Réalisation de mon bâton 2015
Un peu de réflexion sur le bâton de cheminant
Utiliser un bâton de marche est essentiel pour celui qui cheminent longuement car il limite la fatigue et allègent chacun de nos pas de plusieurs kilos de pression notamment du sac à dos. Il garantit aussi notre sécurité en maintenant notre équilibre notamment en terrain accidenté.
Quelle histoire peut nous raconter le bâton de marche du cheminant ou du pèlerin que l’on croise ?
Je ne parle pas des bâtons de randonnée métalliques télescopiques ou du morceau de bois rencontré au hasard de la route qui n’ont qu’un aspect utilitaire. Je vous parle de celui qui, forgé par la main de l’homme, en dit long sur celui qui le possède. Celui-ci n’est jamais le fruit du hasard, il faut qu’il émeuve. C’est souvent le cas des bâtons en bois gravés ou taillés trouvés dans le commerce. Ils ont du sens pour son propriétaire, sens qu’il peut partager. Mais ce bâton n’est pas véritablement personnel, il demeure celui que l’on s’est approprié.
La réalisation de mon bâton
L’idéal est de posséder SON bâton, celui qui restera unique. Ce fut mon cas en 2012 lorsque j’ai taillé mon bâton à partir d’un morceau de bois rencontré en forêt, morceau qui avait provoqué ma chute (déjà !) dans une descente. Maladroitement (je ne suis pas très doué), je lui avais donné du sens et ajouté ses deux couleurs, le rouge de la passion et le blanc de l’humilité. Après un long service de plus de 4 000 km, usé en ayant perdu 15 cm de hauteur, il a pris une retraite bien méritée dans mon musée personnel jacquaire. L’an dernier, Jacques, un ami Compagnon m’a donné celui qu’il avait réalisé pour entreprendre de nouveau le Chemin. Ne pouvant le parcourir pour des raisons médicales, il me l’a confié afin qu’il soit utile. Hélas, il a fini sa course au fond d’un ravin, dans un torrent (voir mon accident à la Motte du Caire - Alpes-de-Haute-Provence). N’était-il pas prédestiné penseront peut-être certains d’entre vous ?
Connaissant mon départ pour mon cheminement de 2015, mon ami Georges (qui souhaite rester en retrait avec humilité) m’a proposé de réaliser à mon intention un nouveau bâton symbolique. Geste généreux à l’image des valeurs que nous partageons. En commun, nous l’avons conçu en fonction de ce que je suis, de ce que je pense et des valeurs qui me portent et que je défends. A partir de là, Georges l’a réalisé en mettant tout son cœur et son art du travail manuel en symbiose avec notre philosophie commune. Il a donné à cette création unique tout son sens qui va bien au-delà de nos petites personnes. Ce bâton a pris vie dans mon cheminement 2015 vers Saint-Jacques de Compostelle et Fatima. Par son geste, Georges sera toujours présent lors de mon cheminement comme le ferait un véritable Compagnon de voyage.
Il est réalisé en bois exotique sauf le carré symbolique de la terre en frêne. De fait, il est nettement allégé par rapport au bâton précédent. Sa hauteur a été définie selon ma morphologie. Ainsi, lorsque je le prends en main, mon bras forme un angle de 90 degrés. Mesures et proportions sont ainsi toujours respectées. L'extrémité reposant sur le sol est renforcée par une virole ou embout-pique.
Il comporte plusieurs éléments dont je vous explique ci-dessous le symbolisme. Tout d’abord à son sommet une sphère représentant la spiritualité. Au-dessous, le cube en frêne dont les côtés portent le tracé des outils du bâtisseur que sont l’équerre, le compas, le niveau et le fil à plomb. Dessous, le passage des rubans de couleur rouge et blanc.
Symbolisme de mon bâton 2015
Le symbole correspond à une réalité universelle. Il est apparu alors que toute marque ou écriture n’existait pas. Il a transmis, de générations en générations, les concepts moraux et sociaux ancestraux ou qui étaient innées dans l’inconscient humain. Sa fonction est de renforcer la cohésion du groupe dans lequel il est transmis. Il suscite les questions, excite l’imagination et la recherche, plus qu’une parole ou un écrit. Il a aussi comme fonction de faire s'élever l'homme en le conduisant à se dépasser.
Lien tangible entre le ciel et la terre, entre le microcosme et le macrocosme, mon bâton comporte plusieurs parties symboliques.
