Étape 25 : Roxos – Ponte-Maceira – Negreira : 23 km (666 km)
Nous sommes le 14 juillet, jour de notre fête nationale. Notre cheminement continue sans perdre de temps vers Fisterra. Après le petit-déjeuner pris dans le sous-sol du Séminario, nous prenons le départ.
Rapidement, Freddy s’éloigne comme s’il voulait rester seul, me lâchant alors que nous avons à peine rejoint la vieille ville. Nous sommes en désaccord pour rejoindre le début du Camino, de l’autre côté de la cathédrale. Lui le néophyte, moi qui a un peu l’habitude. Qui a raison ? Peut-être s’est-il levé du mauvais pied comme cela lui arrive parfois pour une raison inconnue ? Les rapports père-fils ne sont pas toujours empreints de sérénité.
Ne l’apercevant plus, je poursuis ma route en espérant le retrouver à la sortie de la cité. Bien entendu, je suis inquiet et repense à l’incident arrivé au Portugal, après Fatima, où nous ne nous sommes retrouvés que le soir. Bon ! De toute façon, il est majeur et vacciné. Cela va lui passer.
À la sortie de Santiago, toujours pas de Freddy. Dois-je attendre ou continuer ? Je patiente près d’une demi-heure, puis j’entreprends mon cheminement. Au bout de huit kilomètres, passant près d’un bar à Roxos, il m’interpelle, assis dans un bar. Il m’offre le café. Je bouillonne intérieurement, mais je préfère manger mon chapeau. Il ne se rend même pas compte de mon inquiétude. Ah ! Ces enfants…
Nous repartons. C’est alors qu’il s’aperçoit qu’il a oublié sur la table le guide contenant son trèfle à quatre feuilles. Il repart le chercher. Ayant pour ma part continué, nous nous retrouvons avant la grande montée, après Aguapesada. Alors qu’il trotte maintenant en avant, je gravis les deux cents mètres de dénivelé traversant la forêt à mon pas de sénateur. Je rejoins trois dames maltaises dont l’une, une professeure, vient discuter en français. M’arrêtant pour reprendre mon souffle (mes poumons) en haut de la montée, elles continuent.
Je retrouve Freddy près d’une fontaine dans la descente menant à Ponte Maceira. Sur le pont du Rio Tambre, nous prenons quelques photos, dont l’une nous regroupant, réalisées par le père d’une famille espagnole.
Nous arrivons à Negreira, une cité de six mille habitants aux nombreuses albergues. Ernest Hemingway y fait référence dans son roman Pour qui sonne le glas. Nous prenons attache à l’albergue Alecrin, à l’entrée de la cité.
Après notre installation, nous faisons quelques courses, le fiston voulant cuisiner ce soir : piments de Padrón, riz, steak. Nous prenons le temps aussi de découvrir quelques statues typiques du lieu : Saint-Jacques, des bovins avec une fermière, le mémorial à deux faces de l’émigration…
Celui-ci me touche toujours autant. Sur l’une des faces, on aperçoit une famille assise (femme et enfant) tentant de retenir par un trou percé dans le monument un homme debout prêt à partir. Celui-ci, dont on découvre les traits sur l’autre face, s’éloigne en portant un baluchon sur l’épaule.
Voilà une belle représentation de l’homme obligé de s’expatrier pour gagner de quoi faire vivre sa famille. Une réalité qui demeure très actuelle.
Alors que nous étions assis en train de siroter une bière sur la terrasse de la rue, nous apercevons deux tourigrinos[1] descendre du bus, récupérer leurs sacs et monter dans leur voiture garée à l’arrêt. Bizarre !
[1] Nom donné aux pèlerins effectuant le parcours jacquaire en voiture, faisant tamponner leurs crédenciales souvent dans les bars pour justifier leur cheminement et ainsi, recevoir la Compostela au Bureau des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Pour un dîner de cons, sans doute ?
Negreira : au gite, le cuisinier. Quelques clichés de Negreira.
Nous faisons la connaissance de Karine, une Québécoise avec qui nous engageons une longue discussion. Elle nous remet le livre qu’elle a terminé de lire. Malheureusement, nous allons constater que notre guide avec le trèfle à quatre feuilles de Freddy, et plusieurs de nos annotations a disparu. Perte ? Emprunt ? Cela reste un mystère…
À suivre. Alain et Frédéric