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Publié par Alain Lequien

 

  La nuit ne fut pas facile. Vers minuit, de nombreux jeunes et habitants du village sont venus discuter bruyamment sur le terrain avoisinant comme s’il n’y avait personne. Cela dura une bonne heure. Il fallut que l’un d’entre nous allume l’entrée pour que tout le monde se disperse.

Il n’y a aucune gestion de ce refuge.

   Il a fallu s’inscrire à l’hôtel situé à quelques pas pour payer sa participation (4 euros). Certains ne le firent pas et donc logèrent gratuitement. Question d’éthique !

   D’autre part, un cauchemar me réveilla vers quatre heures du matin, au grand dam de mon jeune voisin de lit espagnol qui s’inquiéta de ma santé. Je le rassurais et ne pus me rendormir. Je me suis levé vers 6h00 pour prendre un thé avant de partir avec Éric et un autre Français dont j’ai oublié le nom. Ah ! La mémoire…

   Plutôt que de suivre la route asphaltée, je préfère prendre un chemin pierreux alternatif qui m’éloigne de la circulation automobile. Le jour apparait lentement. À quelques centaines de mètres de moi, j’entraperçois les pèlerins qui ont choisi la route goudronnée.

Je traverse un village qui rend hommage à sa façon à saint Jacques. Puis, un sentier me mène le long du Rio Ucieza. Tout est calme hormis quelques bruits d’oiseaux s’échappant à mon arrivée, ou de quelques insectes tournoyant autour de moi.   

   Ne pouvant continuer le long de la rivière, et ayant peur de m’éloigner du Camino, je rejoins Villalcázar de Sirga par la route. Ce détour champêtre m’a permis d’approfondir les événements de la veille. De nombreuses questions sur mon passé se posent à moi. Cela va durer toute la journée, restant dans mon intime et celui de ma famille.

   Je prends mon breakfast du matin, tarte locale et café long américain, devant la belle église Santa Maria la Blanca. Elle fut construite selon un plan cistercien par les Templiers qui possédaient une commanderie. De style roman, elle fut achevée en gothique. Une légende conte qu'une pèlerine aveugle retrouva la vue en entrant dans l’église, et qu'une autre paralytique se mit à marcher. Ces miracles auraient été racontés par Alphonse X le Sage dans ses Cantiquas.

   Le chemin continue par la route bien balisée en direction de Carrión de los Condes.

   Ancienne capitale des Tierras de Campos, elle abrita au XVe siècle plus d’une dizaine d’hospices pour les pèlerins. Au milieu du carrefour, un saint Jacques nous salue. Je passe devant l’église Santiago célèbre pour son splendide Christ en Majesté sans m’arrêter vraiment puisqu’un long chemin reste à parcourir surtout si je m’arrête à l’ancien monastère situé en dehors de la ville.

Carrión de los Condes. Carrión de los Condes.

Carrión de los Condes.

Je me suis aperçu trop tard que j’aurais peut-être dû visiter l’église Santa Maria del Camino pour admirer le portail sud racontant le paiement du tribut des cent vierges qui devait être remises aux Maures. À revoir lors d’un prochain passage.

   L’édifice majeur de la cité est le Real Monasterio de San Zoilo rattaché à Cluny (Bourgogne) situé en dehors de la cité. J’espérais y aller, mais de nos jours, il abrite un hôtel. Pas pour moi.

   Il existe deux routes, la plus directe suivant la voie Aquitana, la seconde, alternative, passant par Calzada de Los Molinos. Je choisis la première traversant la Tierra de Campos.

Les dix-sept kilomètres font peur à de nombreux pèlerins. Pas de point d’eau, plusieurs heures de marche qu’il est préférable de faire lorsque le soleil est bas, le matin ou de nuit. Eh bien ! contre toute attente et un peu de folie, je vais le faire sous le cagnard en moins de quatre heures et deux litres d’eau.

   Mon étonnement est de voir circuler sur ce chemin de terre la Guardia Civil, comme pour s’assurer qu’il n’y a pas de pèlerin en perdition.  

Disons que le temps me soit apparu long, que de drôles de phénomènes se sont produits en cours de route : entente d’oiseaux alors qu’il n’y en avait pas, mirages plus ou moins prononcés en prenant des meules de paille pour des maisons, alternative de vents chauds et de vents frais… Éric, avec qui j’en ai parlé, a vécu des phénomènes similaires.

 

  L’arrivée au refuge de Calzadilla de la Cueza est assez étrange. Au début, on n'aperçoit aucune maison sinon une petite tour près d’un hangar. Il faut encore marcher plus d'une demi-heure pour apercevoir progressivement le premier toit de maison. Il faut être très près du village pour enfin découvrir son ampleur.

   L’albergue est accueillante (sept euros), la piscine compensant le manque de local de cuisine. La présence du wifi me permet d’envoyer trois jours de chroniques. Après une douche difficile – peu d’eau chaude – j’ai été m’allonger pour dormir une bonne heure. Je me suis mis au travail alors qu’arrivent Bjorn et Éric.

   Nous mangeons au resto du coin (dix euros tout compris), un moment de convivialité qui me permet d’avoir des nouvelles d’autres pèlerins qui me tiennent à cœur. Johan, pas mon petit-fils, mais le jeune Flamand, éprouve des problèmes digestifs. Il est resté à Carrión. Mais aussi Simon le Québécois, aperçu lui aussi à Carrión alors que je le croyais nettement plus en avant. Il fit la traversée de la Terra de Campos au cours de la nuit...

   Alors que je suis allongé sur mon lit à relire mes notes, Bjorn devenu mon voisin de lit est venu me soigner mes blessures de guerre sans d’ailleurs me demander mon avis. Le remerciant, il fit juste un petit geste que tout allait bien. J’avoue que ce type de geste gratuit fait dans la simplicité est dans l’esprit du Chemin.

   Vers minuit, oui j’ai travaillé tard, les ronflements prouvent à l’évidence que tout le monde dort du sommeil du juste et du devoir accompli. On entend juste des chiens aboyer dans le village. Par contre, pas question de sortir dans le patio, les chiens ont été lâchés par sécurité.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.

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