18 – Sillery – Verzenay – Verzy – Trépail : 25 km (453 km)
Après les exceptionnels moments d’hier, et quelques kilomètres aller et retour pour manger un morceau (non comptabilisés pour les puristes), j’ai bien dormi. En me levant, préparation habituelle : douche, rasage, préparation du sac… Ce matin, pas de petit-déjeuner. L’accueil est fermé pour cause de la Covid. C’est la vie. Je me contente d’un quignon de pain resté au fond de mon sac.
Je prends la direction de Sillery. Au village de Taisy, heureusement le bureau de tabac est ouvert et il dispose d’un distributeur de café. C’est du café soluble, donc très moyen et peu réconfortant, mais c’est mieux que rien. C’est l’occasion de parler de la Francigena dont il apprend le tracé. Il est vrai que je suis un peu hors du chemin.
Il me recommande de rejoindre le bord du canal par un petit chemin arboré pour m’éviter de suivre le bord de la route. Cela m’évitera le soleil dont les rayons commencent à poindre. Entrepris, ce chemin se révèle vraiment agréable et c’est ainsi que je rejoins le canal abandonné hier.
En fait, pendant un long moment, je vais privilégier un chemin de terre longeant à quelques mètres le canal. C’est plus frais, et le sol est plus meuble.
Près de Sillery, je rejoins la voie cyclable et fais connaissance avant l’écluse d’un homme vendant sur son bateau des boissons fraîches. Une sorte de bar ambulant sur sa barque. Il m’explique qu’il fait des allers et retours jusqu’à Reims pour proposer ses services par temps chaud, et cela marche. « C’est mon moyen de survivance », me dit-il. Je me fends de deux euros pour lui acheter un coca.
Arrivée à Sillery, je demande à des employés municipaux s’il existe un bar pour se restaurer. Il y en a un, de l’autre côté du village. Je fais quelques courses de bouche avant d’entrer dans les terres. À la sortie, je suis entrepris par un habitant tenant en laisse un gros chien tout étonné de me voir là. Rapidement, il ne me parle que de lui, de la solitude… un vrai besoin d’être écouté. J’ai un peu de mal à partir tant il parle.
Je repars sous un soleil chaud en traversant deux ponts. Le premier sur l’autoroute que mon modèle en écriture Henri Vincenot traitait de « serpent de béton » dans l’un de ses ouvrages, le second, la ligne de LGV.
Verzenay : les grands crus.
Je me retrouve dans les coteaux situés à l’est de la Montagne de Reims culminant à environ 300 mètres. Je retrouve la nature au milieu de vignes prestigieuses de champagne de Verzenay. De grands noms s’affichent tels que Bollinger, Louis Roederer, Moët et Chandon, Mumm, Veuve Cliquot… Pour les amateurs, cela doit émoustiller vos papilles. Sur ce parcours commun à la Francigena et aux chemins de Compostelle, j’alterne petites routes et chemins agricoles au profil de raidillons. Passant au pied du Moulin à vent de Verzenay aperçu de loin sur le Mont Bœuf, je me dis que cela fait un beau point de repère. Construit en 1818, il est aujourd’hui la propriété d’une grande maison de champagne.
Verzenay : village et phare.
En traversant le village, un bar vient juste d’ouvrir, et je suis son premier client. La tenancière, plus âgée que moi, commente tout et n’importe quoi en me donnant mon double café. J’ai droit à des récriminations sur la dureté de la vie, les « vignerons pleins de sous » qui se plaignent tout le temps, le manque de clients, naturellement sur la Covid, cette « saleté tueuse »… Je suis libéré (ce n’est pas gentil cela) par l’arrivée d’un habitué.
Je rejoins une ancienne voie de chemin de fer transformée en chemin de randonnée passant sur les hauteurs du village. J’y retrouve de la fraîcheur bienfaisante des sous-bois. Dans la forêt domaniale de Verzy, j’espérais apercevoir l’un de ces fameux Faux, ce hêtre tortillard caractérisé par un tronc tortueux et des branches et rameaux tordus et retombants. Cela lui donne un port particulier comme un parasol.
À une intersection, je quitte la Francigena pour me diriger vers la maison de Viviane, une ancienne vigneronne du village de Trépail, mon étape du soir. Ce village viticole de 400 habitants, calme, presque discret, accueille plus d’une centaine d’exploitations. En passant, je découvre ce qu’est la loge de vigne. Cette construction modeste servait d'abri à outils ou de cabane pour les vignerons d'antan pour s'abriter, se nourrir et se reposer comme notre cabote de Bourgogne. Ici, c’est une construction contemporaine. Un peu plus loin, un vieux pressoir.
L’accueil de Viviane est chaleureux. C’est une dame âgée dont le fils a repris l’exploitation. Elle m’installe dans une chambre prochainement dévolue à des ouvriers polonais venant travailler dans les vignes. Cette année, la récolte sera avancée selon ses dires. Une première.
Le dîner est génial et bien fourni, le tout arrosé… de champagne de la maison. Il y a bien longtemps que cela m’était arrivé.
Une belle journée dont je garde un très bon souvenir.
À demain… Alain dit Bourguignon la Passion