15 – Abbaye de Vauclair – Pontavert : 28 km (396 km)
Il est 7 h lorsque nous quittons le camping de Laon pour rejoindre une famille à Pontavert, village situé en dehors du tracé. Ce couple généreux a souhaité garder l’anonymat, n’accueillant que des pèlerins de passage. Ce que nous respectons, bien entendu. Merci à eux.
Cédric qui n’a pas dormi sous la tente depuis de nombreuses années redécouvre les joies, mais aussi les peines de dormir sur un sol dur. J’ai la chance d’avoir un matelas gonflable, pas Cédric.
Hier soir, malgré la fatigue du voyage, nous avons eu de longues discussions sur tout et n’importe quoi. Cela nous fait du bien à nous deux d’avoir cette chance, loin du quotidien, de renouer et de conforter les liens qui unissent un père avec son fils aîné au-delà des vicissitudes de la vie. Homme de 45 ans, père de trois enfants, chacun a suivi un chemin différent.
Le temps est frais et brumeux lorsque nous contournons la cité pour nous diriger en direction d’Ardon-sur-Laon. De loin, nous admirons la cathédrale sur son promontoire. Nous nous arrêtons au bar du village pour prendre notre café du matin.
Peu à peu, après un chemin forestier, nous traversons le village rural désert de Bruyères-et-Montbérault. De nouveaux chemins agricoles jusqu’à Martigny-Courpierre où nous rencontrons des habitants cherchant à réparer je ne sais plus quoi. Discussion sur la région et le bon chemin à suivre.
Prenant la direction de Neuville-sur-Ailette, nous passons près d’un Center Parc important bordant le lac de l’Ailette. Nous entreprenons de suivre la piste cyclable qui longe le lac. Nous y faisons un arrêt pour manger un morceau, profitant du lieu un peu à l’écart pour nous prélasser dans l’herbe.
Il faut reprendre notre cheminement qui, par la Voie verte et le Chemin du Roi à travers la forêt, va nous mener jusqu’aux ruines de l’ancienne abbaye bénédictine cistercienne de Vauclair. Sur le chemin, quelques randonneurs et cyclistes.
Fondée en 1134 par saint Bernard de Clairvaux[1], l’abbaye est classée aux monuments historiques depuis 1970. Vendue à la Révolution française, elle devint exploitation agricole jusqu’à la Première Guerre mondiale. En 1917, située non loin du Chemin des Dames[2], elle subit les conséquences de cette terrible bataille désastreuse et meurtrière. De nos jours, il n’en reste que des ruines mises en valeur. Un moment de repos et de prise de photos.
Nous reprenons la route en direction de Corbeny. Nous quittons le tracé de la Francigena par des petites routes en direction de Pontavert, fin de notre étape de ce soir. Nous pourrons y planter notre tente dans le jardin.
Nous passons près de Craonne, du nom d’une chanson contestataire interprétée par les soldats français mutinés entre 1915 et 1917. Officiellement, la répression toucha environ 30 000 réfractaires. 3 427 d’entre eux furent condamnés, dont 554 à la peine de mort, d’autres à la déportation. 57 furent exécutés. Un moment d’histoire souvent méconnu. Longtemps interdite, ce n’est que le 16 avril 2017, que cette chanson fut entonnée pour la première fois lors d’une cérémonie officielle, pour la célébration du centenaire de la bataille du Chemin des Dames en présence de François Hollande, président de la République.
[1] Saint Bernard, né à Fontaine-lès-Dijon, n’est pas le fondateur de l’ordre cistercien, il en est le maître spirituel.
[2] L’origine de ce nom remonte au 18e siècle. À cette époque, les filles de Louis XV appelées Dames de France l'empruntaient pour se rendre au château de la Bôve où demeurait la maîtresse du roi. Peu praticable, on le fit élargir et empierrer pour faciliter le passage des carrosses. Elles ne l’utilisèrent jamais.
La chanson de Craonne (1917) en mémoire de tous les morts de la Première Guerre mondiale et des révoltés de 1917.
Nous passons un très bon moment avec nos accueillants chaleureux.
Tout le long du chemin, nous discutons beaucoup, ce qui me change de mes trajets solitaires habituels passés dans le silence du chemin. Belle journée riche.
À demain… Alain dit Bourguignon la Passion