Pourquoi ce silence pendant plusieurs mois
On se croit fort, indestructible malgré le temps qui passe, ne voulant pas accepter de vieillir dans sa tête. Et pourtant, lorsque l’accident vous tombe dessus, vous êtes bien obligé de constater que vous avez été, et que désormais vous n’êtes plus. Tout simplement. Dans ma vie de septuagénaire, je suis déjà passé par ces moments de deuil où il faut tourner des pages pour en écrire de nouvelles. Eh oui ! Le temps passe inexorablement. Il faut se faire une raison.
En cette fin de 2020, c’est avec joie que nous avons bouclé avec ma tendre Pauline, ma « panthère noire » comme j’aime l’appeler, notre premier bail de cinquante années de mariage célébré le 5 décembre 1970 à Paris. Au cours de cette vie commune, trois garçons, neuf petits-enfants et deux arrière-petits-enfants sont venus enrichir notre Familia, notre clan. Comme toute famille, il y eut des hauts, des bas, mais la famille est toujours là, vivante, solide.
Nous aurions aimé fêter tous ensemble ces noces d’or en regroupant notre famille dispersée à travers le monde, mais cette vacherie de pandémie Covid-19 ne l’a pas permis. Signe du destin ! A vous de vous faire une opinion. Nous l’avons fait en famille très réduite. Il faut être raisonnable. Quant à Pauline et à votre serviteur, nous les avons fêtés à notre façon, acquérant pour l’occasion de nouvelles bagues gravées avec les deux dates du cinquantenaire séparées par un cœur. Ce fut l’occasion aussi de renouveler notre nouveau bail de cinquante années. Eh oui ! On peut rêver…
Une semaine plus tard, comme si le destin voulait nous jouer un mauvais tour, comme s’il ne voulait pas enregistrer notre nouvel engagement (de quoi se mêle-t-il ?), arrivent les prémices de mon accident cardiaque, objet de cette chronique du temps qui passe. Une mésaventure me menant à quatre reprises en trois mois au CHU de Dijon. Je vais vivre cette expérience inattendue me rappelant aux réalités : je ne suis plus aussi alerte que je le voudrais, tout peut s’arrêter d’un instant à l’autre. Une différence entre réalités physiques et perception mentale.
Donc, un grand coup derrière les oreilles comme on le dit populairement.
C’est ce parcours, ce cheminement que j’aimerais partager avec vous, à la fois pour décrire mon état d’esprit, mon vécu au cours des différentes phases de mes hospitalisations. Mais aussi, la souffrance des miens. D’abord celle de ma chérie à la fois forte et maternelle, celles vécues par nos garçons, celles plus diffuses de nos petits-enfants que leurs parents ont protégé. Pour ma famille, celui qui semblait indestructible, indomptable, épris de liberté, celui qui cherchait à repousser ses limites parcourant en moyenne trente kilomètres par jour à pied sac à dos pendant parfois plusieurs mois pouvait disparaître d’un seul coup, sur un claquement de doigt.
Cette chronique, c’est l’occasion de rendre hommage à tous ces soignants et personnels du SAMU21 et du CHU de Dijon qui ont pris soin de ma carcasse au cours de cette épreuve. Cela va des médecins aux chirurgiens, anesthésistes, infirmiers, aides-soignants, ambulanciers, personnels de service… aux professionnels réalisant les nombreux examens. J’y adjoins mon médecin de ville très présent, soucieux que tout se déroule bien.
Je leur rends un grand hommage car mes hospitalisations se sont déroulées entre le 13 décembre 2020 et le 24 mars 2021, cent jours au cours desquels les seconde et troisième vagues de la pandémie de la COVID-19 tuaient quotidiennement plusieurs centaines de malades dans notre pays. Mes pensées vont vers ces victimes et la souffrance de leurs proches.
Autant dire que les services hospitaliers étaient sous une pression permanente. Cela ne les a pas empêchés de prendre un grand soin de moi, attentionnés à mes douleurs, avec toujours cette volonté de s’assurer que tout allait bien : Ça va ? Vous avez besoin de quelque chose ? N’hésitez pas à nous appeler… Quant aux médecins, j’ai beaucoup apprécié leur langage de vérité, n’hésitant à apporter les explications nécessaires à la bonne compréhension de ma situation.
C’est également l’occasion d’en tirer des enseignements pour ceux qui, comme moi, anciens sportifs, marathoniens, traileurs, marcheurs au long cours portant sac à dos et tente sur les chemins de Compostelle ou de la Francigena, partent parfois sans faire trop attention à leur santé. Sans vouloir être hypocondriaque, il faut savoir faire ce qu’il faut pour éviter les accidents. Comme m’a dit Benoît, un ami très cher, « Heureusement que cela ne t’ait pas arrivé sur le Chemin. » En fait, cette réflexion m’a donné un drôle de frisson, cette idée de partir loin des miens…
« La Bête » (c’est comme cela que je m’identifie parfois avec humour), la bête est solide et va se relever. C’est inscrit dans mes gênes. En fait, mes pieds me démangent déjà. Le raisonnable, après la consolidation de ma tuyauterie, est de laisser passer un peu de temps pour me permettre de retrouver mes capacités. On ne retient pas un oiseau dans sa cage lorsque la porte est ouverte. Je repartirai en étant plus prudent. Je n’ai pas envie de revivre la souffrance vécue par Pauline et les enfants.
Avec Yannick et Frédéric autour du lac de Saint-Point (Doubs)
Je viens de terminer mes cinq semaines de rééducation cardiaque, et j'ai même fait plusieurs balades en petite montagne jusqu'à 20 km accompagné par mes fils. Oui, tout repart... Après avoir perdu 16 kg, j'en ai regagné une dizaine... Mes vertèbres cassées ont été réparées. C'est cool... Ma PPR (Pseudo Polyarthrite Ruma...) est en voie de guérison en restant pour l'instant sous cortisone... J'ai même acheté d’occase un vélo d'appartement car il m'est interdit d'utiliser mon rameur. Le cardiologue a peur que ma cicatrice sur la poitrine s'ouvre... Eh oui, elle est belle et recouverte de poils maintenant.
En attendant, j'écris.
Voilà... A bientôt sur les chemins.
Alain dit Bourguignon la passion