Etape 4 – Baratier – Crots – abbaye de Boscodon – Savines-le-Lac, Reallon – 26 juin 2014 – 20 km (93 km)
Le lendemain matin, après le petit-déjeuner, avec Michel, nous échangeâmes sur le cheminement certes, mais aussi sur le drame personnel qu’il était en train de vivre à la suite de la perte d’un être cher et sur les questionnements qui y sont liés. Un moment d’émotion très fort qui est loin de laisser indifférent. On ne peut dans ses moments qu’être en écoute active et je remercie Michel d’avoir partagé un de ces moments marquants de tout cheminement. Je me suis promis de penser à eux deux lors de mon arrivée à Saint-Jacques. Alors que je voulais laisser une participation, Michel n’a pas voulu l’accepter. C’est pour moi l’occasion de vous donner mon opinion sur l’importance du don sans contrepartie entre deux personnes. Il y a bien sur celui qui reçoit, et il doit le faire avec une grande modestie. Il y a aussi pour celui qui donne, la volonté du partage basé sur la générosité.
Il est temps pour moi de reprendre mon cheminement. Et mon premier passage est pour la cathédrale d’Embrun que je visite alors que j’attends qu’à la maison paroissiale, la messe dans la chapelle soit terminée pour faire tamponner ma crédentiale. Grande beauté des lieux où jadis Louis XI fit une visite à la suite d’un miracle et en remerciement de sa guérison. D’autres rois de France feront la même visite.
Après quelques courses de bouche, c’est le départ vers l’abbaye de Boscodon, moment fort de cette journée. Passage tout d’abord le long de la Durance, où des canyonistes vont s'entrainer dans les eaux tumultueuses de la rivière. Puis, à Baratier où, sur l’église, on peut apercevoir ce cadran solaire avec cette maxime : « Pauvres, mais fiers et bons cœurs ». Un peu plus loin, ce cheval à l’arrêt minute (lol). Son jeune cavalier me rejoindra lorsque je me dirige vers Crots pour me détourner du chemin : celui-ci passe par un endroit où paissent ses chevaux. Je passe d’ailleurs devant ce grand centre équestre.
Arrivée à Crots (autrefois les Crottes) où saint Antoine le Grand dit du désert, le patron des charcutiers trône. Cette statue toute nouvelle, assez impressionnante, traitée en grès et céramique ocre, représente saint Antoine et son compagnon venu épauler l’infortuné Laurent, le saint martyr protecteur du village.
C’est maintenant la longue montée vers Boscodon, près de 7 km à travers prés, champs, forêts… La pente est parfois un peu raide, mais l’ensemble reste toujours agréable. A la Cagnolle, de la croix de l’oratoire, on peut bénéficier d’une vue superbe sur le lac de Serre-Ponçon de 30 km2 (plus grand qu’Annecy), alimenté par les eaux torrentielles de la Durance.
C’est maintenant l’arrivée à l’abbaye de Boscodon que l’on découvre au détour du chemin. Située à 1150 mètres d’altitude, cette abbaye du XIIe siècle fut sauvée, il y a quarante ans, alors qu’elle était utilisée comme bâtiments agricoles. Restaurée, une petite communauté religieuse l’anime, mais ne reçoit pas les pèlerins. L’église paroissiale respecte le nombre d’or, cette proportion que l’on retrouve très présente dans la nature. C’est pour moi un temps de repos, de sérénité. A voir, ces belles statues de bois représentant la première la Vierge et l’Enfant et la seconde saint Martin de Tours donnant la moitié de son manteau à un pauvre. Tout un symbole en ce lieu.
Après avoir fait tamponner ma credentiale, les accueillants m’ouvrent gracieusement la porte pour visiter le cloitre restauré. Un avantage réservé aux pauvres pécheurs cheminants que nous sommes. Tout est rénové selon les règles de l’art du trait. Dans la salle du Chapitre, on peut apercevoir ce tracé de la Divine proportion que je retrouve d’ailleurs chez des amis de Chalon-sur-Saône. Ici, taille de pierre, taille du bois sont respectueux des traditions compagnonniques. Très beau fleurissement du cloitre.
Mais il faut repartir vers Savines-le-Lac situé à 8 km de là. J’emprunte pour cela un chemin forestier qui me mène au hameau du Bois, le bien-nommé. Notamment par ce four à pain traditionnel qui doit être utilisé de temps à autre.
En traversant le village, un chien, plutôt une chienne me suit. Cela ne me dérange pas outre-mesure, mais au bout de quelques kilomètres sur un chemin forestier pierreux, je m’interroge de savoir si elle va me suivre longtemps. J’arrive à lire le numéro de téléphone de son propriétaire sur son collier et j’appelle celui-ci. Il me dit tout simplement ne pas être inquiet, qu’elle est fugueuse, et que je n’ai qu’à lui dire « maison maison » en lui donnant une tape sur son arrière. Ce que je fais sans brutalité, bien sûr. Mais la chienne va m’accompagner jusqu’à Savines, ne voulant pas me quitter. Je rappelle le propriétaire que j’ai l’air de déranger. Le ton monte un peu, car il m’accuse presque d’avoir entrainé sa chienne. Enfin, il se décide à venir quand je lui dis que je vais l’amener à la police car pas question pour moi de laisser l’animal comme cela. Il récupère sa chienne qui n’a pas l’air heureuse de son arrivée et il s’en va avec un merci du bout des lèvres. Des gens présents sont outrés de ce comportement. Je pense que si mon fils Cédric avait été présent, cela se serait passé autrement, de façon moins cool pour lui. Mais moi, je suis un calme, trop cool parfois.
Il me reste normalement 11 km à parcourir pour aller à Prunières, dont 8 km de montée. Il fait très chaud et je m’adresse à l’office de tourisme pour trouver quelque chose de plus proche. Ce que l’on me propose est trop onéreux. A l’OT, on me suggère de faire du stop. A voir, ce n’est pas dans mes principes, mais parfois, il faut choisir. De toute façon, il faut que je fasse des courses.
Alors que je terminais celles-ci, un homme qui se révèle un ancien pèlerin, Dominique, se propose de m’emmener non loin du camping de Prunières. Je considère cela comme une chance de la destinée qu’il faut savoir saisir. En route, il me dit alors qu’il est prêt à m’accueillir habitant à Réallon, et que demain-matin, il me redescendrait sur la route, à Saint-Apollinaire. J’accepte sa proposition et me retrouve pour la seconde fois hébergé par quelqu’un trouvé en chemin.
Nous passons une très bonne soirée à discuter du Chemin, et j’ai même la surprise de voir que nous avons croisé les mêmes cheminants. Par exemple, Arnaud et Blandine avec leurs enfants avec qui il a passé une soirée mémorable me dit-il à Fisterra. Il est vrai que ses amis dijonnais ne passent pas inaperçus avec leurs trois enfants et leurs ânes. Le hasard existe-t-il vraiment ? Qu’en pensez-vous Isabelle et Philippe ?
Il est près de 22h00 quand je rejoins ma chambrée.
A suivre. Bourguignon la Passion.