Étape 42 : Fichous-Riumayou (Larreule - 64) à Argagnon (64) – 26 km (1093 km)
J’ai passé une très bonne nuit, et dormi comme un loir. C’est donc en forme que je rejoins mes deux compagnons pour prendre notre petit-déjeuner : pain grillé, beurre, confiture maison, café fort… Tout ce qu’il faut pour partir le ventre plein pour cette étape de vingt-six kilomètres.
Il est prévu que mon ami Jean-Claude nous récupère à Argagnon pour nous ramener pour une seconde nuit chez Raoul, et passer la soirée avec nous. La maison de notre hôte est idéalement située sur notre cheminement. D’autant que Raoul s’est proposé de nous déposer demain matin à Argagnon pour continuer vers Navarrenx. Cela peut paraître compliqué, mais quand une maison est bonne, il faut savoir en profiter (dans le bon sens du terme) surtout après les efforts fournis.
Ce matin, Raoul nous dépose à l’église Saint-Pierre qui faisait partie de l’ancienne abbaye de Larreule (de regula, la règle) fondée au Xe siècle. Celle-ci, ravagée par les guerres de Religion, fut l’une des plus importantes du Béarn avec celle de Sauvelade. Les bâtiments furent détruits à la Révolution. Elle devint une étape importante du chemin de Compostelle appelé alors Chemin dit de Bourgogne.
L´abbatiale romane édifiée aux XIe et XIIe siècles est devenue aujourd'hui l'église paroissiale dédiée à Saint-Orens. Certains bâtiments conventuels comme le grand couvent furent reconvertis en maisons privées. L’église dirigée sud-nord contrairement aux règles classiques a conservé deux de ses trois transepts romans ce qui la rend exceptionnelle dans sa composition.
C’est donc les yeux remplis de cette beauté que nous prenons la route. En chemin, nous rencontrons un lieu d’accueil près de la rivière l’Uzan pour nous restaurer. Nous passons ainsi d’ailleurs à Uzan, puis Géus-d’Arzacq et Pomps. Dans ce lieu, l’église Saint-Jacques du XIXe siècle nous attire. Contrairement à notre espoir lié à son patronyme, il n’y a pas grand-chose à voir.
Il faut revenir en arrière, car Bruno et moi avons fait ce détour alors qu’Alain, notre compagnon, suit sa route à sa vitesse. En fait, je suis étonné. Contrairement à hier et à mon passage à vide, cela va beaucoup mieux. Tant mieux, le moral est au beau fixe. Comme le temps d’ailleurs, superbe, ni trop chaud, ni trop froid.
Au petit village de Castillon d'Arthez, nous sommes attirés par une sorte d'accueil tenu par un homme âgé venu du nord de la France pour trouver le soleil du sud.
Selon lui, si celui-ci est bien présent physiquement, il ne le sent pas dans le cœur des habitants. Pour y échapper, il part souvent en Lituanie où les filles sont sympas, nous dit-il. Notre homme ne se sent pas très bien dans ses baskets.
Bruno, en bon pèlerin, remplit les bouteilles d’eau qui nous avons bues avant de les remettre dans un vieux réfrigérateur pour les prochains visiteurs. L’homme aurait bien continué à parler, il en avait une grande envie, mais notre cheminement nous appelle à son grand regret.
Nous visitons rapidement l’église. Selon une tradition locale, six chevaliers ayant péri pendant la guerre de Cent Ans seraient enterrés avec leur armure sous l'autel de l'église.
Bien après Castillon, en passant sur la route, nous visitons la chapelle de Caubin, vestige d’un hospital donné aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui en firent une commanderie prospère. En haut du clocher-mur, un toit à quatre pentes remplace depuis trois cents ans les arcades primitives.
Face à la chapelle, un oratoire construit en galets du gave reliés par du mortier. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le curé d’Arthez avait promis de le faire édifier pour remercier la Sainte Vierge si tous les prisonniers de guerre du village, au nombre de 37, revenaient sains et saufs de captivité. Ce qui fut fait et inauguré le 15 août 1951.
Nous arrivons à Arthez-de-Béarn, une petite ville sans vie sociale en ce jour de 14 juillet. Nous avons la chance de tomber sur le seul bar ouvert. Nous y retrouvons Pierre-Luc toujours aussi exubérant. Lui et les femmes qui l’accompagnent vont dormir au camping. Avant d’y aller, ils font provision de bières à l’épicerie avant qu’elle ne ferme à 14h00.
Nous y rencontrons aussi Dieter, un pèlerin suisse allemand, qui parcourt le Chemin avec son mulet et une carriole. Celle-ci transporte ses affaires et lui sert de lit pour dormir. Son animal bien dressé lui obéit au doigt et à l’œil. C’est impressionnant !
Le village abrite maintenant une Maison des Pèlerins de 24 places.
À la sortie du village, en direction d’Argagnon, on a le sens de l’humour avec cette pancarte affichée dans une rue : « Avenue un an de plus, tout est ridé ».
Après un détour dans Argagnon pour trouver un bar ouvert – on a soif – on tombe sur les gendarmes en train d’effectuer un contrôle de vitesse, verbalisant un motard. La vie continue pendant que l’on chemine. À l’église, nous tombons sur un couple de Français rencontré à la bastide de Pimbo. Ils me demandent des nouvelles de ma jambe. Tout va bien, merci.
Elle dégonfle gentiment, mais durablement. Vous voyez, même si l'on n’a pas de contact privilégié avec des personnes, celles-ci sont soucieuses de ce qui se passe autour. L’esprit du Chemin.
Nous attendons environ un quart d’heure sur un parking avant d’être récupérés par Jean-Claude venu de Pau. Comme nous sommes près de Lacq, et que ce site célèbre de gaz naturel va fermer progressivement, il nous propose de nous y emmener afin de découvrir son importance.
C’est maintenant le retour chez Raoul pour notre seconde soirée. Toujours la bonne cuisine concoctée par notre hôte, une canette. Notre hôte nous explique qu’il les tue dès qu’elle commence à voler. Sinon, dit-il, elle devienne dure. On ne va pas s’en plaindre. Il y a la présence également d’un couple qui a réservé le week-end au gite. Ce fut pour eux une découverte de ces marcheurs qu’ils voyaient passer de temps en temps, se demandant où ils allaient. Ce fut l’occasion d’un échange sur nos motivations.
J’ai gardé le meilleur pour la fin. Ce soir, nous avons aussi la présence amicale de Jean-Claude. Non seulement il s'est déplacé pour venir nous chercher, mais il partage nos agapes. Il n’est pas venu seul, mais avec deux bonnes bouteilles de sa cave. Nous y faisons honneur, comme il se doit.
Il est près de 23h00 lorsque nous rejoignons nos lits respectifs.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.