Étape 80 – Logoso (Gal.) à Fisterra (Gal.) - 30 km (2087 km)
J’ai bien dormi. Il fait déjà jour lorsque nous nous levons. Il fait frais. Après un petit-déjeuner solide, il est temps de reprendre la route. J’ai en grande partie récupéré le sommeil en retard d’autant qu’hier soir, avant de diner, j’avais fait un somme réparateur.
Nous reprenons le chemin pour cette dernière étape menant à Fisterra. Cela débute par une montée sur une piste pierreuse, suivie d’une route à flanc du Monte Castelo.
Nous passons non loin du village d’Hospital. Comme le nom l’indique, il existait ici, au XIIe siècle, un hôpital pour pèlerins géré par le chapitre de la cathédrale de Compostelle. Il ne reste rien de ce passé médiéval.
Nous arrivons au carrefour où deux routes s’offrent à nous. À droite, c’est le Camino de Muxia, à gauche le Camino de Fisterra, l’ancien Camino Real. Nous choisissons ce dernier, celui parcouru l’an dernier. Après un passage sur la route goudronnée et une grande usine (beurk !), nous continuons par un chemin pierreux. En passant, sur un bloc de pierre, se détache l’ombre d’un pèlerin qui s’est assis dessus pour se reposer ou méditer. Allez savoir !
Le tracé passe au milieu de la lande galicienne. Nous marchons d’un bon pas et arrivons au calvaire Marco do Couto où Guy dépose sa pierre.
Direction Cee. Les pieds de Guy le démangent, il accélère le pas.
Je ne le suis pas, je marche à mon rythme, car je veux assurer l’étape d’une trentaine de kilomètres. Si tout à l’heure le soleil était présent malgré la fraicheur, désormais c’est le brouillard qui l’a remplacé m’obligeant à remettre le k-way. Il est vrai que l’on est en hauteur (300 mètres d'altitude) non loin des embruns et du vent. De temps à autre, je vois apparaitre quelques villages en contrebas.
J’arrive à la chapelle Capilla Da Nosa Señora Das Neves située au creux d’un vallon. J’y fais halte comme l’an dernier pour me reposer un peu.
Sur l’autel extérieur, de nombreux messages de pèlerins et de visiteurs. Je vais à la fontaine sacrée, située tout près de là pour me rafraichir le visage. Mais le miracle ne concerne que les femmes désirant la montée du lait pour allaiter. Ce n’est pas mon cas (sourires l)…
Reprise du chemin vers Cee. Je suis doublé par un homme et ses deux enfants portant chacun un large chapeau, et récitant des prières. Cela a l’air de les aider, car ils marchent d’un bon pas. Quand j’aperçois la baie de Cee, elle est dans le brouillard. J’entends de loin le bruit des mouvements dans le port et du chantier naval.
Ce n’est pas fini. Il faut maintenant descendre au niveau de la mer. C’est caillouteux, cela fait mal aux genoux et c’est rapide. Deux kilomètres en chutant de 300 mètres de dénivelé.
C’est l’entrée dans la ville aux nombreuses albergues privées. Je m’arrête dans un bar pour boire un coca et croiser quelques pèlerins croisés. Pas de Guy en vue, il a dû foncer vers Fisterra. En longeant la baie, je rencontre un jeune pèlerin français tirant son sac et sa tente en utilisant un petit chariot de sa fabrication. Nous sympathisons, et décidons de continuer ensemble jusqu’à Fisterra. Il va s’arrêter avant pour aller se baigner.
Peu avant Estorde, nous retrouvons Guy attablé à un bar. Nouvel arrêt. Il fait de nouveau chaud, un climat très différent de celui subi quelques heures plus tôt. À Estorde, je retrouve la maison colorée bleue où sont exposés tous les attributs de Jacques le Majeur.
