Étape 9 : Saint-Amand-Montrond (18) à Saint-Jeanvrin (18) - 38 km (244 km
Après la bonne douche du matin, je suis allé prendre mon petit déjeuner dans la petite cuisine en libre-service. C’est en effet samedi, et il y a peu de résidents dans le foyer.
Je pars à 8h00 sonnantes, sous un soleil radieux qui augure une belle journée. À un carrefour, je peux admirer une belle statue moderne réalisée en bronze de 2m70 de hauteur. Elle représente deux êtres tendus l’un vers l’autre. Le titre de l’œuvre, la Ferveur de Mireille Honeïn. Je trouve ce titre bien à propos. Il en faut en effet de la ferveur, religieuse ou laïque, pour faire le Camino, le Chemin.
Après le passage sur le Cher, je découvre à l’entrée d’Orval une autre œuvre étonnante en ce lieu : un Mirage III B/243C biplace donné à la ville par l’armée française. L’ancien maire, Serge Vinçon, fut président de la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat. Est-ce pour cela ? Monté sur un support, il pointe son nez vers le ciel.
Au centre d’un carrefour suivant, c’est la multitude de fléchages du chemin de Compostelle allant dans des sens différents. Lequel est le bon ? On m’avait dit qu’il y avait une guéguerre entre les associations, mais à ce point-là, cela frise le ridicule. Quand ces gens comprendront-ils que l’égo, les intérêts particuliers doivent toujours faire place à l’intérêt collectif, en l’occurrence les pèlerins ?
Je choisis le fléchage de gauche qui m’amène rapidement dans la campagne. J’adore ce chemin, car il est vallonné, loin de la monotonie du canal de Berry. J’ai appris entretemps qu’on employait localement la dénomination de Berry plutôt que du Berry.
J’arrive au petit village de Bouzais où je découvre une belle église dans laquelle je pénètre. Pour monter dans le clocher, une étonnante grande échelle en bois. On a fait au plus simple. Trônant au milieu de la nef, une grande corde qui doit, je pense, servir à activer la cloche. Elle me fait penser au fil à plomb du nadir au zénith.
Reprenant mon chemin, j’entends au loin le bruit des voitures passant sur l’autoroute A71 que je vais bientôt surplomber. Repensant aux tenants du chemin historique de Vézelay, je me dis que les pèlerins du Moyen âge n’imaginaient certainement pas un jour passer sur une voie où les véhicules se déplaceraient trente fois plus vite qu’eux. Cette réflexion m’amuse d’autant qu’ils faisaient ce qu’ils pouvaient. Ils n’avaient pas comme nous un guide ou le fléchage. D’ailleurs, en regardant le mien, je m’aperçois que le parcours que je fais n’est pas indiqué. Encore un point délicat, un de plus. De toute façon, en suivant le fléchage j’arriverais bien quelque part. Tous les chemins mènent à Compostelle...
Ce n’est plus maintenant que successions de montées, de faux plats, de descentes. De temps à autre, je rencontre des paysans en train de travailler dans les champs, mais aucun contact. Les hameaux se succèdent, puis c’est le passage en forêt où je me restaure.
À quelques kilomètres de Loye-sur-Arnon, une pluie fine se met à tomber, pas suffisamment pour mettre mon poncho.
En arrivant dans le village, le soleil a fait sa réapparition. J’ai déjà marché 19 km. Il est temps de prendre un repas plus conséquent. Mais avant, je décide de faire un tour à l’église Saint-Martin en cours de restauration. En y pénétrant, je m’aperçois qu’un baptême s’y déroule. Un jeune homme m’ayant vu entrer se dirige vers moi et m’invite à la cérémonie. Aimablement, je décline en lui disant que je n’étais que de passage et que c’était une cérémonie familiale.
