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Publié par Alain Lequien

   Il est 7h00 passé lorsque je quitte Lectoure. Jean-Claude a tenu à m’accompagner jusqu’à Marsolan pour effectuer sa balade matinale traditionnelle. Nous avons beaucoup échangé. Mon hospitalier se révèle d’une grande humanité et d’une grande richesse. Responsable pour le département des Pyrénées Atlantiques, il a participé à de nombreuses opérations au profit des pèlerins de Compostelle.  

   C’est donc un chemin qu’il connait bien pour l’avoir parcouru treize fois à partir de départs différents. Il m’a fourni une liste d’adresses où je serais bien reçu. Pour le soir même, il m’a réservé avec mon accord ma venue chez Martine et Alain, à la ferme du Tollet. Dont acte !

   Hier soir, il a appris qu’une pèlerine (pas le vêtement mes amis) s’était fait piquer par de nombreux moustiques non loin de là. Elle a dû être hospitalisée. Pour indiquer ce risque aux pèlerins passant près d’un endroit marécageux, il a rédigé une affiche pour leur dire de suivre la route plutôt que le chemin marécageux. En m’accompagnant, il voulait remplir cette mission.

   En cours de route, Jean-Claude m’expliqua les dégâts occasionnés par les pluies sur les fondements des murailles du château qui risquaient de s’écrouler. Il arrive parfois que les terres environnantes gorgées de pluie rendent la cité comme entourée d’un lac.

   Nous arrivons à l’entrée du lieu de prédilection des moustiques. Jean-Claude posa son affiche puis, ensemble, nous barrons l’entrée du chemin avec une grosse branche d’arbre. Serait-ce suffisant ? Toujours est-il qu’à cette occasion, je n’en vois pas d’autres.

   La forteresse de Lectoure, dans le brouillard du matin, apparaît comme puissante. Après neuf kilomètres de routes et de chemins, nous arrivons à Marsolan. Nous prenons un café au chalet, puis nous nous séparons. Jean-Claude retourne à Lectoure, moi vers Condom.

   La route et les chemins sont assez vallonnés. Je passe au milieu d’une ferme où cohabitent des déchets, des débris, des remorques… Un peu plus loin, une pancarte indique aux pèlerins de respecter la nature. J’en souris. Notre fermier est-il un donneur de leçons ? Par exemplarité, il devrait commencer par rendre salubre son endroit mal entretenu, sinon sale, aperçu quelques centaines de mètres auparavant.

   Je fais l'impasse de me rendre jusqu’à La Romieu pourtant à quelques kilomètres. Le soir même, j’ai regretté cette décision. J’aurais dû y aller, ce n’était pas si loin que cela. Des pèlerins rencontrés plus tard m’ont dit à quel point, c’était beau. À refaire !

  Mais, il y a une raison : j’ai un gros coup de barre, je ne me sens pas bien ayant la tête qui me tourne. De plus, je commence à ressentir de nouveau ma jambe gauche qui me fait des misères. Elle gonfle anormalement, comme lorsque je suis passé chez Liliane et Jean-Louis au début de mon cheminement. La meilleure solution est, selon moi, d’aller directement à Condom.  

Pour cela, je décide de couper par Castelnau-sur-l’Auvignon situé à cinq kilomètres par les chemins. En montant un chemin raide pour y accéder (j’ai l’intention de m’y désaltérer), je suis encore victime des moustiques toujours aussi nombreux. De bar, il n’y a point. J’y rencontre deux femmes déjà aperçues sur le Chemin qui cherchent le chemin de grande randonnée. En voulant le prendre, nous sommes obligés de rebrousser chemin devant la nuée de moustiques.

   La seule possibilité qui nous reste est de suivre la route asphaltée, ce qui nous oblige à faire deux ou trois kilomètres supplémentaires en plein cagnard. J’ai de plus en plus mal à ma jambe, mais c’est la vie. L’arrivée à Condom est longue et pénible. Je suis complètement asséché lorsque j’entre dans la cité.

   Les deux femmes rejoignent leur hôtel alors que je vais au premier bar pour me désaltérer et remplir ma poche d’eau. En sortant, je retrouve la famille alsacienne à qui je communique les adresses remises par Jean-Claude. Ils dorment dans l'ancien Carmel.

   Je rentre dans la cathédrale Saint-Pierre devant laquelle campent depuis 2010 les statues de plus de deux mètres de hauteur des quatre mousquetaires. On dirait une église forteresse regardant couler à ses pieds la Baïse.

   J’y reste une bonne demi-heure. Il fait frais, et je récupère en grande partie. J’y lis la bénédiction locale donnée aux pèlerins que je vous soumets. 

