Étape 75 : As Seixas (Gal.) à Arzúa (Gal.) – 28 km (1959 km)
Je quitte l’albergue d’As Seixas, il est à peine 6h00 du matin. La nuit est encore noire. Comme je n’ai pas de café avec moi, avant de partir, j’en prends un au distributeur (pas terrible) avec Miguel et un coca pour la route. J’ai besoin de sucre après le coup de barre d’hier.
Avec Miguel, nous échangeons peu. Il ne parle ni anglais ni français, quant à moi, si peu espagnol.
C’est aussi un taiseux. Quelques compagnons de cheminement sont encore dans le dortoir, trainant un peu. Je me dis qu’à l’arrivée à Melide, à quatorze kilomètres de là, nous serons sur le Camino Frances parcouru l’an dernier. Une véritable autoroute de pèlerins. Adieu les petits groupes.
Nous passons par des petits chemins, Casacarrino… Cela devient un peu montagneux jusqu'au sommet de l'hôpital Das Seixas, l’ultime col bien modeste du Primitivo.
Sur la crête de la sierra de Carreon, nous quittons la province du Lugo pour celle de La Corogne. Avant d’y arriver, je double un couple ayant l’air de souffrir. Personnellement, la nuit a été bonne et je suis en forme. Miguel stoppe peut-être pour attendre quelqu’un.
Dans la descente, je suis rejoint par Guy et Gérard et nous prenons la direction de Melide. Un automobiliste local s’arrête pour nous conseiller de rejoindre la cité par un chemin plus rapide que le marquage. Pourquoi pas ?
En fait, Melide ne semble pas se rapprocher aussi vite qu’on le voudrait. C’est comme si le gâteau qui s’offrait à nous se donnait le temps de se faire désirer. Les distances sont parfois trompeuses.
Bientôt, elle est présente. Nous rejoignons la foule.
La ville de Melide est bruyante, avec de nombreux magasins et beaucoup de circulation. Rien d’agréable. Les automobilistes sont nerveux, klaxonnent, la vie moderne en fait… Sur les trottoirs, c’est la multitude de pèlerins venant du Camino Frances. Nous avons rejoint l’autoroute du pèlerinage et de nombreuses alberges pour nous accueillir.
Nous visitons la petite chapelle connue pour l’avoir visité l’an dernier, tenue par des religieuses.
Il est maintenant temps de pousser la porte d’une pulperia, et le choix se fait chez Ezéquiel, la plus réputée.
Nous y avons dégusté une pulpo galago, du poulpe bouilli assaisonné de piment, arrosé d’huile d’olive, présentée sur une assiette en bois. Gérard est subjugué par les pains qui arrivent sur de grands chariots. Étonnant…
Il nous faut reprendre la route, il nous reste une cinquantaine de kilomètres pour atteindre Santiago. L’église romane Santa Maria, datant du XIIIe siècle, qui était fermée l’an dernier lors de mon passage, est ouverte. Nous nous y précipitons pour découvrir de magnifiques fresques du XVIe siècle et une Piéta de toute beauté.
En cours de chemin, nous perdons Gérard.
La route nous mène maintenant à Arzúa en passant par Boente de Abaixo et sa statue colorée de saint Jacques, Castañeda… Si je devais le refaire, je prendrais plus de temps. Par exemple, à Castañeda[1], j’aurais pu, comme le suggérait Aymeri Picaud dans son ouvrage, prendre la chaux du four pour l’amener au chantier de Compostelle. Tout geste est symbolique, et celui-là est très fort. Peut-être aussi me suis-je laissé entrainer par mon compagnon de voyage très sportif à moins que j’en aie eu assez de marcher ?
Toujours est-il que j’ai raté la visite du refuge de Ribadiso da Baixo, aménagé dans l'ancien hôpital fondé en 1425. Ces regrets, parmi d’autres, pour dire qu’il faut en tirer une leçon profitable : profitez de ce qui vous entoure, évitez de perdre de si belles occasions de mieux vivre le Chemin.
C’est l’arrivée à Arzúa, une ville moderne possédant de nombreuses alberges s’étalant dès l’entrée de la ville. Guy me convainc d’aller dans une pension pour retrouver un peu de calme et de sommeil. L’avantage, nous partageons une chambre à deux. Nous ne sommes plus entassés dans un dortoir. Le coût est de trente euros à partager.
[1] Du temps d'Aymeri Picaud, c'est aux fours de Castañeda que les pèlerins déposaient les pierres calcaires extraites à Triacastela. Les pierres étaient transformées en chaux servant à bâtir la basilique de Compostelle.
Vu mon état de fatigue, je trouve cette proposition raisonnable, d’autant qu’il y a de nombreux pèlerins… Avant d’y aller, nous dégustons la bière d’arrivée, la cerveza, à une terrasse. Nous vivons la sortie d’un mariage bruyant.
Le soir, nous assistons à la messe des pèlerins dans l’église abritant saint Jacques sous deux formes : le pèlerin et le matamore. Nous sommes plus d’une centaine de personnes présentes. La cérémonie est très prenante.
Le repas est pris dans un bar avant de rejoindre notre logis.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.