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Publié par Alain Lequien

   À 7h00, je prends la route. Le temps est gris, mais le matin, cela n’a pas beaucoup d’importance. Tout commence par une rue descendante, la traversée d’une route départementale avant un chemin forestier boueux. Arrivé à la grande coupure de béton évoquée par Henri Vincenot, c’est-à-dire l’autoroute, je dois la longer pour trouver le pont qui me permettra de passer en dessous.

   À Pommiers-en-Forez, c’est la découverte d’un ancien château-prieuré bénédictin. Tout a été mis en œuvre pour le mettre en valeur. Je n’aurais pas l’occasion de le visiter. J’y croise un homme un peu surexcité disant : « Où sont-ils. J’ai un colloque à animer, moi. » Je souris intérieurement. Encore un qui se sent au centre du monde, de son monde.

   Magnifique, l’ancien pont romain. Je m’arrête au camping, pour boire un café. Le gérant est accueillant. Il me parle d’un client âgé qui s’est raconté toute la soirée. Deviner qui ? Christian ?

   Le soleil est maintenant présent. Je marche d’un bon pas malgré l’épreuve de la veille où j’avais terminé frigorifié. L’être humain a de nombreuses capacités pour récupérer. À Bussy-Albieux, je m’arrête au café-tabac pour reprendre un café et pianoter un peu. J’ai de nombreuses choses en tête à mettre noir sur blanc, ou plutôt, sur l’écran. Un ouvrier portugais, Romero, s’approche en me disant : « Vous allez parler de moi, n’est-ce pas ? » Eh bien ! L’ami Romero, c’est fait.

   À Arthun, une dame accueillante jacquaire je pense, m’interpelle sur la route :

   « N’avez-vous pas besoin d’un gîte ? »   

   « Non, répondis-je, il est trop tôt et je vais à Champdieu. »

   Ce n’était pas vrai, mais cela me donne l’occasion de chercher l’endroit où j’allais dormir ce soir. Et là, comme la veille, les téléphones tombent sur les répondeurs. Je laisse mes coordonnées, personne pour me rappeler. À croire qu’ils se sont tous donné le mot à moins qu’il y ait un colloque d'accueillants jacquaires (clin d’œil pour Pommier).

   En chemin, j’assiste au ballet incessant de tracteurs tirant de grosses remorques remplies de foin. Quelques kilomètres plus loin, je découvre le lieu où une machine remplit les remorques à grande vitesse.

   Je décide de déjeuner dans un petit café à Sainte-Agathe-la-Bouteresse. Lorsque je demande un sandwich, il n’y a plus de pain. La dame, très gentiment, prend celui qu’elle avait gardé pour son fils et me fait un énorme sandwich avec du jambon et des cornichons. Je ne mange pas tout, emportant le reste. Il est accompagné d’un vin râpeux servi dans un de ces verres à l’ancienne que l’on trouve dans les brocantes. Étonnant ! Le tout pour quatre euros dix seulement.

   À Montverdun, le prieuré haut placé sur son pic m’interpelle. Ah ! Les réalisations de nos Anciens.  

   Je ne sais toujours pas où je vais dormir ce soir. La mairie de Champdieu me dit que le gîte communal n’est pas disponible. Toujours pas d’appel des accueillants jacquaires. Je suis un peu colère comme on dit, de ne pas avoir été au minimum rappelé. 

  Les kilomètres se déroulent. Passage à Champdieu, avec son étonnante église du prieuré. Enfin, le téléphone sonne. C’est Mme Vialard du Gîte de la cave qui se propose de me recevoir. Mes craintes s’estompent.

   D’après le guide associatif en ma possession, je pensais que ce n’était pas loin (800 mètres hors chemin). En fait, il fallut parcourir au moins trois kilomètres en me perdant dans les chemins herbeux. Fatigué de ramer, j’appelle mon hôtesse qui vient me chercher à une intersection. Je n’étais pas loin, mais le kilométrage du jour était trop important. Le syndrome de Christian avait peut-être commencé à déteindre sur moi.

   L’accueil est chaleureux. Après une bonne bière et une bonne douche, M. Viallard m’invite dans sa cave. J’y retrouve un lieu qui me rappelle ma Bourgogne avec le petit bar, plusieurs centaines de bouteilles de sa production, mais aussi des Beaune, des Nuits… Bref, notre homme est un connaisseur et il aime partager. Il me sert son pineau issu de ses vignes tout en dégustant des petites préparations chaudes recouvertes de fourme de Montbrison. Tout est délicieux. Mon hôte conte avec plaisir son amour des choses naturelles de son ancienne ferme.  

Puis, nous dinons ensemble. Que des produits locaux arrosés d’un bon vin produit sur les roches volcaniques. Bon et étonnant. Tout en étant fermier, mon hôte conduisait un camion qui ramassait le lait dans les fermes. Maintenant en retraite, il s’occupe de gérer les terres qu’il a mises en fermage, ainsi que le moulin qui fabrique des huiles à l’ancienne (noix…). J’ai en face de moi un véritable épicurien comme on n’en fait plus. Sur le tard, il me servit une verveine maison. C’est un peu chancelant que votre serviteur va se coucher. Il n’est pas loin de minuit.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.   

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