Étape 57 : Güemes (Cant.) à Santa Cruz de Bezana (Cant.) – 22 km (1479 km)
Normalement, cette nouvelle journée est une petite étape, car on rejoint Santander par bateau au lieu de faire un grand détour qui n’aurait qu’un intérêt relatif : bretelles d’autoroute, zones industrielles, bref … la société moderne dans tous ses dépassements. C’est naturellement l’avis d’un pèlerin moderne, devenu un peu écologiste envers notre Terre dont selon un chef indien[1], « nous ne sommes que des locataires bien furtifs ».
Il est presque 7h00 lorsque je participe au petit-déjeuner collectif de Güemes où agit Padre Ernesto. Une étape qui restera un moment fort de mes pérégrinations. Ce matin, Jean-Philippe va nous quitter, appelé par une obligation familiale. Il a perdu sa grand-mère. Je le regrette, car c’est un garçon que j’ai peu connu, mais dont j’ai ressenti toute la richesse. Il n’en est parfois ainsi de personne que l’on croise et qui vous marque. Peut-être qu’un jour…
Je prends la route seul. À Galizano, je suis rejoint par deux Français dont l’un est étudiant dans une grande école, peut-être l’ENA, le second travaille dans un ministère. J’avais croisé ce dernier à Irún, le premier soir, puis à Deba. Leur conversation pouvait être intéressante dans un autre contexte – l’Europe, les ministères, les normes – mais pas dans notre cheminement. Ils ont du mal à décrocher du boulot ces jeunes. Pour tout dire : je me suis ennuyé. Il faut être tolérant.
Préférant rester muet, je les accompagne jusqu’à Somo, puis au port d’embarquement de la navette fluviale qui nous amène au centre de Santander. C'est une traversée sympathique au demeurant. Nous croisons un couple de touristes français interrogatifs.
Prétextant un passage à l’office de tourisme, je me détache gentiment de mes compagnons de voyage qui vont faire leurs courses. Je traîne un peu en ville avant d’aller à la cathédrale Santa Maria de La Asuncion.
Je suis surpris par son charme. J’ai cherché sans le trouver le fameux bassin musulman à ablutions portant cette inscription en arabe : « Je suis dans ma pureté plus splendide que le cristal de roche. – Mon corps est fait de blanc argent… » Étonnant dans un établissement catholique.
Par contre, la grande fresque moderne a tant forcé mon émotion que je l’ai trouvé adapté à mon cheminement, à la fois ombre et lumière dans la pénombre du septentrion. Au midi, lui fait face une autre fresque pleine de couleurs chatoyantes portant message de nombreux personnages. Hélas pour moi, les photos prises sont floues. Elles ne peuvent vous être présentées mes seigneurs. Quant au cloitre, il est de toute beauté. Une visite qui m’a enchanté, mais que les guides ne commentent pas assez, à mon avis.
Je reprends le chemin bien identifié par un marquage de qualité. En fait, je ne sais pas encore où je vais arrêter mon étape. Comme d’habitude, allez-vous dire ! Après quelques courses dans un supermercato, je mange dans un parc, car il fait chaud. Je me fais enguirlander – le mot est loin d’être fort – par une dame parce que son chien est venu quémander quelques restes. Gentil comme je le suis (vous me connaissez), je lui avais donné un petit morceau de chorizo. Heureusement… que je n’ai pas tout compris… Au large, mes deux compagnons du matin me font un bonjour en passant. Il est donc urgent que je traîne un peu… (Ce n’est pas sympa cela, Alain !)
Repu, je suis la route nationale puis la ligne de chemin de fer. Après mon passage à Peñacastillo, c’est l’arrivée à Santa Cruz de Bezana. En route, Mélanie rencontrée à plusieurs reprises me rejoint. Nous décidons d’aller à une nouvelle albergue ouverte depuis cette année, dont plusieurs hospitaliers nous ont parlé positivement. J'ai pu constater que c’est le cas. Il est tenu par un couple franco-espagnol. Leur réputation est telle que rapidement il se remplit avec des pèlerins connus : Patrick, Marco, Margareth, le couple de yoguistes allemands…
Meson Santa Cruz, à Santa Cruz de Bezana.
L’ambiance est vite chaleureuse, la cuisine est bonne, le local agréable, loin des alignements de lits des albergues municipales. Et comme dans toute bonne maison, cela se termine dans le jardin autour de chansons et de guitares. Un moment de bonheur après le dur soleil de la journée.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.
[1] Voir l’étape n° 36, à Lectoure.