Étape 14 : Champdieu (42) à La Cruzille (St-Jean-Soleymieux – 42) – 23 km (358 km)
Bien qu’étant très fatigué, j’ai bien dormi. Après le solide petit-déjeuner et un morceau de fourme pour la route, je rejoins le chemin jacquaire passant à huit cents mètres de là pour rejoindre Montbrison. Le temps est serein. Un léger vent vient me balayer le visage. Après une petite route goudronnée, la sous-préfecture apparaît peu à peu. Je traverse un hameau ancien, puis une zone d’habitation où s’élèvent de belles villas, certaines terminées, d’autres en construction. Les chiens aboient pour signaler mon passage à leurs maîtres, c’est traditionnel.
L’arrivée en ville s’effectue en suivant un balisage de qualité. C’est jour de marché, et de nombreuses personnes se pressent autour des étals. J’entame une conversation avec un couple, car ma première action de la journée est de renvoyer des choses inutiles chez moi : chaussures, enregistreur et différentes babioles. Soit un kilo et demi de moins à porter désormais. Mon sac à dos pèse désormais, avec la poche d’eau pleine, dix à onze kilos[1].
Pour soigner une brûlure au bras droit qui me fait souffrir, une pharmacienne me fournit un produit bon marché qui va s’avérer efficace. J’achète quelques fruits sur le marché. Les habitants sont très aimables. Nombreux sont ceux qui me disent un petit bonjour. Chaque région est ainsi différente, Montbrison me fait bonne impression.
Je reprends la route pour rejoindre
Moingt, la cité accolée à Montbrison[2]. Je découvre une ancienne église utilisée comme lieu d’accueil de l’association jacquaire locale. Le long d’une rue, je ne peux m’empêcher de déguster les cerises d’un arbre dont les branchages recouvrent le trottoir. Elles sont excellentes. C’est un bon viatique en ce début de journée.
J’atteins Saint-Thomas-la-Garde en traversant des champs et un sentier tracé au travers d’un champ de luzerne. Le paysan a bien fait les choses pour éviter que l’on abime ses cultures. Ce petit village est accueillant, la commune ayant pensé à y installer des toilettes municipales très propres pour les passants. L’église est modeste, mais sa fraicheur me fait beaucoup de bien. La sortie du village se fait par une montée très raide.
En passant, un jogger du cru me lance avec un petit geste : « Ici, il faut savoir monter et descendre ».
Direction Saint-Georges-Haute-Ville. Pour y accéder, c’est une nouvelle succession de montées et de descentes, sans oublier la traversée d’un long, très long chemin herbeux. L’herbe étant tellement haute, je me mets à penser qu’à chaque pas, je peux tomber sur une vipère qui pourrait me piquer. Heureusement, rien de tout cela. L’arrivée au village passe par la traversée d’une rivière. Il fait tellement chaud, que je n’hésite pas à tremper ma casquette du Bien Public pour la porter mouillée sur la tête.
Dix minutes plus tard, j’arrive au centre du village, point de jonction des pèlerins venus de Lyon (chemin Bollène) et de Bourgogne (Cluny). Un bar accueille le pauvre hère assoiffé. Commandant un sandwich, le patron me répond qu’il n’a plus de pain. C’est alors qu’un client sympathique attablé au bar me fait cadeau de la moitié du sien.
Le barman l’utilise pour me faire le sandwich bien venu. Je me retrouve avec la moitié d’un pain rempli de fourme de Montbrison pour trois euros cinquante. Je vais rester une demi-heure à le manger et à boire des cocas, dont l’un fut offert par un client. Là aussi, grande ouverture d’esprit. Les quelques personnes attablées au bar sont très interrogatives sur Compostelle. En me rapprochant ainsi des gens, je m’aperçois à quel point il existe une grande envie de communication.
Je rejoins le pic de Montsupt, un des pitons du Forez. J’y découvre une magnifique chapelle romane du XIIe siècle dédiée à Sainte-Marie-Madeleine et à Saint-Laurent. Après Margerie-Chantagret, je prends la direction de Soleymieux, puis de Saint-Jean-Soleymieux où j’ai décidé de faire halte ce soir. Je ne trouve pas l’accueil pèlerin. Je continue vers un gîte à La Cruzille. Ayant dépassé la route, un jeune couple interrogé m’accompagne en parlant du Chemin juste en face de son entrée.
À l’intérieur, tout est ouvert, personne pour m'accueillir. Sur la table, des gâteaux à destination des visiteurs. Je décide de m’installer dans cette maison accueillante. J'y prends une douche, lave mon linge que je mets à sécher dans le jardinet, m’installe dans une chambre à l’étage et attends que quelqu’un vienne en dégustant une bière.
Une heure plus tard, André et Josiane arrivent. Après avoir réglé les problèmes d’intendance, nous discutons chemin, mais aussi de nombreuses choses de la vie. Et même d’écriture puisque Josiane a commencé à conter sa vie. Je suis assis sur une chaise alors que mes hôtes le sont dans l’entrée. Drôle de vision que je n’ose marquer par une photographie. Nous ne pouvons manger ensemble, ils n’ont rien prévu. Si j’avais prévenu, je suis sûr que nous aurions passé une bonne soirée ensemble. Toutefois, soucieuse du pèlerin que je suis, Josiane me rapporte des pâtes pour le soir.
Il est ainsi, comme d’autres cas, de nombreuses personnes qui se mettent en quatre pour vous aider à répartir le lendemain dans de bonnes conditions. C’est un don, sans contribution financière, qu’il faut savoir accepter modestement.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.