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Publié par Alain Lequien

   Alors qu’hier j’ai bien dormi à l’auberge de jeunesse, ce fut différent dans ce gite communal. Il fait froid malgré mon sac de couchage. Il est vrai que nous sommes en moyenne montagne, et que peut-être je récupère moins de la fatigue accumulée.

   Vers 5h30, les deux Italiens qui cohabitaient dans la chambre ont commencé à se lever, à faire du bruit en remuant leurs sacs plastiques entourant leurs affaires et à balayer leurs lumières frontales dans toute la pièce. Il faut croire que j’étais à cran puisque j’ai lancé un : « Merde, moins de bruit s'il vous plait » sonore. Oui, cela m’arrive de me lâcher sans prendre de gants. 

  Cela n’a pas eu l’air de les gêner plus que cela. Manque de compréhension peut-être ? À moins que cela soit un manque de tolérance de ma part. Tolérance n’est pas faiblesse, il ne faut pas tout accepter. Le manège dura une bonne demi-heure. Après leur départ, il fut impossible de me rendormir, car celui qui dormait au-dessus de ma couche s’est mis à ronfler.

   Je me suis levé pour prendre une douche. Cela m’a calmé d’autant que contrairement à hier soir où l’eau était limite tiède, ce matin elle est chaude. Il est vrai que je suis parmi les premiers… Lavé et dispo, je me fais un thé vert bien chaud. Un couple de pèlerins espagnols me propose des petits pains au lait sortis d’un paquet. Je les accepte avec plaisir.

   J’entreprends la route seul par un temps très frais et pluvieux. La Galice est à l’image de cette Bretagne que j’aime bien. Après être passé devant l’église, j’entame mon cheminement par un chemin herbeux suivi d’une piste forestière. Je retrouve un pèlerin allemand rencontré la veille, un grand type à l’air peu commode refermé sur lui-même. Je vais le croiser au long de la journée, au gré de notre avancement individuel. Au bout d’une heure, le soleil tente de faire une apparition timide au milieu des nuages noirs.

   Mon parcours se fait principalement sur des chemins au terrain souple. Montées raides, descentes du même acabit : on est en moyenne montagne. J’ai vu sur le profil de l’étape que cela serait une constante de la journée. J’arrive à la hauteur d’un marcheur français, Guy, un Montpelliérain dont je fais la connaissance en échangeant quelques mots. C’est un bon marcheur. Lorsque je veux le doubler, il accélère. Devinez ? J’augmente la cadence. Tiens, Alain, tu n’as pas perdu certaines habitudes… À un moment donné, je le double. Il me dit ne pas pouvoir me suivre, il a une contracture.

   Après Vilardongo, je me dirige vers l’ancien hospital de Montouto situé à l’Alto éponyme, à plus de mille mètres d’altitude. J’y découvre une ermita superbe et les ruines de l’ancien hôpital El Real fondé pour accueillir les pèlerins sur ce chemin difficile en 1357 par le roi Pedro 1er le Cruel. Le lieu est magique malgré le brouillard. Je n’ai pas pu voir le dolmen qui serait sur le site. Dommage, j’aime la présence de ces marques du passé des peuples de la pierre. Le soleil a toujours du mal à sortir. 

   Je descends une large piste forestière entourée de landes puis d’une forêt de conifères. Quatre cents mètres de dénivelé répartis sur trois kilomètres seulement, j’atteins Paradavella (traduction : ancien arrêt). A l’entrée, j’aperçois un bar ouvert plein à craquer. C’est le seul du lieu. Je décide de ne pas m’y arrêter malgré la proposition de Myriam rencontrée la veille de venir y boire un café.  

   Après quelques centaines de mètres sur la route goudronnée, je rejoins un sentier très raide à flanc de montagne.

Au bord du chemin surplombant la route, la vision est grandiose. Cela vaut bien quelques photos. Je traverse plusieurs hameaux, dont certains abandonnés.

   Arrivée à A Degolada (qui veut dire l’égorgée – la tradition locale dit qu’on y décapitait les condamnés), j’ai déjà remonté une centaine de mètres de dénivelé. Cela va continuer jusqu’à A Fontaneira situé à neuf cent mètres d’altitude. Autant dire, des chemins raides et pierreux.

   À Santiago de Fontaneira (le vrai nom du village), je découvre un hórreo bien particulier avec son toit de chaume. Une spécificité de la Galice. Ce petit village d’une centaine d’habitants vit en 1809, les troupes napoléoniennes le traverser. Étonnant, si loin des voies de communication !

   Après vingt-trois kilomètres de marche, j’arrive à O Cádabo Baleira. Devant le gite communal, il y a beaucoup de monde qui attend. Je continue donc  jusqu’à Castroverde qui a ouvert depuis peu un accueil pèlerin.

C’est neuf kilomètres de plus. Cádabo est connu pour un fait historique. Tout proche du village, au Campo de Matanza (le champ du massacre ou de la tuerie), Alphonse II le Chaste aurait combattu une armée de Maures. La bataille fut si rude que les champs et les rivières furent teintés du rouge du sang.

   Toujours seul, je continue mon cheminement en traversant le hameau de Pradeda avant d’entamer la montée vers l’Alto de A Vaqueriza (borne jacquaire 131 km 706).

Puis c’est l’arrivée à Vilabade avec l'église gothique Santa Maria bâtie au XVe siècle sur les ruines d’un monastère fondé par saint François d’Assise qui accueillait les pèlerins.

   Trois kilomètres plus loin, c’est l’arrivée à Castroverde. Je découvre le gite moderne de trente-quatre places à l’entrée du village. C’est beau, propre, les lits sont bien espacés. Lorsque j’y pénètre, il y a déjà une dizaine de pèlerins.

Je m’y installe et retrouve des gens connus au fur et à mesure de leur arrivée, dont Myriam et Mélanie. Nous irons boire un verre ensemble avec des Allemandes et manger un repas peregrino au village.  

   Les guides nous disent que c’est un très beau village. Eh bien, je ne partage pas cet avis, je l’ai trouvé assez commun. On raconte que l’église possédait jadis une belle statue en bois du Santiago Matamoros Saint-Jacques le Matamore. Le curé la vendit pour en acquérir une plus grande, le double, mais qui n’avait pas la même valeur symbolique.   

   Il est 22h00 quand tout s’éteint et que le silence règne.

   À demain - Alain, Bourguignon la Passion.

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