Étape 50 : Deba (PBasq.) au monastère de Zenarruza (PBasq.) – 30 km (1296 km)
La nuit a été orageuse, une forte pluie est tombée. Tout cela nous promet un passage difficile et glissant dans des chemins boueux ou pierreux. Je ne vais pas être déçu. Ce fut une étape difficile. L’office de tourisme nous avait prévenus : il y a de nombreuses erreurs de fléchage, au mieux, un manque de ces fameuses flèches jaunes. Pour compenser cela, ils nous ont remis une feuille comportant les endroits où il faut porter attention.
Ma stratégie est de considérer que l’on est plus intelligent à plusieurs que tout seul.
Aussi, je me suis attaché à suivre à plus ou moins de distance des groupes ayant le compas dans l’œil. J’ai pu ainsi éviter ces erreurs.
Je pars avec Patrick. La sortie de Deba ne pose aucune difficulté. Ça grimpe durement. Peu à peu, mon compagnon de route disparait à mes yeux. Les sentiers herbeux sont glissants, suivis de sentiers boueux. À la première difficulté sur le choix à prendre, un petit groupe est arrêté. De concert, le groupe décide de tourner à droite. Aucune marque en vue. En les suivant, je ne prends pas de risques. Un kilomètre plus loin, enfin une flèche jaune : j’ai fait le bon choix.
Dans une montée raide et caillouteuse, j’entends arriver par un autre chemin trois pèlerines ayant l’air de souffrir. Arrivé à l’ermitage Santo Cristo del Calvario (fermé bien sûr), j’apprends qu’elles se sont trompées de direction, et qu’elles furent remises sur la bonne route par un paysan local. Ouf ! De l’ermitage, on a une vue superbe sur le port situé en contrebas. Chaque année, en septembre, les pécheurs viennent y faire leurs dévotions annuelles.
Un peu plus loin, de superbes animaux prennent la pause. Alors, on joue les stars !
Après ces difficultés, le fléchage est excellent. Montées, descentes, routes, pistes cimentées, chemins herbeux et boueux, tout s’enchaine pendant plusieurs kilomètres. Même si le temps est couvert, j’apprécie cette vallée. À Olatz (j’ai fait huit kilomètres), je prends mon petit café allongé matinal avec ma tarte aux pommes de terre, la tortilla de patata.
Toujours sans soleil. Il faut traverser une grande forêt où au loin, apparaît le brouillard. Au détour d’un chemin, une stèle rappelle qu’ici, il y avait jadis un accueil pèlerin. Quelquefois apparaissent d’anciennes maisons plus ou moins habitées (les fleurs ont l’air entretenues).
Voilà la descente très pentue sur un chemin bétonné vers Markina-Xemein où je suis rejoint par Patrick. Moi qui pensais qu’il était devant ? Nous échangeons quelques mots. Ce jeune homme de près de deux mètres est timide et pas très causant. Nous échangeons en anglais, mais j’ai beaucoup de mal à comprendre le sien. Question d’oreille sans doute. Ensemble, nous arrivons dans ce village où il a l’intention de s’arrêter.
Visite de l’église hexagonale de San Miguel de Arretxinaga établie au XVIIIe siècle. Elle fut bâtie sur l’emplacement d’un ancien ermitage érigé autour de trois énormes roches en équilibre. Formant un dolmen naturel, ce lieu fut certainement sacré à l’époque préchrétienne. Au milieu, une statue, j’ai cru deviner saint Jacques, a christianisé le lieu. Plusieurs Espagnols faisant trois fois le tour dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, votre serviteur le fait par mimétisme. Cela porte chance, paraît-il ! Bien sûr, les jeunes Français présents m’en demandent la raison. Comme je n'ai aucune explication précise, ils me charrient un peu. C’est de bonne guerre ! Par contre, une légende populaire veut que les jeunes gens voulant se marier avant la fin de l'année doivent passer trois fois sous les rochers.
Pourquoi se moque-t-il de moi d’ailleurs ? Annuellement, le 29 septembre, une cérémonie antique s’y déroule au cours de laquelle est dansée l’aurresku. C’est l’une des plus belles danses du peuple basque, conservée jusqu’à nos jours, transmise de génération en génération. C’est une danse d’honneur en faveur d’une personnalité ou d’un événement.
Avant de nous quitter, nous prenons un café. Puis, je reprends la route vers le monastère où j’ai l’intention de coucher ce soir. Sur la route nationale, un bel ermitage se détache, fort bien conservé. Je déjeune sur un banc près d’une zone industrielle. Un homme vient me rejoindre, sortant de l’un des bâtiments, pour venir fumer une cigarette. Malgré la différence de langue, nous arrivons à communiquer. Il me dit que le monastère n’est qu’à quatre kilomètres. C’est ce que j’avais compris, mais en fait, cela fut plus loin.
Continuant mon chemin, j’ai emprunté le sentier boueux longeant la rivière. S’il faisait beau, cela serait certainement agréable, mais maintenant, je rame. J’arrive à Ziortza-Bolibar où est censé se trouver le monastère. Nouvelle déception ! Une vieille dame m’explique qu’il se trouve à deux kilomètres de là, dans la montagne. Mettez-vous à ma place ! Je n'ai pas d'autre choix que de continuer. J’y accède par un petit chemin boueux, pierreux, pentu. Il est vrai que je suis conscient que tout doit se gagner, mais là, mes amis, j’en ai marre.
Après un dernier coup de boutoir, j’atteins enfin le monastère portant aussi le nom de Ziortza, au pied du mont Oiz (1 026 mètres). La souffrance valait le coup. C’est fantastique, magnifique, même si la pluie s’est mise à tomber. Je devrais me contenter du linge mouillé demain, mais ce n'est pas bien grave, cela remue le sang.
Je suis accompagné au lieu d’hébergement par le moine hospitalier peu très bavard, et même austère. Harry, un Québécois et son épouse sont déjà là. Peu à peu, le gîte se remplit. Nous sommes maintenant neuf dans la pièce un peu exiguë. Il faut ajouter un matelas par terre pour le dernier arrivé. Si les conditions de vie ne sont pas idéales, l’ambiance festive dans le partage réchauffe l’atmosphère.
Monastère de Zenarruza (Pys Basque).
Nous assistons à l’office du soir à la Collégiale de Santa María de Zenarruza, classée aux monuments historiques. Peu après, notre hospitalier nous amène de la verdure et deux pizzas. À la boutique du monastère, plusieurs pèlerins ont acheté une bouteille de vin.
Ce lieu de résidence est magique. Par exemple, cet aigle qui s’abat et saisit un crâne de l’ossuaire représenté sur la façade. La légende veut que cet événement se soit déroulé le 15 août 965 dans l’ermitage Santa Lucia de Garai. L’aigle laissa tomber le crâne où se situe la collégiale actuelle.
Que dire du cloitre, de la grande fresque ? Si l’étape fut difficile à cause des conditions climatiques, je suis récompensé du déplacement.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.