Étape 54 : Pobeña (Muskis - PBasq.) à Islares (Cant. ) – 28 km (1404 km)
Dès 5h30, il y eut du bruit dans le refuge, les uns laissant sonner leur téléphone, les autres remuant leurs sacs dans la chambrée. La règle de bienséance voudrait que celui qui part sorte son sac à dos dans l’entrée ou la cuisine pour le préparer, ceci sans déranger ceux qui dorment ou veulent se lever plus tard. Mais, comme dans tout groupe, il y a ceux qui respectent les autres et ceux qui se croient tout permis. Ces derniers restent très profanes dans leurs attitudes même si l'on se trouve sur le Camino.
Je me lève donc et emporte mes affaires dans la cuisine. Une dizaine de personnes sont déjà levées, certaines prennent leur petit-déjeuner. Après m’être douché et avoir rempli ma poche d’eau (deux litres), je termine mon sac et mange une pêche. Cela suffira jusqu’au prochain café. Je prends le chemin sans savoir encore où je m’arrêterai. Pas dans une grande cité balnéaire en tout cas, j’ai envie de silence et de calme.
Cela débute par une belle montée d’escaliers m’amenant sur une voie piétonnière surplombant la plage déserte. Un peu dur comme départ, j’ai déjà le souffle coupé. Il fait encore sombre et le ciel est chargé de nuages noirs. Au loin, quelques bateaux, dont l’un semble être au mouillage. Il y a de nombreuses lumières qui l’éclairent. Un bateau industriel ?
Je quitte maintenant le Pays Basque (PBasq.) pour entrer en Cantabrie (Cant.).
Sur cette voie piétonnière, nous ne sommes finalement que trois à avoir pris le départ, un jeune couple polonais et votre serviteur. Par contre, nous rencontrons trois pêcheurs avec lesquels nous échangeons quelques mots en anglais. Puis, chacun suit sa route après le traditionnel Buen Camino.
Cette voie suit le bord de mer. Dans l’aube naissante et le silence juste troublé par mes pas et mon bâton, cette côte m’apparaît d’une grande beauté. La nature y est sauvage dans toute son authenticité. Au bout de quelques kilomètres, après avoir croisé un autochtone âgé marchant rapidement, je traverse un petit tunnel percé sous la montagne dont il reste les matériaux de soutènement. Au premier abord, c’est moyennement rassurant. Cela veut sans doute dire que le tunnel a besoin d’être consolidé sur une centaine de mètres.
Le soleil tente de faire son apparition, mais les nuages noirs l’en empêchent. Ah ! Cette nature fait bien ce qu’elle veut ! Il fait frais. Peu à peu, je quitte la voie de la côte pour m’enfoncer dans les terres, en suivant d’abord le Rio Sabiote par Onton. Je gravis de grandes montées alternant des routes et chemins, traversant des forêts d’eucalyptus dont l’odeur spécifique est très reconnaissable. Dans cette région, ils ont remplacé les arbres traditionnels.
Poussant rapidement, ils sont très rentables pour répondre à la demande pour la fabrication de papier ou de tissu. Du haut d’une belle pente bien raide, je peux apercevoir un village traditionnel blotti dans une vallée.
La route cyclable que j’ai maintenant empruntée surplombe Otañes. Je continue un peu, et m’arrête à Santullán pour prendre mon petit-déjeuner. Pour moins de trois euros, c’est un véritable délice.
Pour aller à Castro-Urdiales situé à quelques kilomètres, il faut traverser des cités pavillonnaires et suivre des avenues qui m’amènent au paseo maritime. Les derniers kilomètres me ramènent au bord de la mer Cantabrique. Déjà vingt kilomètres parcourus, sans que je sois fourbu. À l’office de tourisme, on me fournit un plan et la liste des albergues de la région. Un document précieux. Quand j’en sors, je rencontre Patrick. Nous échangeons quelques mots. C'est toujours un peu difficile d'échanger même si, à l’évidence, nous nous apprécions mutuellement.
Je me rends à la magnifique église Santa María de la Asunción qui a la taille d’une véritable cathédrale. Même si elle est fermée à cette heure-là, on peut voir à quel point cette église gothique construite au début du XIIIe siècle en impose. Localement, on dit qu’elle a le mal de la pierre c’est-à-dire que la pierre petit à petit se transforme en sable.
Je rencontre un jeune couple de Français à vélo perdu qui me demande des conseils. J’essaie d’y apporter naturellement quelques réponses, mais c’est forcément limité.
Un peu plus bas, j’assiste à la sortie d’un mariage dans la chapelle du château de Santa Ana qui surplombe le port. La sortie des mariés s’effectue au milieu d’une assistance, rames levées. Un mariage de marins sans doute. C’est avec plaisir que j’entends des chants traditionnels accompagnés de trompettes. C’est poignant.
Il est temps de quitter la ville balnéaire bruyante et ses nombreux touristes pour retrouver le calme de contrées plus rurales.
C’est ainsi que je marche vers les hauteurs en suivant la direction du camping. Il y a bien une albergue, mais je trouve la distance parcourue est un peu courte. Je continue donc vers une destination plus conforme à ce que je me sens capable de réaliser aujourd’hui.
À Allendelagua, je photographie une église traditionnelle. De nouveaux marquages du chemin apparaissent, plus artisanaux et beaux.
À Cérdigo, je ne m’arrête pas non plus à l’albergue.
Dans la petite cité bien proprette, le Camino est indiqué par un marquage spécifique. On retrouve à la sortie la flèche amarillo marquée à la peinture sur un muret.
Le passage le long de la côte, où cohabitent moutons en liberté et rochers, est d’une beauté sauvage. Ni plage ni dune, simplement des rochers.
Arrivée à Islares, petite station en bord de mer qui, si elle ne possède pas d’une grande plage, peut s’enorgueillir de jouir d’une petite crique agréable. Jadis, les pèlerins devaient payer un tribut pour franchir la Ria de Oriñón sur une barque (avec le risque d’être jetés à l’eau) à moins de faire un détour de douze kilomètres.
À l’accueil pèlerin, l’hospitalier est du genre cool. Il ne se dérange vraiment que s'il ne peut pas faire autrement pour encaisser les cinq euros de la prestation. J’y retrouve plusieurs compagnes et compagnons de voyage : Mélanie la Provençale, Margareth la professeure américaine, Patrick l’Autrichien, Miguel l’Espagnol, Marco l’Italien… Bref, je suis en pays connu. Nous parlons de l’accident de Saint-Jacques, même si les nouvelles sont moins catastrophiques que ce qui m’avait été dit. Cela ne m’empêche pas d’y penser tous les jours.
À Islares, il y a un énorme camping où s’entassent tentes et caravanes. Impressionnant ! Une cafétéria propose un diner peregrino. J’y mange, en compagnie de Marco et de Pascale la Lilloise, un grand poisson pané alors que j’attendais de la sole. C’est la vie, j’ai trop rêvé !
Vers 22h00, c’est l’extinction des feux. Rapidement, tout le monde dort. Ici, on doit respecter les horaires.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.