C’est alors que le curé, m’ayant certainement vu debout avec mon bourdon au fond de l’église, se met à dire :
« - Et de plus, nous avons le plaisir d’accueillir un pèlerin de Compostelle. C’est de bon augure pour le nouveau baptisé ».
Tout le monde de se retourner à ma grande gêne. Je fais un petit signe de la main et quitte l’église. Je me suis dit que voilà comment commencent les histoires et légendes. On dira au gamin ou à la gamine que le jour de son baptême, un « étrange visiteur de Compostelle » est venu pour l’accompagner dans son entrée dans la famille du Christ.
Après m’être restauré (taboulé oriental, banane achetée la veille), je pars en direction du Châtelet. Il fait tellement beau que je me mets en tee-shirt. Une première sur le Chemin. Mon parcours me mène alternativement sur des chemins de terre et des petites routes goudronnées. En passant, j’aperçois deux écureuils dans un arbre qui me regardent passer. Plus loin, ce sont des chevaux qui s’approchent à mon passage. La nature est très belle.
J’arrive enfin à l’abbatiale de Puyferrand. Extérieurement, elle est très belle par sa simplicité. Hélas, elle est fermée. N’ayant plus que quinze euros sur moi, je descends au Châtelet. Il n’y a qu’une seule banque sans distributeur. L’employé m’envoie au centre commercial où je peux retirer quelques subsides. L’occasion d’acheter une bière (j’adore en boire quand il fait chaud) et de l’eau. Puis, je remonte vers l’abbatiale, mais je me perds en ville. Ce n’est pourtant pas bien grand.
Au-dessus de la gendarmerie, je vois un homme qui se dirige vers une voiture. Je lui demande mon chemin. Il ne sait pas et appelle sa sœur qui habite la maison d’où il est sorti. Cette dame sort, m’indique le chemin. Avant de repartir, elle m’invite à boire un café. J’accepte et je pénètre dans la maison où d’autres personnes sont attablées. « C’est un repas de famille », me dit-elle.
Pendant une demi-heure, je vais répondre à leurs interrogations. L’homme qui était sorti a réalisé le Chemin à vélo. Il en a gardé un grand souvenir.
Il est temps pour moi de repartir, et chacun me lance un « bon courage ». Je retrouve facilement la route avec les indications fournies et passe au hameau des Archers, un village de potiers. Direction Saint-Jeanvrin.
En route, un jeune homme en vélo s’arrête et me demande s’il peut marcher avec moi. Je n’y vois pas d’inconvénient puisqu’il va dans cette direction. Et il parle beaucoup, sur sa vie entre deux foyers, sur le collège, sur le latin qu’il apprend, sur sa passion pour la lecture… Le temps passe vite, et avant le village, il me quitte pour rejoindre son hameau.
Arrivé à Saint-Jeanvrin, je ne trouve aucune trace du gite. J’appelle l’hospitalière, et elle m’indique que je l’ai dépassé… de trois kilomètres. Entendant certainement que je ne me voyais pas revenir en arrière, elle me propose de venir me chercher. J’en suis très heureux, car j’ai 38 km dans les pattes. J’en profite pour prendre en photo d’un pèlerin réalisé en rondins de bois avec des coquilles Saint-Jacques bien sûr.
C’est ainsi que je vais faire connaissance de Monique et Pierre, venus de leur Var natal pour s’installer dans le Berry. L’accueil est chaleureux. Nous commençons par partager une bière. La chambre est confortable. Pour 25 euros, j’aurais la nuitée, le repas du soir et le petit déjeuner. Nous parlons de beaucoup de choses diverses : les enfants, la mucoviscidose (Monique était infirmière), les ovnis… Un moment de grande convivialité. J’ai droit aux produits du terroir, et même à une tisane de thym en droite ligne de la Provence.
À 22h30, retour dans la chambre. Je n’ai pas écrit ce soir.
Je suis réveillé vers 5h00 par le bruit de la pluie sur le toit. J’en profite pour rédiger cette chronique du jour.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.