Étape 4 : Fontaines (71) à Saint-Vallerin (71) – 29 km (105 km)
7h00 : je me lève ayant bien dormi. Thomas est dans une autre pièce, je l’avais prévenu que j’avais tendance à ronfler (rigolez, rigolez…). Nous avions prévu de partir vers 8h00, car j’ai une longue étape à parcourir. Quant à lui, il souhaite s’arrêter chez les sœurs missionnaires de Notre-Dame-de-la-Salette à Saint-Désert. De toute façon, il ne veut parcourir qu’une vingtaine de kilomètres par jour. Nous allons donc faire un bout de chemin ensemble.
Nous déjeunons simplement de café et de pain avec la confiture laissée dans le réfrigérateur par notre hospitalier. Pendant que Thomas finit de se préparer, je lis le texte de cette chanson du pèlerin affichée dans la pièce commune (paroles et musique de Jean-Claude Benazet).
« Tous les matins, nous prenons le chemin, / Tous les matins nous allons plus loin. / Jour après jour, Saint-Jacques nous appelle, / C’est la voix de Compostelle. / Ultreïa ! Ultreïa ! E sus eia Deus adjuva nos !
« Chemin de terre et chemin de Foi, / voie millénaire de l’Europe, / La Voie lactée de Charlemagne, / C’est le chemin de tous les jacquets. / Ultreïa ! Ultreïa ! E sus eia Deus adjuva nos !
« Et tout là-bas au bout du continent, / Messire Jacques nous attend, / Depuis toujours son sourire fixe, / Le soleil qui meurt au Finisterre. / Ultreïa ! Ultreïa ! E sus eia Deus adjuva nos !
« À chaque pas, nous devenons des frères, / Patron Saint-Jacques, la main dans la main / Chemin de Foi, chemin de Lumière, / Voie millénaire des pèlerins. / Ultreïa ! Ultreïa ! E sus eia Deus adjuva nos !
« Mr Saint-Jacques écoutez notre appel /des Pyrénées à Compostelle, / Dirigez-nous du pied de cet autel / Ici-bas et jusqu’au Ciel. / Ultreïa ! Ultreïa ! E sus eia Deus adjuva nos ! »
À noter que l’auteur ne reconnait pas les deux derniers couplets rajoutés à sa chanson. C’est le signe aussi de son succès.
C’est le départ. Mon premier compagnon de voyage de cette pérégrination et votre serviteur auraient aimé visiter l’église, mais hélas, elle est fermée. Direction Mercurey que nous atteignons une heure plus tard. En chemin, nous échangeons avec un ouvrier de la vigne qui nous dit combien il aurait été heureux de nous accompagner. « Si on nous autorisait du café ou du vin, j’aurais bien partagé avec vous », nous dit-il.
Après St-Martin-sous-Montaigu, et la vue de St-Mard-de-Vaux, c’est la montée par des chemins empierrés pour rejoindre les chaumes sur le plateau. Nouvelle rencontre avec deux forestiers qui nous disent de bien suivre le chemin. Il est pourtant facile à suivre. Ce plateau est fermé par des barrières. Tout marcheur responsable sait qu’il faut bien les refermer pour éviter que les animaux en pâturage sortent. On retrouve ici l’esprit de la montagne. En contrebas, les villages ou hameaux dans la vallée nous font voir à quel point la Bourgogne est belle.
Après nous être un peu égarés, nous arrivons à l’ancienne église romane de Russilly, puis à Jambes en passant par le château de Charnaille. C’est à cet endroit que chacun va reprendre son voyage solitaire. Thomas va à Saint-Désert dans la congrégation religieuse, moi vers Saint-Vallerin pour dormir chez d’anciens pèlerins accueillants. Sur la petite place, à l’abri du soleil sous un grand arbre, nous partageons notre déjeuner avec les restes d’hier soir. « Faut pas gâcher », dirait un célèbre entraineur (deviner qui ?).
Par un chemin empierré sur le Mont-Avril, puis une grande descente serpentant au milieu de l’herbe, j’arrive à Cercot où je me rafraichis dans un lavoir. L’occasion de tremper ma casquette et de la porter bien mouillée. Il fait en effet très chaud, et un peu d’ombre me ferait du bien.
Passant sous la route à deux fois deux voies, j’entreprends la dure montée en direction de l’église de Moroges. Belle église en rénovation. Je traverse le village un peu endormi. D’après mon plan, il me reste environ huit kilomètres à parcourir. Par différentes petites routes goudronnées, et un chemin de terre embourbé où une vache étendue de tout son long me regarde béatement, j’arrive à Montagny-lès-Buxy. Je n’ai quasiment plus d’eau.
Dois-je faire un détour par le village ? La raison me dit oui, mes pieds non. Je choisis cette dernière solution apercevant plusieurs fermes le long de mon chemin. Mauvaise donne ! Dans les premières, il n'y a personne. Dans la suivante, je m’approche, voyant un homme près de son tracteur. Je lui demande si je peux prendre un peu d’eau : sa réponse est sèche, il n’y a pas d’eau potable ici. Je lui envoie un sonnant : « Merci beaucoup, monsieur ». Je vois son regard surpris, mais je n’ai pas envie de discuter. Était-ce vrai cette absence d’eau ? Notre homme est-il un mauvais coucheur ? À chacun de se faire son opinion.
Le chemin me paraît long maintenant, car la soif me tenaille la gorge. Je sens mes forces décliner peu à peu. La petite route goudronnée fait place de nouveau à un chemin empierré. Je m’arrête dès que je le peux pour me mettre à l’ombre protectrice d’un arbre.
J’arrive enfin au terme de mon parcours de la journée, à la grande roche de Saint-Vallerin. Même si l’arrivée de l’étape est proche, je n’hésite pas à aller frapper à la porte d’une maison. Une dame m’accueille avec une grande gentillesse en m’offrant deux grands verres d’eau bien fraiche. Ils sont les bienvenus. Cette dame me dit que c’est souvent que cela lui arrive, et qu’une fois, c’est tout un groupe de scouts qui s’était installé sur sa pelouse. Qu’elle en soit remerciée.
Je descends la pente rapide qui m’amène au village. Alors que je cherche la maison qui doit m’accueillir, j’entends un hello sonore. C’est mon hôtesse qui me hèle. Je suis accueilli chaleureusement par Monique et René, un couple de pèlerins retraités qui a fait le Camino en 2010 depuis Cluny. Aussitôt, ils pensent à mon bien-être : on me fait asseoir en me proposant des boissons. C’est la période de présentation. Il existe une véritable confraternité des pèlerins de Compostelle.
Le gîte est agréable. Après ma douche, et avoir changé de vêtements, nous avons passé la soirée dans de grandes discussions sur les mystères de la vie, notamment les ovnis. Un vrai plaisir de rencontrer ces anciens commerçants de l’Ain venus se retirer dans ce village. C’est une étape que je recommande si vous passez par là. Le menu est frugal et réconfortant, notamment du poulet et des crozets savoyards suivis d’un excellent gâteau fait maison. Tout cela bien arrosé de vin. Merci, Monique et René, pour votre accueil et la mise en action de la fraternité de la route.
Nos échanges furent si intéressants que nous n’avons pas vu le temps passé. Fatigué, rompu par la chaleur, repas bien arrosé, tout concourt à m’envoyer dans les bras de Morphée vers 23h00.
Prochaine étape plus religieuse, la Communauté de Taizé.
À demain. Alain, Bourguignon la Passion.