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Publié par Alain Lequien

   Bien reposé, je suis réveillé comme d’habitude par le bruissement des sacs de pèlerins partant  de bonne heure. Point n’est besoin de mettre le réveil quand on chemine, les autres sont toujours là pour vous sortir des bras de Morphée. C’est ainsi, il faut s’y faire.

   Il est à peine 6h00, je me lève pour prendre ma douche et me laver les dents avant de manger mon petit-déjeuner sorti du sac. Il y a déjà plus de la moitié des pèlerins de la chambrée prêts à partir.

   Je prends la route seul. Il fait frais et un léger vent me glace les os m’obligeant à remettre mon k-way. Passant le porche du monastère, je suis rejoint par le chien de la veille qui m’attendait. Moi, ou quelqu’un d’autre bien sûr. Pourquoi est-il encore là alors que d’autres pèlerins sont déjà partis ? Mystère ! Toujours est-il que ce petit chien me suit pendant plusieurs kilomètres. Intérieurement, je suis un peu gêné, car je ne veux pas qu’il me suive le long de ma pérégrination. Qu’aurais-je fait pour le nourrir ? Comment aurais-je pu aller dans un gîte ou un accueil ? 

   Alors que je monte vers l’Alto de la Campa, une ascension assez raide, il me quitte d’un seul coup en aboyant. J’ai cru qu’il a trouvé un endroit où il a ses habitudes. Mais point. Il a dû courir après un lapin ou un autre gibier. Deux minutes plus tard, il me rejoint et nous cheminons de concert. Il va et vient, passant parfois devant moi en reniflant la terre, s’arrêtant pour m’attendre.

   Dans un champ, j’aperçois la tente d’Anders. Il ne doit pas avoir chaud, mais il est jeune[1].

   Continuant ma marche, en traversant un hameau, je suis rejoint par Mélanie. Nous marchons un peu ensemble. Comme elle souhaite faire une longue étape, elle se détache. Je ne la reverrais plus de la journée.   

   Arrivé sur les hauteurs, je fais une halte qui me donne l’occasion d’admirer le monastère dans son écrin de verdure. On comprend pourquoi les moines ont choisi ce havre de paix et de quiétude pour se recueillir, méditer et prier.  

   Arrivé au col (alto) de la Campa, mon compagnon de voyage canin disparait d’un seul coup. Est-ce la présence d’une route à grande circulation ? À plusieurs reprises, je me suis retourné pour voir s’il me suivait : eh bien non ! Il m’a quitté, j’en suis presque triste.

   Pendant cette journée, il va rester présent dans mon esprit[2], à tel point qu’il va venir consolider mon projet de réalisation d’un livre illustré sur le Camino dont il sera le fil rouge.

   Je traverse le village de Figares, passe non loin de l’ermitage Santiago de Sariego avant d’arriver à La Vega de Sariego où se trouve un refuge. Détruit lors du conflit, il fut reconstruit après la guerre civile de 1936. Il a conservé des petites fenêtres de style mozarabe, en souvenir de l'ancien édifice.

   Je n’ai parcouru que sept à huit kilomètres et pourtant je me sens déjà vidé. Je vais donc faire une courte étape. Cela fait plus de deux mois que je suis parti, j’ai un peu le blues et pas l’envie de voir du monde. Je suis doublé par de nombreux pèlerins, chacun son rythme. 

   En chemin, on aperçoit des objets insolites comme ces deux personnages en qui nous saluent. Je pense que s’ils pouvaient parler, ils en raconteraient des choses sur les pèlerins, sur les gens du village… Voilà typiquement comment ils vont se retrouver sur mon livre pour enfants.   

   À Narzana, la belle église romane Santa Maria datant du XIIe siècle est perchée sur une petite colline. Un peu plus loin, alors que je déjeune au bord d’une rivière, pain et chorizo, je suis abordé par deux joggers qui s’arrêtent pour parler un peu. Heureusement pour moi, la femme parle un peu le français. Nous échangeons sur le cheminement. Cela semble un peu irriter son compagnon qui veut reprendre leur course. Au bout de quelques minutes, ils partent en me lançant le traditionnel Buen Camino.

   Avant Pola, je m’arrête de nouveau au bord de la rivière après avoir passé un pont très ancien recouvert de lierre. Je m’arrête, j’ai envie de travailler. Cela va durer une heure jusqu’à l’arrivée de deux jeunes Espagnols en moto qui s’installent à dix mètres de mon banc. Ils sont bruyants, parlant fort en buvant une bière. Bref, par manque de tranquillité, je repars sans leur en vouloir. Quelques minutes plus tard, il se met à pleuvoir. Je souris en pensant que cela va peut-être les calmer. Ce n’est pas bien, Alain, de penser cela…

   Arrivant en ville, je décide de m’arrêter. Ce n’est pas ce soir que j’irais à Oviedo. Je découvre l’albergue Casona de San Miguel, un établissement ouvert depuis 2010, géré par l’association des Amis de Santiago. Je suis parmi les premiers arrivé, seul un cycliste anglais est présent. Les hospitaliers sont sympathiques. Ils m’autorisent à faire sécher mon linge dans la chaufferie. En effet, à l’arrivée d’une étape, après la douche il faut laver son linge de corps de la journée pour y retirer la sueur. Il y en avait peu ce jour.

   Je fais connaissance de Mathieu, un Français parti de Saint-Jean-de-Luz. En ville, comme il fait frais, je fais l’acquisition d’une chemise épaisse pour remplacer mon pull de montagne « emprunté » quelques jours auparavant alors qu’il séchait sur un fil. Je fais aussi quelques achats pour diner sur place dans l’albergue. Ce soir-là, rapidement, je rejoins mon sac de couchage.

   Journée moyenne.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.

 

[1] J’apprendrai plus tard par Mélanie qu’Anders doit participer à un jeu de téléréalité basque. Faire le chemin de Compostelle était le secret qu’il devait cacher.

[2] Ce chien est devenu le héros de mon ouvrage à destination des préados, Le Chien de Saint-Jacques.

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