Étape 10 : Saint-Jeanvrin (18) à Sarzay (Le Chenil - 36) – 32 km (276 km)
Vers 7h15, je descends pour prendre mon petit déjeuner, car j’ai senti l’odeur du bon café. Mes hôtes sont déjà présents dans la cuisine. Brigitte souhaitant suivre mon cheminement, j’installe les adresses de mes blogs sur le bureau de son ordinateur. Puis, c’est le mot pour laisser une trace du passage sur le livre de l’amitié et la séance de photos.
Pour garantir ma nourriture de ce dimanche, Brigitte a cuit deux œufs provenant de son poulailler et me propose d’emporter le reste du pain qu’elle a fabriqué. Comme convenu, mes hospitaliers me ramènent au point où ils m’ont récupéré, très fatigué hier soir. Comme cela, les choses sont en ordre. Comme il se remet à pleuvoir, je remets mon poncho pour protéger le sac. Nouvelles photos avant le départ ainsi vêtu. En repartant vers chez eux, j’ai été gratifié d’un coup de klaxon.
Très sympathiques Brigitte et Pierre, des personnes qu’il faut apprendre à connaître.
Je commence à gravir la route par une montée raide. La pluie ayant cessé, je retire le poncho que j’apprécie peu, car je trouve qu’il fait trop chaud à l’intérieur.
Châteaumeillant m’accueille par la présence d’un petit château intéressant. Descente en ville où quelques commerçants sont ouverts. L'activité est faible. Visite rapide de l’église, puis, c'est le départ vers la suite de l’étape. À la sortie du village, je prends la route des vignobles. Mais, nenni ! Je n’en verrais aucun.
Alors que je faisais une petite pause, un paysan s’arrêtant pour nourrir ses bêtes m’apprend que d’un côté de la route c’est le Cher, de l’autre l’Indre. Je vais donc changer progressivement de département.
C’est une succession de chemins et d’allées herbeuses, par Néret, puis par une longue route goudronnée vers Lacs. En passant, j’aperçois une étonnante mini-piste d’atterrissage d’avion et d’hélicoptère. Un peu bizarre, cette présence en un lieu éloigné de tout.
Durant ce trajet où j’étais seul, je n’ai pas pu manquer de penser au cheminement. Pas celui qu’intellectuellement parfois on nous décrit avec des roses et des épines, comme si la vérité était évidente. La rose est belle et perdure parce qu’elle est protégée par des épines. Pour que l’amour qu’elle symbolise prenne toute son ampleur, il faut éloigner toutes les passions-poisons que nous portons. Elles sont notamment l’envie, la jalousie, le désir de paraître… Donc, les épines sont nécessaires pour nous rappeler sur quoi nous devons travailler pour que l’Amour, avec un grand A, prenne tout son essor. Nous devons faire œuvre de transmission, non des savoirs, mais de quelque chose de plus indicible qui est la Connaissance.
Ce faisant, j’arrive à Lacs où je m’aperçois que je n’ai plus d’eau. Je constate que ma consommation augmente. Près du foyer rural et de la belle église, un groupe discute. Je demande où se trouve une fontaine. On me remplit ma gourde.
Quelques mots rapides, me voilà reparti pour La Châtre. Il se met à pleuvoir de nouveau. Je passe devant le musée Georges Sand dont la propriété de Nohant n’est pas très éloignée de là. La ville est vide, je visite la très belle église Saint-Germain. Ancienne église romane ayant souffert des Guerres de cent ans, des Religions... Elle fut remodelée à plusieurs reprises. J’y découvre une belle statue de monsieur Jacques avec sa coquille.
Je décide de pousser plus loin, ce lieu ne me paraissant pas accueillant. Direction de Sarzay situé à deux heures. En fait malgré le plan, je fais trop attention au fléchage mis en place par les Amis de Saint-Jacques. Certaines flèches manquent ou ont été retirées. Si bien que je me perds et me retrouve en sens opposé. Bien sûr, vous connaissez mon caractère, je peste. En vain d’ailleurs, car il faut retrouver le chemin au plus vite.
Une question me taraude. Comment faisaient les pèlerins du Moyen-âge n’ayant ni plan ni fléchage ? Cette réflexion me fit éclater de rire. Je me dis que décidément, il va falloir reprendre certains de mes fondements. Il est 18h00, et je suis crevé. J’aperçois enfin un gite de pèlerin. J’y suis arrivé tout à fait par hasard.
Hasard ? Einstein disait : « Le hasard est le chemin que prend Dieu quand il veut voyager incognito ». Merci alors !
Je frappe à la porte. Pas de réponse, sinon un chien en train d’aboyer. Enfin, Louis, puisque tel est son nom, apparait. Il s’était endormi en regardant la télévision, la chaîne KTO d’ailleurs. Il me fait entrer, la pluie tombant à torrents maintenant, me fait asseoir et m’offre un jus de fruits. Il reçoit peu de monde, me dit qu’il a réalisé le Chemin à cheval parce qu’il est malvoyant. Il voit des formes, mais pas des choses nettes. Il en garde un très grand souvenir.
Mon hospitalier me dit que mon obole est de 15 euros, mais que si je ne peux pas, je ne suis pas obligé de la verser. J'admire ces hospitaliers qui nous reçoivent pour des sommes dérisoires, avec leur cœur, sans chercher à faire du profit.
Ne pouvant me faire à manger, il me donne ce qu’il a de disponible, un cassoulet et une pomme. Comme nous parlons de religion, je vois très bien qu’il est profondément chrétien. Je fais le pieux mensonge, ici le bien nommé, que mon cheminement est religieux. Il m’installe dans un bungalow de bois très bien aménagé, situé au bord de la rivière.
C’est ainsi que toute la nuit, j’entendrais l’eau en bruit de fond.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.