Étape 17 : Saint-Paulien (43) au Puy-en-Velay (43) – 15 km (434 km)
Debout à 7h00. Je traîne un peu, je ne suis pas pressé de partir.
J'ai appelé l’accueil jacquaire du Puy qui n’ouvre qu’à 15h00. Ayant retenu ma place, je profiterais du temps pour passer à l’office du tourisme afin d’envoyer quelques étapes en retard à diffuser sur mon blog. Ce que je fais toujours avec plaisir pour votre service, mesdames, messieurs, mes amis et ma famille.
Tout commence par une petite photo de l’église très typique dont la porte est close. Puis, café au bistrot du coin, au centre, il n’y en avait pas. Il abritait autrefois des élèves. Le rez-de-chaussée abrite le centre de secours des sapeurs-pompiers.
Quittant la petite cité, je parcours un chemin tranquille, traversant de nombreux hameaux. Au milieu d’un champ bien tondu, une ancienne pierre levée christianisée par une croix. On en trouve de nombreuses là où les peuples de la pierre, Celte ou autre pratiquaient leurs rites avant d’être intégrés dans la chrétienté.
Si les petites routes sont souvent agréables, car il y passe peu de véhicules, certains chemins pierreux et boueux sont désagréables comme ce passage où l’eau stagnante dégageant une odeur fétide. C’est la réalité du Chemin, faite de belles et moins belles choses. Comme les choses de la vie en fait.
Insolite aussi, le pont reliant le dernier étage d’une maison à rien de précis sinon un champ. Était-ce un accès au grenier pour y stocker du foin, des denrées agricoles ? Autre chose insolite, une étonnante balance portant des sangles. Pour peser un animal ?
Non loin de Polignac, un gentil âne me lance un petit bonjour par un braiment, les yeux tristes baissés comme s’il me disait : « Tu ne veux pas m’emmener avec toi vivre ton aventure ? Je m’ennuie ici dans ce champ avec ce mulet blanc qui ne comprend rien à rien. Il ne pense qu’à manger. Allez, s’il te plaît… »
C’est maintenant la montée raide à Polignac qui surplombe la vallée. Vision magnifique qui se détache dans le ciel de cette fin de matinée. Alors que j’entreprends le sentier au milieu des herbes, j’entends les cloches sonner à grandes volées.
Je me mets à rêvasser que jadis, c’était ainsi qu’on accueillait de loin les gens de marque lorsqu’ils entamaient la dure grimpée. Décidément, je suis un peu prétentieux. Me voilà transposé en seigneur de l’ancien temps. En arrivant en haut, j’en découvre la raison : il s’agit de l’enterrement d’un habitant de la cité.
Si celle-ci est belle, les gens le sont nettement moins. M’attablant à un café, je demande s’ils servent des sandwichs.
« Non, me répond la serveuse, mais on peut vous faire un plat, une omelette, une assiette de charcuterie, une crêpe… »
Je demande la carte des prix. Le plat le moins cher, une simple omelette, est à neuf euros.
« Je ne suis qu'un pauvre pèlerin désargenté[1], c’est cher », dis-je sans prendre de gants.
« Mais, monsieur, vous êtes ici dans une cité médiévale » me répond la femme.
Drôle d’argument sur lequel je rebondis.
« Vous vouliez dire neuf sous alors ».
À voir les yeux étonnés de la serveuse, j’ai vu que mon humour ne passait pas.
« D’ailleurs, pensais-je, a-t-elle compris mon allusion ? »
Je préfère donc quitter les lieux en disant : « Tant pis, je vais aller plus loin ».
Je quitte donc rapidement Polignac pour rejoindre Le Puy situé à quatre kilomètres de là, après avoir mangé un bout de pain restant dans mon sac et une orange.
La grande descente vers Le Puy est un modèle du genre pour découvrir cette ville surmontée par la Vierge et la cathédrale. À l’arrivée, je m’arrête sur la terrasse d’un bar, le temps de prendre un verre. Une conversation s’engage avec deux Suisses se disant admiratifs des jacquets. Un père et son fils entrent dans notre échange, le fils venant de découvrir « l’esprit » du Chemin.
« Je recommence en juillet, me dit-il, c’est trop beau ».
Il est l’heure d’aller à l’office du tourisme situé en face. J’ai pu y travailler quasiment pendant deux heures. Je me rends ensuite à l’accueil des pèlerins, le Relais Saint-Jacques[2]. L’accueil très sympathique. Après deux verres réconfortants, Claude, l’hospitalier, m’amène à mon box où je passerais la nuit.
Pour se rendre à la cathédrale, il faut prendre un escalier pentu. Je retrouve l’endroit où chaque matin, la bénédiction des pèlerins est donnée devant la statue de saint Jacques. J’y participerais, c’est la tradition. Visite bien entendu à la célèbre Vierge noire qui fait la réputation de la cité, et à la Pierre des Fièvres[3], la table d’un ancien dolmen. En rejoignons le pot d’accueil donné en l’honneur des pèlerins, je rencontre Djamel, Djam pour les intimes. Nous sympathisons et décidons de faire route commune. Repas sympathique autour de l’assiette du pèlerin à la Felouque.
L’occasion de faire une photo en bas des escaliers de la cathédrale.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.
[1] Me considérant comme un cheminant, et non comme un touriste, il faut prendre ce terme comme la volonté de faire le Chemin sans être dispendieux.
[2] J’y serais plus tard hospitalier.
[3] J’en conte l’histoire dans les Mystères de Saint-Jacques de Compostelle, Editions de Borée, 2017.