   « Ô Dieu qui avait fait partir Abraham de son pays et qui l’avez gardé sain et sauf à travers ses voyages, accordez à vos enfants la même protection. Soutenez-nous dans les dangers et allégez nos marches. Soyez une ombre contre le soleil, un manteau contre la pluie et le froid. Portez-nous dans nos fatigues et défendez-nous contre tout péril. Soyez le bâton qui évite les chutes et le port qui accueille les naufrages : afin que, guidés par vous, nous atteignions avec certitude notre but, et revenions sains et saufs à la maison ».

   En sortant de ce lieu de prières et de repos, alors que je cherchais les balises pour quitter Condom, j’entends derrière un grand « Ultreïa ! » C’est le mot de ralliement d’un pèlerin, Théo, attablé avec… Djam. Heureux de revoir mon compagnon de voyage en bonne santé, je m’attable avec eux sur la terrasse. Théo m’invite à boire un verre. Comme l’étape n’est pas terminée, et qu’il fait très soif, je choisis un Coca. 

   Nous discutons de choses et d’autres, m’enquiers de la santé de Djam qui vient de se faire voler du matériel lors du dépôt de son sac au Carmel… Quand tout à coup, va se dérouler un événement imprévisible, que je ne suis pas prêt d’oublier.

   Théo me dit : « Tu es Alain ? Vézelay ? » Rares sont ceux qui m’appelle ainsi, seuls ceux qui savent que l’an dernier, je suis parti de la colline éternelle de Vézelay[1]

   A ma réponse positive, il se lève, me prends dans ses bras, et se met à me remercier. Je ne comprends pas ce qui se passe. Il s’éloigne alors, car, dit-il, l’émotion est trop forte. Quand il revient, les yeux rougis, il me raconte en détail un événement s’étant déroulé l’année précédente en Espagne. Pour être honnête, je l’avais complètement oublié.  

   Peut-être n'avez-vous pas lu mes chroniques l’an dernier[2] ? C’était lors de l’étape 48 : Hontanas –Poblacion de Campos  datée du 29 juillet 2012. Il me raconte en détail l’événement qui l’avait marqué. Dans un petit village, il m’avait interpellé et demandé un billet de dix euros pour le dépanner. Il était en galère et n’avait pas trouvé de distributeur de billets. Je lui en ai donné un de vingt euros. Comme il m’avait promis de me le rendre, aujourd’hui, il tenait à le faire.

   « C’est important pour moi, une promesse est une promesse », me dit-il.

   Je ne peux qu’accepter le billet qu’il me tend. J’y mets une condition : que cet argent tourne pour aider celui qui en a besoin. Pour cela, Djam doit l’accepter. Ce que fit mon compagnon.

   Je suis toujours mal à l’aise avec mes émotions, et celle-ci fut forte. À l’image de ma rencontre avec Blandine et Arnaud (que j’ai connu à Dijon), Djam vient d’assister de nouveau à un événement qui s’était déroulé l’année précédente. Comment Théo a-t-il pu se souvenir de moi. Je ne suis qu’un pèlerin rencontré parmi tant d’autres. Étrange histoire ! Le hasard avez-vous dit…

   Djam reste ici, c’est bien. Pour être honnête, après l’incident de Lectoure, je ne tiens pas trop à la compagnie de Djam pour l’instant.   

   Il faut croire que cette rencontre va me déstabiliser. En me rendant à Larressingle, je vais me perdre. Il faudra la gentillesse d’un automobiliste de passage pour me ramener en voiture sur mon lieu de séjour, la jambe en berne. Des kilomètres en plus. Je suis complètement lessivé.

   La réception fut à la hauteur de la réputation de Martine et d’Alain, des fermiers qui ont créé cet accueil pour recevoir une douzaine de pèlerins ou randonneurs. Nous sommes dans la région de l’Armagnac. Pour nous faire goûter leur production, nos hôtes nous invitent dans leur cave pour déguster différents armagnacs de plusieurs âges. On est en face d’un sacré producteur.

   La tête me tourne, et heureusement que le diner, où Jean-Claude était présent, fut copieux et bien arrosé d’un vin local. Sans oublier les belles conversations entre pèlerins et nos hôtes.

   Repu, complètement fatigué de l’étape du jour, des émotions, vers 23h00, nous allons nous coucher.

   Comble d’émotions, je n’ai pas gardé de photo de ce moment sympathique.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.

 

[1] Voir mon Carnet de voyage, volume 1 : Sur le chemin de Vézelay et le Camino Frances.

[2] Sur le site www.bourguignon-la-passion.fr année 2012.

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