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Publié par Alain Lequien

   Cela bouge dans la chambrée. Même si j’ai envie de traîner un peu, je me sens obligé de faire comme tout le monde, me lever. Plusieurs pèlerins sont prêts à partir ; c’est le cas du Québécois Pierre-Luc toujours en pleine forme, des Allemandes, de Pierre rencontré à la ferme du Tollet, sur le Chemin depuis trois mois… Même Djam venu prendre son petit-déjeuner avec nous piaffe d’impatience après avoir plié sa tente. En fait, si je prends mon temps, c’est que j’ai la jambe engourdie et ne me sens pas en pleine forme. La suite de la journée va confirmer cette impression matinale.

   Mes trois compagnons Alain, Bruno et Djam m’attendent. Je presse le pas. J’ai convaincu Alain et Bruno de faire halte chez Raoul, un paysan pouvant nous recevoir dans sa ferme. Jean-Claude m’avait donné son adresse en m’assurant que je serais bien reçu. Quant à Djam, il dormira sous la tente.

   Si au départ je marchais lentement, peu à peu mon pas s’est allongé. Ma chance, si l’on peut dire, c’est qu’Alain, mon autre compagnon, est obligé de marcher lentement. Cela m’arrange bien.

   La première petite église que nous visitons est belle par sa simplicité. Elle possède une charpente relativement rare, en forme de coquille. C’est quasiment la première fois que j’en vois une en si bon état. La plupart du temps, cette construction compagnonnique a été démontée ou recouverte par du crépi. Du bel ouvrage. C’est l’occasion d’échanger sur l’art roman, les moines cisterciens en recherche de simplicité, le préau de l’église. Celui-ci servant d’abri permettait d’accueillir ceux n’ayant pas le droit de pénétrer dans le lieu consacré. Une autre église au clocher spécifique des Landes attire notre attention.

   Ces arrêts me sont bénéfiques, me permettant de me reposer. Mais le plus dur reste à réaliser, la montée vers la bastide de Pimbo. Un vrai calvaire, à tel point que je craque. Je demande à mes compagnons de continuer sans moi. Il me faudra plus d’une demi-heure pour les rejoindre. Non seulement j’ai mal, mais je n’ai plus de force malgré l’appel à mon mental. L’effet des antibiotiques, je pense. Mon moral en prend un coup. Pendant que Bruno et Alain repartent, Djam reste avec moi, quitte à perdre du temps. Je reste environ trente minutes à me reposer.

   La bastide, la plus ancienne des Landes, surplombe la vallée du Tursan. On attribue à Charlemagne, à son retour d'Espagne en 777, la fondation du monastère bénédictin Sainte Marie de Pandulon. Il fut remanié au XIe et XIIe siècle. Il en reste la collégiale St Barthélemy. C’est le roi d’Angleterre Henri III qui lui donna toute sa splendeur en partageant les droits entre un laïc et un religieux.

   Pimbo est aussi connu par l’expression Va à Pimbo qui indique à celui qui la reçoit qu’il aille au diable ou en enfer. Je n’en connais pas l’origine.

   Un groupe de quarante-cinq personnes nous rejoint, des habitants de Marly-le-Roi en pèlerinage paroissial pour dix jours avec leur curé. Cette présence pose des problèmes aux hospitaliers chargés de l'accueil des pèlerins. En effet, certains n'hésitent pas à recevoir des groupes aux dépens des pèlerins individuels voyageant à pied. Certains hospitaliers plus courageux refusent cette pratique. Merci à eux.  

   Ces pèlerins ne marchant que quelques kilomètres portent dans leurs petits sacs le repas de la journée. Quelques heures plus tard, ils sont récupérés par le car qui les amène à la fin de l’étape. Bref, vous l’avez compris, nous ne sommes pas dans le même monde. Djam me fait remarquer que certains portent des pantalons à pince... J’en ris encore…

   Nous repartons. Je suis satisfait de voir que c’est par une descente que nous quittons les Landes pour les Pyrénées-Atlantiques, le dernier département français avant l’Espagne.

