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Publié par Alain Lequien

   Dans ce gîte bondé, je n’ai quasiment pas dormi. Est-ce le fait de me trouver en hauteur ? Est-ce parce que l’échelle pour y accéder était cassée ? Est-ce qu’au cours de la nuit, j’ai eu l’appréhension de descendre sans me casser la figure ? Est-ce que j’avais des crampes ? Bref, de multiples raisons m’ont empêché de me reposer sereinement pour attaquer le Camino del Norte. 

   Je suis descendu vers 5h00 du matin, attendant que le gîte ouvre ses portes vers 6h00. J’en profite pour refaire mon sac dans la cuisine, charger mes appareils tout en faisant couler le café.

Alors que je déjeunais, l’hospitalière en arrivant m’a fait les gros yeux. Même si je comprends l’espagnol, j’ai fait semblant de ne pas comprendre. C’était mieux ainsi.

   À l’heure tapante, elle ouvrit la porte et me dit de suivre les flèches amarillo, pensez jaunes.

   La sortie d’Irún est facile. Rapidement, j’accède à des chemins bien fléchés. Il n’y a quasiment personne dans les rues. Je croise juste trois jeunes Français bien avinés. Je suis tranquillement des pistes bien damées qui, après une montée raide sur une petite route goudronnée, m’amènent à l’ermitage San Sébastian.

À cette heure-là, il est fermé. Il y aurait une figurine de pèlerin taillée dans un pommier ?

   Une nouvelle montée très raide par un chemin empierré me mène vers l'ermitage de Notre Dame de Guadalupe. En cours de route, je prends une photo du soleil levant. Situé sur le flanc du mont Jaizkibel, il fut construit au XVIe siècle, rebâti à plusieurs reprises. La vue est grandiose sur Irún et sa région. Hélas, l’église fermée. Je ne verrais donc pas la Vierge entourée d’ex-voto, de maquettes de bateaux et divers dons faits par les marins en remerciement de vœu exaucé par la Vierge.

   Je continue la piste forestière située sur la crête du mont Jaizkibel sur six kilomètres. Les dénivelés sont faibles, les fleurs très présentes. En cours de chemin, je croise quelques promeneurs (cela se voit à la présence ou non de petits sacs). Un jeune marcheur très grand me double. Le soir même, je ferais le lien avec lui. Il se nomme Patrick[1], et est Autrichien. Je m’arrête pour manger un morceau.

Deux Espagnols me doublent. Bref, pas grand monde… pour l’instant.

   Au bout de dix-sept kilomètres, j’arrive à Pasai Donibane, un petit port de pêche à la rue unique. Pour traverser la baie, la Pasaia, il faut emprunter une petite embarcation à l’embarcadère, et payer la modique somme de soixante-dix centimes. Jadis, à cet endroit, il n’était pas rare que les pèlerins soient dépouillés. Ceux qui étaient démunis étaient jetés à l’eau. Les temps ont bien changé, heureusement.

   En débarquant, je pensais que les montées étaient terminées. Que nenni ! Il faut de l’autre côté, en bout du quai, monter un petit escalier pour accéder à la forêt. Je n’ai pas compté les marches – plus de deux cents certainement – mais je suis arrivé essoufflé en haut, sous un beau soleil radieux. Des pèlerins, des marcheurs m’ont doublé.  Ce n’est pas bien grave. Après tout, chacun va à son pas, ce n’est pas une course.

  

Quelques instants après, je découvre une étrange habitation de type château fort semblant protéger le phare. L’arrivée dans la forêt est un vrai plaisir au milieu des fougères. Parfois sablonneuse, la piste est aussi empierrée. Il faut que je fasse attention de ne pas me tordre une cheville. Cela serait idiot pour la suite de mon Chemin. Je croise de nombreux touristes, la piste est fréquentée.

   Au loin, j’entends une cornemuse. Est-ce l’effet de la forêt et de nos ancêtres ? Non, je l’entends très distinctement maintenant. C’est un jeune homme en train de jouer de son instrument. Je m’arrête et l’écoute pendant quelques minutes. Comme il faut que je reparte, je veux mettre une pièce comme parfois il m’arrive de le faire. D’un geste, il me fait comprendre qu’il n’en veut pas. Dans un mauvais anglais, le mien n’est pas terrible, il m’explique qu'il vient ici pour pratiquer son art sans déranger ses voisins, pas pour jouer pour les touristes et passants.

   La vue sur la côte bordant l’Océan est belle. J’aimerais prendre plus de photos, mais mon appareil est limité à de simples vues. Il y a pourtant de quoi se régaler les yeux.

   Donostia/San Sebastián est bientôt en vue. Un homme offre aux pèlerins ou cheminants de quoi boire et se ressourcer. Il me servit un jus de fruits bien glacé, du miel et deux gâteaux. « C’est donativo », me dit-il. Pour le principe, je laisse deux euros pour ceux qui ne peuvent payer.

   Je suis les flèches jaunes qui me mènent … à une auberge de jeunesse. Une serveuse m’explique qu’elle ne peut recevoir, qu’ici il y a trois baies, et que celle où je dois me rendre pour me loger est la dernière. À vol d’oiseau, cela fait loin.

Après avoir descendu de nombreux escaliers, m’être fait accompagner un moment par un jeune homme du cru, je suis arrivé à l’office de tourisme qui me donne les adresses adéquates. Je vais parcourir encore deux kilomètres pour me rendre après la Bahia de la Concha dans une école transformée en accueil pèlerin.

   Les lits superposés sont entassés, cela ne sent pas très bon. On fera avec, c’est mieux qu’à Irún. La contribution ? C’est donativo pour le lit et la douche. Je vais manger près de là, dans un bar, pour huit euros.

   Il faut rentrer avant la fermeture. Vers 22h00, le silence règne dans les locaux.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.

 

[1] Je vais le rencontrer à de nombreuses reprises, et nous serons pris en photo ensemble à Santiago.

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