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Publié par Alain Lequien

   Aujourd’hui, c’est décidé, je ferais une courte étape, car je dois vérifier que ma jambe va tenir. Le médecin des urgences m’a prévenu : je vais ressentir une nette baisse de forme avec les six cachets d’antibiotique que je dois avaler quotidiennement. Ce qu’il ne sait pas, c’est que j’ai repris la route contre son avis. Ceci est une autre histoire, celle de quelqu’un de têtu ayant pris l’habitude de traiter le mal par le mental. J’y crois beaucoup.

   Mon passé de marathonien m’a appris à contrôler la douleur, à maîtriser les temps forts et ceux plus faibles. C’est un avantage évident. Si cette pratique est individuelle (on lutte contre soi, la facilité, contre les autres concurrents), il n’est pas rare que certains d'entre nous encouragent de la voix celui qui est en souffrance.

   Ironie du sort, peut-être, je découvre une sentence gravée sur la table en bois d'une aire de repos. Signée Martha, la voici. « Si la douleur est inévitable, la souffrance est optionnelle ». C'est bien vrai ! Il faut tout faire pour l'éviter.

   Mon premier arrêt se situe dans la montée située à la sortie d’Aire-sur-l’Adour, près de l’église Sainte-Quitterie. À cette heure matinale, les portes sont closes.

  

Continuons notre route. Le chemin me mène sur les hauteurs de la ville, puis dans les bois longeant un lac. Je marche volontairement doucement. Si la douleur est présente, elle est diffuse. Il faut dire que le chemin est tortueux, fait de racines et de cailloux, avec parfois des montées raides qui vous coupent le souffle. Il n'y a pas de quoi pavoiser, mais je suis heureux malgré tout d’être en train de marcher.

   C’est la reprise de ma trilogie composée de routes goudronnées, chemins forestiers, chemins agricoles. Je note en passant que ce parcours présente peu d’intérêt touristique. Il faut savoir accepter ces chemins de liaison entre deux parties plus riches. S’il est inintéressant sur le plan culturel, il va devenir riche sur le plan humain.

   Sur la route, je croise à plusieurs reprises Alain, un ancien journaliste que je vais apprendre à découvrir. Comme moi, il marche avec difficultés effectuant de nombreux arrêts ce qui facilite bien sûr notre contact. Puis avec Bruno, un autre pèlerin plus alerte qui se rend à Compostelle par le Camino Frances. Notre rencontre s’effectua alors que je travaillais sur mon ordi (pardon, celui de Jérôme !) lors d’une pause, assis devant la statue d’une Vierge. Cela sembla l’amuser.

   De ces deux rencontres va naitre une trilogie humaine qui va rapidement comprendre que nous partageons les mêmes valeurs. En fait, nous formons une unité parfaite dans l’universalité.

   Je vais mettre près de six heures pour parcourir cette petite distance, une lenteur proverbiale. Le principal, c’est que la jambe a tenu. Demain, j’augmenterai un peu ma vitesse pour voir si je le peux. Entretemps, l’inévitable Djam dont j’avais perdu la trace depuis plusieurs jours m’a envoyé un message. Il est crevé, et se trouve justement à Miramont, le terme de cette étape. Je prends une place au gîte. L’hospitalier lui permet de planter sa tente non loin de là, et de venir prendre sa douche dans les locaux.

   Après nous être douché, et avoir pris possession de nos lits dans la chambrée, le reste de l’après-midi se déroula tranquillement en discussions sérieuses sur les Templiers, les cathares... et autres mystères du genre. Si la discussion est parfois animée, cela est dû à l’engagement personnel de chan se découvrant sous son vrai jour. Pierre-Luc, un Québécois (encore un autre) de haute stature, bon buveur de bière, nous conte son passage dans une secte. Bref, de bons échanges sous un ciel radieux.  

   La soirée va continuer avec le repas préparé par nos deux hospitaliers qui ont si bien le sens de l’hospitalité. Djam se joignit à nous.

   Vers 22h00, le silence règne dans le gîte. Finalement, ce fut une bonne journée qui semble le prélude à d’autres, plus riches.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.

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