et des oliviers jusqu’à Zambujal. Nous suivons désormais la Rota Carmelita[1], la Route des Carmélites longeant en partie le lit du Rio Ega asséché. Nous arrivons à Fonte Coberta, un lieu important lors de la Guerre de la Péninsule (1804-1811) opposant les troupes napoléoniennes aux troupes anglo-espagnoles, et l’invasion du Portugal en 1810/1811. Ces troupes commandées par le maréchal Masséna se retirèrent. Leur échec est dû à la méconnaissance du terrain, au manque d’informations et à la politique de la terre brûlée terriblement efficace mise en place par les troupes locales. « À une injuste guerre, préférons une injuste paix ! » (Samuel Butler)
Ces lieux sont situés sur les Chemins de Compostelle et de Fátima. C’est ce que nous rappellent les nombreux azulejos découverts sur le parcours. Cet art est toujours aussi vivace de nos jours au sud de l’Espagne et au Portugal. L’un d’eux nous rappelle en français la légende de Maître Jacques.
« Dans la légende péninsulaire, Santiago (aussi appelé Saint-Jacques-de-Compostelle), apôtre de Jésus-Christ a débarqué au sud de l’Ibérie et a suivi jusqu’à la Galice, traversant des terres de l’actuelle commune de Zambujal. Il est retourné à Jérusalem, où il a été tué par le représentant du colonialisme romain, Hérode Agrippa II, en 44 après J.-C. Selon la même légende, son corps est retourné à la Galice en bateau, guidé par un ange et ses disciples Atanoisio et Teodoro, finissant par être déposé dans la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle. »
Il fut rajouté ce message : « La Commune de Zambujal souhaite un bon chemin jusqu’à Santiago. »
[1] La Route des Carmélites est une invitation à rejoindre le Sanctuaire de Fátima le long d’un parcours alternatif de 111 km conçu par les municipalités de Coimbra, Condeixa-a-Nova, Penela, Ansião, Alvaiázere et Ourém.
Quelques chemins le long du lit asséché du Rio Ega à Fonta Coberta.
Peu après le village, avant de prendre une grande montée d’un chemin de terre à Poço, Frédéric qui marche devant est ennuyé par un chien errant. Un homme intervient. C’est un Français marié à une Portugaise venue passer ses congés dans la maison familiale. Ils nous invitent à boire un café. Un moment chaleureux.
Nous reprenons notre marche vers les ruines romaines de Conimbriga[1] que j’ai visité de mon dernier passage. J’avais eu droit à un traitement de faveur, la gratuité. Ce n’est pas le jour, on nous renvoie à l’accueil pour prendre des tickets. Nous renonçons. Freddy les découvre à travers une présentation numérique, et de mes propres enregistrements.
Située sur un éperon triangulaire encadré par deux vallées encaissées et ravinées, Conímbriga fut créée par les Celtes. Briga en langue celtique désigne une zone fortifiée. Le site situé sur l’antique voie reliant Lisbonne à Braga fut occupé par les troupes romaines de Decimus Junius Brutus Callaicus en 139 av. J.-C., devenant la capitale de la province de Lusitanie. Les peuples celtes locaux furent assimilés et participèrent au développement de la cité. Cette présence et les deux tombeaux dont les squelettes sont visibles sous une plaque de verre attestent l’arrivée de la christianisation. Sous les attaques des Suèves, la ville est ravagée, la population se réfugie dans l’antique Aeminium devenue Coimbra.
[1] Plus de détails et de photos de l'étape 87b de 2015 sur le blog : www.bourguignon-la-passion.fr
C’est le retour sur les chemins devenus maintenant de petites routes. Nous passons au large de Condeixa-a-Nova où j’avais dormi. Je passe donc dans des chemins nouveaux par Cernache, Palheira. Nous y rencontrons Nina croisée à Lisbonne, une Anglaise ainsi que Dieter, un Allemand. Celui-ci nous dit qu’il était cuisinier à Fisterra, dans un restaurant-bar dont je connais de réputation pour être assez soixante-huitard. Nous lui promettons d’y passer lorsque nous y serons.
Peu après la Cruz de Morouços, dans une descente pierreuse, Frédéric qui marche devant revient vers moi en m’annonçant qu’un homme est de train de satisfaire une dame sur le capot de sa voiture. Pour annoncer notre arrivée, j’utilise mon sifflet (objet bien utile en cas d’accident). Vous auriez vu la tête des deux partenaires !
En arrivant à Alqueves, nous apercevons la cité de Coimbra. En gravissant une côte, une voiture s’arrête. Le conducteur nous offre deux fruits avant de repartir. Un geste simple qui en dit long sur les qualités d’accueil de nos amis portugais.
Nous arrivons à Coimbra[1] surnommée l’Athènes lusitanienne, par un chemin différent de celui parcouru il y a trois ans. Nous tombons directement sur le refuge situé dans une annexe du monastère Santa Clara sans avoir à gravir la grande montée prévue.
Santa Clara-la-Nova (Sainte-Claire la Neuve) populairement appelée mosterio Rainha Santa Isabel (monastère de la reine Isabelle) fut érigé au 17e siècle pour remplacer le monastère médiéval de Santa Clara-a-Velha, victime des inondations à répétition du Mondego. Il est situé sur la colline de l’autre côté du fleuve, faisant face à la colline de l’Université. Ce lieu prestigieux est réputé pour abriter le catafalque de la reine Isabelle d’Aragon, patronne de Coimbra. Elle menait une vie humble, son mari n’approuvant pas ses actes de charité.
La légende veut « que le pain que la reine s’apprêtait à distribuer se transforma en roses lorsque son mari la réprimanda ! » Elle a effectué à plusieurs reprises le pèlerinage vers Santiago de Compostela. La représentation de la reine fut exécutée en 1330 dans un unique bloc de calcaire par Maître Pêro.
L’accès du refuge a beaucoup changé. Désormais, il existe un café-bar et une terrasse. La vue sur la ville et le Rio Mondego est superbe. Nous y retrouvons Francisco que nous n’avons pas vu de la journée ainsi que d’autres pèlerins. Nous dînons ensemble dans un bar en regardant le match de football Angleterre-Belgique gagné 1-0 par les outre-Quiévrain.
[1] Plus de détails et de photos sur le blog : www.bourguignon-la-passion.fr
Reference à la queimada, une boisson galicienne alcoolisée.
Dans l’albergue, nous découvrons la recette et le récipient concernant la queimada, une boisson galicienne alcoolisée à base d’eau-de-vie et de sucre que l’on flambe. Son origine remonte au Moyen-Age, popularisée depuis les années 1950, très connue en Espagne et à l’étranger comme typique de la Galice. Elle est associée à une pseudoconjuration des mauvais esprits et des maléfices des meigas, les sorcières de Galice. J’avais eu l’occasion de la déguster un soir, à Fisterra.
À suivre. Alain et Frédéric