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Publié par Alain Lequien

   À 7h00, je me réveille. Inutile de me presser, on ne sert le petit-déjeuner qu’à partir de 8h00. Un horaire un peu tardif pour le pèlerin amené à parcourir un long chemin. Bien sûr, il faut se conformer aux règles de l’établissement qui reçoit aussi des groupes et touristes, pas au même tarif d’après ce que j’ai pu voir.

   J’ai quelques regrets de quitter Bilbao sans avoir vu cette inscription sur le porche principal de la basilique Virgin de Begoña (celle où je fus quasiment mis à la porte, car il était midi et qu’elle fermait) cette inscription : « Dans cette sainte basilique, il est possible de gagner quotidiennement des indulgences plénières aux conditions habituelles ».

Elle fut construite à l'endroit où est apparue la Vierge au début du XVIe siècle. Lorsque les marins remontent la ria de Bilbao pour la première fois, il salue la basilique par une salve, une prière à la Vierge.

   Si j’avais été courageux, non rebuté par la pluie, j’aurais pu aussi visiter la cathédrale Nuestro Señor Santiago (Saint-Jacques, le patron de la cité). Autrefois, il y avait un ermitage permettant de recevoir les pèlerins de Saint-Jacques. Il forme aujourd’hui la crypte. Ah ! Parfois, je suis saisi d’une certaine fainéantise…

   Le temps est humide lorsque je reprends la route pour cette nouvelle étape. En passant devant l’hôpital de Basurto, je peux admirer ses toits vernissés qui ressemblent à ceux de nos beaux établissements bourguignons.

   Comme je suis fan du beau football (eh oui, chacun ses passions), le vrai, pas celui des petits gamins de l’équipe de France (ils sont désolants, jouant les stars au lieu d’aimer le drapeau de leur pays), je ne peux rester insensible au stade San Mamés de l'Athletic Bilbao en pleine rénovation. Il y a de l’animation, il doit bientôt ouvrir.

   Avant la traversée du grand pont sur la Ria de Bilbao qui va me mener par la rive gauche à Portugalete, je peux admirer la statue du Christ placée sur une stèle immense de 40 mètres de hauteur dont la base est une sorte d’obélisque. Elle est située au centre de la Plaza del Sagrado Corazón de Jesús (Place du Sacré-Cœur de Jésus). De loin, on peut voir sur un immeuble, un lion ou une panthère rugissant, prêt à bondir pour dominer son monde. 

   La route passe par des friches industrielles, des bâtiments abandonnés, ce qui va être mon lot pendant plusieurs kilomètres. La perte du fléchage traditionnel jaune[1] m'engage à suivre la rive du fleuve au plus près, car telle est ma direction. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que les baliseurs ne les ont pas tracés.

   À un carrefour, une triple statue trône au milieu pour honorer l’industrialisation. C’est en prenant cette photo que je vais perdre ma casquette fétiche noire marquée du blason Saint-Jacques de Compostelle. J’espère que celui qui la trouvera en fera bon usage.

   Les kilomètres défilent. Devant moi apparaît Marco revu hier qui marche à la même vitesse. Ça va, je dois être sur le bon chemin. À un moment donné, il disparait de ma vue. Un peu plus loin, en sortant d’un supermarché, je retombe sur lui. Nous faisons quelques centaines de mètres ensemble, mais il est plus rapide que moi. Désormais, de l’autre côté de la ria, j’aperçois de nombreux immeubles colorés. C’est Portugalete.

   À Getxo, pour accéder à Portugalete, il faut prendre le pont transbordeur de Biscaye sur le Nervión, à l'entrée du port de Bilbao. Mesurant 160 mètres de longueur, c’est le plus vieux transbordeur du monde puisque sa première utilisation date de 1893. Il fut modernisé au milieu du siècle dernier. Le tarif : moins d’un euro que votre serviteur va naturellement investir. C’est l’occasion de prendre des photos au milieu du fleuve de la vue du pont coté Portugalete.

 

[1] En fait, j’ai su plus tard que ce n’était pas le tracé officiel du Camino del Norte.

Portugalete.Portugalete.
Portugalete.

Portugalete.

 

  Je retrouve mon fléchage fétiche sans lequel je suis un peu perdu. Il faut peu de choses parfois pour vous rassurer ou vous inquiéter. Elles mènent dans la ville par une étonnante succession d’escaliers mécaniques qui nous évitent de grimper. Bien entendu, fainéant comme je suis, je vais les utiliser pour me reposer un peu. Cela fait tout drôle de voir un marcheur ainsi bénéficier de la technologie. Il est temps maintenant de manger, ce que je fais dans un parc à la sortie de la cité.

   Il fait très chaud, j’ai déjà parcouru seize kilomètres. C’est avec surprise que je découvre un beau chemin à l’usage des marcheurs et des cyclistes, la bidegorri La Arena Barakaldo, le chemin rouge qui va me mener tranquillement vers la fin de mon étape.  Elle surplombe de nombreuses routes et surtout, évite des montées et descentes vers cette partie particulièrement vallonnée de la cité.

   À un croisement, j’hésite entre deux routes, la première vantant une albergue possédant tous les services, la seconde menant vers le bord de mer. Suivant l'avis de deux personnes du cru qui m’ont renseigné, je choisis la seconde solution.

   Lorsque je m’arrête pour une station technique (une vidange nécessaire), je suis doublé par Patrick rencontré à San Sebastián et plus tard, accompagné d’un Allemand. Quelques kilomètres plus loin, je les reverrais, Patrick souffrant d’une inflammation sous les pieds. Je double également une autre connaissance, Margareth, une Américaine effectuant son sixième ou septième Camino. Il y a des drogués mes amis[2]

  

À Zierbena, c’est la fin de la piste et le passage sur des chemins sablonneux. Mon projet pour ce soir est de m’arrêter à l’accueil pèlerin situé à Pobeña, un lieu de la commune de Muskiz. Comme le temps est devenu venteux et frais, la traversée des dunes s’effectue au milieu de bancs vides. Le plus impressionnant, c’est cette grande plage désertée et ce pauvre sauveteur obligé de rester sur son banc, au cas où quelqu’un aurait besoin de lui. Passage sur le pont et l’entrée dans le village-étape.

   À l'albergue, on m’affecte un lit noyé au milieu des autres. C’est donativo (vous savez maintenant ce que cela veut dire). J’y retrouve progressivement des têtes rencontrées depuis mon arrivée en terre espagnole. Préférant conserver des ressources alimentaires pour le lendemain, je prends un menu peregrino au café du coin possédant le wifi. C’est bon, pas cher (huit euros) même si le cafetier est à la limite de l’amabilité. Encore un qui devrait changer de métier. C’est alors que se déclenche un gros orage comme cela arrive près de la mer. Demain, le terrain sera glissant.

   C’est donc sous la pluie que je regagne le refuge. C’est bruyant, mais vers 23h00, l’hospitalier y met de l’ordre.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.

[2] Je souris, car moi aussi, depuis,  j’ai attrapé la Compostelite.
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