Étape 31 : Cahors (46) au monastère d'Escayrac (46) – 25 km (812 km)
Après le petit-déjeuner pris seul (le foyer des jeunes en Quercy n’est pas vraiment un accueil pèlerin), je quitte assez tôt le centre pour continuer mon cheminement. J’ai mal dormi à cause du bruit des communications téléphoniques intempestives données et reçues dans les chambres voisines. Il y a des personnes qui ne sont pas dans la discrétion en racontant leurs vies au téléphone. Vous voyez ce que je veux dire ! Cela m’a plutôt énervé de bon matin. Bof ! Passons !
Je suis le fléchage très bien réalisé par les amis de Saint-Jacques locaux qui m’amène au célèbre pont Valentré de Cahors d’une grande beauté architecturale[1]. La légende raconte que le bâtisseur ne pouvant venir à bout de son œuvre eut recours à Satan. Il fit un pacte avec lui. Quand le pont fut terminé, il demanda au diable d'apporter de l'eau aux maçons à l'aide d'un crible (seau percé).
Ne pouvant le faire, c'est comme s'il n'avait pas rempli la part de son pari, et donc de recevoir son gain. Il se vengea en empêchant les maçons de terminer la tour du milieu, dite Tour du Diable.
Chaque nuit, un diablotin vint desceller la dernière pierre remise en place la veille. En 1880, un diablotin fut sculpté et intégré au sommet de la tour centrale pour rappeler cette légende.
Après sa traversée, deux voies s’offrent à moi. Je choisis la plus difficile, la grimpette raide se trouvant au milieu des rochers (passage sportif) au lieu de suivre la route. De là-haut, la vie est superbe sur la ville et sur le fameux pont. Puis, sur le plateau, ce sont de larges chemins de terre suivis de passages routiers.
Après quelques kilomètres, j’arrive à un refuge où trône un beau monsieur Jacques. Le temps de prendre un café réconfortant, il faut repartir. Par moment, le chemin devient plus difficile, notamment lors d'une grande descente pierreuse cassant les pieds. C’est ainsi, il faut savoir s’adapter à tous ces chemins. Pour l’instant, aucune âme qui vive. Cela me va très bien.
Passage en forêt, parcourant de longs chemins de terre où alternent les montées et descentes. Le temps est devenu chaud.
Monsieur soleil se rappelle à moi. Pour éviter d'attraper des crampes, il faut boire souvent. Contrairement à l’an dernier où je portais des gourdes d’eau, j’apprécie la poche d’eau de deux litres placée dans le sac. Se prolongeant par un tuyau muni d’une sucette, cela me permet plus souvent de siroter un peu d’eau. Avantages : avoir moins la sensation de soif et de m’arrêter moins souvent.
Au bout de dix kilomètres, j’arrive à La Bastide-Marnhac où je profite du bar- point postal pour renvoyer à la maison de la documentation. Il faut savoir alléger son sac.
Le Chemin se continue tranquillement. Douze kilomètres plus loin, c’est l’arrivée à Lascabanes. Le gite local est fermé. Ne voulant pas aller jusqu’à Montcuq, je téléphone au monastère Notre-Dame d'Escayrac. Il est situé dans un hameau situé à trois kilomètres de là pour savoir s’il est possible de m’accueillir. Ayant reçu une réponse positive, j’entreprends la montée sous le soleil. Cela m’est pénible, car je suis fatigué. Je vais mettre presque une heure trente pour y arriver. Un record de lenteur.
Quand enfin l’allée pleine de fraicheur sous les arbres apparait, je me dis que le petit calvaire du jour est terminé.
Je suis accueilli par une hospitalière qui m’offre de quoi me désaltérer. Contrairement à ce que je pensais, l’endroit est moderne. Chacun dispose d’une chambre individuelle. L’environnement me fait plus à des chambres d’hôtes qu’à un accueil de pèlerins. Je ne vais pas m’en plaindre. Dans le grand jardin fleuri, on peut se promener pieds nus dans l’herbe épaisse.
Tout respire le calme et la sérénité. En fait, ce monastère fondé en 1974 sur l'emplacement d'une ancienne ferme n’est habité que par quatre sœurs, dont deux sont valides. Les religieuses font partie de l'ordre des Dominicains.
Pour financer l'entretien des bâtiments, les moniales présentent et vendent aux personnes de passage les travaux qu'elles réalisent, et reçoivent les pèlerins de passage.
Peu à peu, l’accueil se remplit. Trois autres pèlerins vont venir me rejoindre, dont Jean-Luc et Chad, un acteur de théâtre. Comme dans toute hospitalité chrétienne, nous avons la possibilité d’assister aux offices. Ce ne sera pas pour ce soir, il faut que je récupère.
Après le repas frugal préparé par notre hospitalière, et le lavage de la vaisselle en commun, tout le monde va se coucher tôt. La journée a été rude malgré la distance moyenne.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.
[1] Je raconte la légende du diable dans les mystères de Saint-Jacques de Compostelle, éditions de Borée.