Nous enjambons maintenant les collines boisées vers À Moina surplombant de nouvelles baies et plages. C’est magnifique et vallonné, avec quelques descentes un peu raides. Et, avec mes sandales…
Tout près de Fisterra, je fais découvrir à mes compagnons la tête de granit regardant
l’horizon. On peut y lire l’inscription symbolique suivante : « Finisterre es la ultima sonsira del caos del hombre asomandose al infinito » - Finistère est le dernier sourire du chaos infini qui apparait à l’homme.
Étrange vision de cet homme, portant au loin le regard, qui doit nous interroger sur les mystères et la finitude de la vie.
Nous entrons dans Fisterra en passant par la plage et une longue allée pavée. Guy rejoint la pension qu’il a réservée. Quant à moi, je fais la queue à l’albergue municipale où je dormirais ce soir. Autant dire que nous y sommes entassés. Je ne vais pas en garder un grand souvenir. J’en profite pour me faire remettre ma Fisterra, un diplôme sans valeur réelle, copiée à l’image de la Compostela de Saint-Jacques. C’est toujours un souvenir…
Chacun installé, nous nous retrouvons sur le port. Surprise ! Nous croisons Sybille et Patrick avec qui j’avais marché sur le Camino Norte. Ensemble, avec Mélanie, nous avons été photographiés devant la cathédrale de Santiago. Ils sont partis plus tôt que nous de Santiago. Le monde est petit !
Contents de nous revoir, nous décidons de partager les agapes dans un restaurant peu onéreux. Le moins que l’on puisse dire sur notre choix, c’est qu’il y avait une raison : ce n’était pas bon… Déçus, nous allons boire un verre sur le port.
Alors que chacun allait regagner ses pénates temporaires, nous faisons la connaissance d’une famille portugaise qui nous invite dans un bar où est servie de la nourriture. Et là, c’était bon, car nos amis portugais très proches des Galiciens connaissaient ce qu’il fallait manger. Ils nous firent découvrir plusieurs plats typiques. Dire que quelques minutes avant, nous étions des étrangers. Une grande discussion s’installa sur la Galice, le Portugal, Dieu… Un vrai plaisir. Autre surprise, au moment de payer notre quote-part, nous découvrons qu’ils nous avaient invités… Très beau geste que nous avons apprécié.
Pour eux, la soirée n’était pas finie. Ils ont voulu nous inviter dans un bar qu’ils connaissaient (ce sont des habitués de Fisterra) où se pratique la cérémonie de la queimada, une boisson galicienne alcoolisée à base d’eau de vie et de sucre que l’on flambe. Nous ne pouvions manquer cette tradition dont l’origine remonte au Moyen âge pour conjurer les mauvais esprits et les maléfices des meigas, les sorcières de Galice. Vous me connaissez : tout ce qui concerne les mystères…
Fisterra : la Queimada pour chasser les sorcières, les meigas.
Sa recette est simple : de l’eau-de-vie, du sucre, des pelures de citron et des grains de café auxquels on met le feu. À l’aide d’une autre casserole contenant un peu d’eau de vie et du sucre, on verse lentement dans le récipient en flammes le contenu de façon à faire passer le feu d’un récipient à l’autre en remuant jusqu’à l’élimination complète du sucre. On peut boire la queimada lorsque la flamme devenue bleue aura épuisé les vapeurs d’alcool.
Cette cérémonie se déroule dans l’obscurité pour laisser apparaitre les flammes. Pendant ce temps, l’officiant – en l’occurrence le père de famille portugais – lit le texte de la conjuration en galicien (très proche du portugais).
Ultime cadeau de notre ami : il dessina sur ma crédentiale le cabo Fisterra - le cap Finisterre où je me rendrais avec Guy demain pour la seconde fois pour y brûler l’un de mes vêtements. Un véritable don par un artiste de grand talent.
Autant vous dire que nous fûmes heureux de cette soirée qui s’est terminée fort tard, le matin. Heureusement, j’avais le code d’entrée de l’albergue. Tout le monde dormait… Une journée fatigante, mais riche.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.