   Ce long arrêt a porté ses fruits, je vais mieux. Je peux remplir la mission confiée par Jean-Claude : faire le point sur les jardins de pèlerins mis à leur disposition sur le Chemin. En effet, Jean-Claude et l’un de ses amis ont fait planter par les communes plus de trois cents arbres fruitiers (souvent, d'anciennes cultures), par groupe de dix à vingt. Si les arbres sont acquis par l’association, les communes sont chargées de les entretenir.

   Ce n’est pas le cas des premiers jardins rencontrés. Ils sont complètement envahis par les orties, les grandes herbes et les fougères. Pas question pour moi de prendre le risque de me faire piquer par une vipère. Par contre, d’autres communes ont bien rempli leurs engagements.

   À Arzacq-Arraziguet, nous retrouvons Alain qui nous attend. C’est la fête dans le village avec le marché du terroir. En contrebas du village, près du plan d’eau, se déroule la fête de jumelage avec la cité aragonaise de Luna. Du moins, c’est ce que l’on nous dit, car notre chemin est détourné.

Comme il fait très chaud, nous buvons du coca. Bruno est parti en avant, car nous avions rendez-vous avec Raoul, à l’église de Fichous-Riumayou aux environs de 15h00. Nous n'y serons pas. Aussi, j’appelle Raoul pour repousser l’horaire vers 17h00. 

   Djam ne veut pas venir avec nous, il veut continuer à bivouaquer. Nous faisons ce qu’il faut pour qu’il ne reste pas démuni durant ce week-end du 14 juillet. Comme nous sommes tous les deux éclopés, nous préférons faire de l’auto-stop jusqu’aux abords de notre rendez-vous. C’est rare que je le fasse, mais quand on sent qu’on ne peut faire autrement, il faut avoir la sagesse de le faire.

   La première voiture sollicitée s’arrête. C’est un monsieur qui vient de perdre son épouse. En route, il nous parle d'elle, et nous dit qu’il a beaucoup de mal à accepter son départ. On sent qu’il a envie de verbaliser sa douleur. Avec nos mots sortant du cœur, c'est toujours difficile de les trouver, nous essayons de lui apporter un peu de réconfort. Quand il reprend sa route, nous remarquons qu’il a des larmes aux yeux.

   Nous arrivons une demi-heure plus tard à l’église et attendons l’arrivée de Bruno avant d’appeler Raoul pour lui signaler notre présence. Dans l’église romane du XIIe siècle, dédiée à Saint-Girons, une très belle peinture attire notre attention.

   Vers 17h15, réunis et récupérés par Raoul, nous nous rendons à son domicile. Nous découvrons que c’est loin de l’image que l’on s’était faite. C’est en fait une maison de maître avec piscine, cohabitant avec l’étable où Raoul élève des vaches et des veaux sous la mère. Sans oublier une basse-cour très peuplée.

   Si mes amis partagent une chambre, ils ont refusé l’offre d’avoir chacun leur chambre, ce n’est pas mon cas. Raoul tient à me donner la chambre prévue à mon attention. Notre hôte tient d’ailleurs à faire cohabiter dans son établissement les clients venus en chambres d’hôtes et les pèlerins. Nous allons payer la demi-pension au prix de celle d’un gîte communal, soit trente euros.

   Le repas fut génial et copieux : que des produits de la ferme, une merveilleuse canette concoctée par notre hôte. Un vrai régal. Sans oublier que notre hôte nous offrit gratuitement le lavage du linge, l’apéritif, les bières, l’armagnac de fin de repas. Merci encore, Raoul, tu sais recevoir.

   Si l’étape ne fut pas longue (bien sûr, je n’ai comptabilisé que les kilomètres marchés), j’étais fatigué. C’est donc repu et réconforté que nous rejoignons nos chambres.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.

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R
Joseph Review on December 24, 2007 3:41 am
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B
bonsoir, pelerins egalement je souhaite savoir qui est ce Raoul? auriez vous ses coordonnes, j aimerai m y arreter lors de mon passage.<br /> merci beaucoup
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