A son sommet figure la sphère représentation en 3 dimensions du cercle. Pour les platoniciens, le cercle représentait la forme parfaite et la perfection. Symbolisant le soleil et la lumière spirituelle, il n’a ni commencement ni fin comme situé hors du temps et de l’espace. La sphère est le volume engendré par la rotation du cercle autour de son diamètre. D’un point de vue spirituel, elle symbolise la totalité de l’être. La sphère symbolise donc le monde spirituel, l’esprit d’ouverture à tout ce qui nous transcende, à cette vérité immatérielle, indicible qui nous dépasse.
Sous la sphère, se trouve le cube à quatre faces carrées. Il symbolise la matière et le monde physique dans lequel nous menons notre existence. Véritable pierre taillée, il est utilisé pour l’édification des formes en trois dimensions comme les édifices et par extension l’homme. Bien ancré dans le monde matériel, il symbolise la stabilité et la permanence matérielle. Sur chacune de ces faces, on retrouve un outil symbolisant le travail personnel du bâtisseur.
L’équerre (du latin exquadrare - rendre carré) est un outil de mesure à deux branches passives servant à tracer les angles droits et de ce fait, de réunir l’horizontal (la matière) et la verticale (le spirituel) pour obtenir l’aplomb, la stabilité. Elle exprime la terre, la matière, la pierre qu’il sert à rectifier. Ses deux branches inégales sont dans un rapport de trois à quatre, l’hypoténuse formant alors le cinq. Cette manière de former le triangle rectangle est considérée comme un secret de la maçonnerie opérative et du compagnonnage.
Emblème de la régularité et du devoir, symboliquement l’équerre permet d’ordonner et de rectifier notre jugement et notre conduite dans le monde pour être plus équitable. Se mettre à l’équerre, c’est maitriser ses passions, être dans la droiture de nos actes et la rectitude de notre raison. Cette approche caractérise l’homme dans sa propre recherche intérieure.
Le compas (du latin compassare - mesurer avec le pas) à la différence de l’équerre est mobile. Avec ses deux branches actives et réglables, Il sert à tracer des cercles, des arcs de cercles, à prendre et à reporter des mesures. On attribue son invention à Talaos, le neveu de Dédale. Dans le tome III de La Divine Comédie intitulé Le Paradis, Dante désigne le dieu créateur comme « celui qui de son compas marqua les limites du monde et régla au-dedans tout ce qui se voit et tout ce qui est caché ».
Emblème de la précision et de la juste mesure, il symbolise l’ouverture. Il représente la sagesse de l’esprit, la tempérance, la prudence et la recherche de la vérité. Partant d’un centre précis, le cercle et la sphère qu’il peut former représente le champ des connaissances humaines virtuellement illimité excepté par nos propres limitations individuelles.
Dans la perspective opérative, l'entrecroisement de l'équerre et du compas fait avant tout allusion au processus même de l'opération géométrique : la production des points, des lignes et des surfaces nécessaires à la construction par les intersections successives d'arcs de cercles et de droites, le référent constant étant l'angle droit.
Le fil à plomb est cette petite masse pesante pendue à un cordonnet qui indique la direction de la pesanteur. Par sa disposition, il évoque nécessairement la verticalité. Outil opératif, il sert à mettre à l’aplomb les ouvrages de charpente et de maçonnerie. Il symbolise l’introspection, la descente intérieure vers nos zones d’ombre, pour les identifier et les accepter en connaissance de cause.
Constitué d’un triangle ou d’une équerre juste (90°), complété par un fil à plomb, le niveau permet d’assurer la pose horizontale des pierres dans une construction. Instrument de précision pour la recherche de la stabilité et de l’équilibre, il permet de stabiliser le cherchant après ses prises de conscience. il symbolise aussi l’égalité sociale qui sert de base du droit naturel et la justice.
Le niveau et le fil à plomb (perpendiculaire) sont des instruments de la géométrie plus que des outils. S'appuyant l'un et l'autre sur le principe du fil à plomb, ils permettent de vérifier la conformité de la réalisation, de l'élévation, aux principes énoncés par le plan de l'œuvre. Le niveau sert à vérifier l'horizontalité, tandis que la perpendiculaire permet de vérifier non seulement la verticalité d'un mur mais aussi sa planéité. Avec l'équerre, ces deux instruments complémentaires tracent le schéma fondamental de la croix tridimensionnelle, de l'espace que définit toute architecture.
Ainsi, mes amis, vous l’avez compris, ce bâton a du sens pour votre serviteur. Ce n’est point un simple bâton, il porte le travail que je vais réaliser au cours de ce troisième cheminement. Son but est d’approfondir encore plus loin cette recherche vers le Beau, le Vrai et le Juste.
Alain dit Bourguignon la Passion.