Les trois pèlerins que nous sommes se lèvent aux aurores, le couple suisse étant plus dans une démarche touristique n’est pas présent. Le petit-déjeuner en libre-service est pris en communauté. Le sac du Néerlandais, un homme d’une quarantaine d’années très sportif est déjà prêt si bien qu’il s’envole rapidement. Je ne le reverrais pas. Quant à l’Allemand assez bedonnant (plus que moi, lol), il semble vouloir prendre son temps. Il est vrai qu’hier soir, il est arrivé lessivé. Cela s’est entendu avec ses ronflements. La réalité du Chemin. Je ne le reverrais pas non plus. On se croise…
Je pars donc seul, ce qui ne me gêne pas du tout. J’ai l’habitude et cela me permet de marcher à mon pas de sénateur et de m’arrêter lorsque je le décide, sans contrainte. J’ai toutefois l’impression que ce chemin est vécu moins spirituellement que sur les caminos espagnols. C’est ma perception des choses. Mais, après tout, chacun son chemin…
Tout commence sur un chemin forestier jusqu’à Arao, puis, l’arrivée à Valença, dernière ville portugaise puisque, passant le Puente rio Minho, je serais en Espagne à Tui. Avec un décalage horaire d’une heure… Étonnant ce manque de cohésion entre les deux pays.
Valença do Minho possède une forteresse à la Vauban qui vaut selon moi le détour. D’ailleurs, le Chemin la traverse. Elle faisait face à celle de Tui situé de l’autre côté du fleuve.
Elle est entourée de deux lignes de remparts comportant douze bastions et quatre portes.
Je passe maintenant le pont reliant les deux pays et prend pied en Espagne, en Galice.
Tui, jusqu'en 1833, était la capitale de la Galice. Ici, à l’époque napoléonienne, il ne faisait pas bon d’être Français. Voici ce qu’en disait Thiers sur ces journées de mars 1809 : « Toute la population était insurgée et plus furieuse que jamais. Des Français tombés au pouvoir des insurgés avaient été horriblement mutilés par des femmes barbares, et les débris de leurs corps souillaient la route ». Bigre ! Drôle d’époque… Il est vrai que les troupes françaises étaient loin d’être exemplaires…
Tui (Espagne) : la cathédrale et son cloître, la sortie de la vieille ville, le calvaire, la sortie de la cité.
Heureusement, de nos jours, c’est plus calme. Je visite la cathédrale Santa Maria datant du 13e siècle, puis la vieille ville. Je quitte celle-ci par le passage des Clarisses passant sous un bâtiment.
C’est ensuite la reprise du Chemin la plupart du temps en forêt même si de temps à autre je côtoie une autoroute. La modernité… Progressivement je passe à Virxen do Camino, Ribadelouro, Orbenlle avant d’arriver à O Porrino.
En chemin, j’ai rencontré un jeune Madrilène. Nous allons cheminer ensemble pendant plusieurs kilomètres jusqu'à O Porrino où il a décidé de faire halte.
A plusieurs reprises, des associations locales proposent des chemins détournés pour nous éviter de suivre la route considérée comme dangereuse. C’est le cas de ce chemin bucolique suivant le cours d’une petite rivière permettant d’éviter le passage en zone industrielle. Ce chemin nous amène directement à l’albergue. Nous mangeons un morceau ensemble, puis je continue ma route ayant déjà parcouru 24 km.
J’avoue que j’espérai trouver un gite quelques kilomètres plus loin, cinq ou six, mais ce ne fut pas le cas. Je devrai attendre mon arrivée à Redondela pour le trouver. Soit 15 km plus loin.
Cette partie contrairement à la précédente se déroule majoritairement sur du macadam même si cela est sur des routes tranquilles.
Après cinq kilomètres, j’arrive à Mos. On peut récupérer la clé de l’albergue locale tenue par les habitants du village dans un restaurant situé juste en face. Mais, comme c’est la fête au village, il y a beaucoup de bruit. Et puis, l’albergue est pleine, et je dirais même archipleine. Certains ont étalés leur sac de couchage à même le sol. On se croirait sur le Camino Frances. Voulant avoir un peu de calme, je décide alors de continuer encore un peu en espérant un miracle.
Ce choix m’oblige à monter une longue côte. Selon une borne du Chemin, il ne reste que 91,544 km à parcourir si l’on suit le Chemin pour arriver à Santiago. C’est ce que je croyais à ce moment-là. Un autre choix va changer ma route…
Je descends maintenant vers Vilar. Je suis fatigué par les 34 km déjà parcourus, surtout après la côte casse-pattes de tout à l’heure. Le soleil est très présent. Je n’avais pas imaginé cela ce matin. Il est certain que les presque 2 500 km déjà parcourus depuis mon départ dans les pattes pèsent. Je m’arrête pendant une heure sur le banc d’une table de bois bien accueillante en pleine forêt pour me reposer. Il est déjà 17h00, et je n’ai pas d’autre choix que d’aller à Redondela à quatre ou cinq kilomètres de là.
Revigoré, je repars vers ma destination même si les muscles refroidis sont un peu raides. La grande descente va être un peu difficile. Je regarde avec attention si je trouve la trace d’un gite ou d’une pub pour un gite avant d’arriver en ville. A un moment donné, j’en aperçois une qui indique un accueil sympa à un kilomètre de là. Je ne le trouverais pas. Je continue donc…
J’arrive enfin au gite pèlerin de la Praza de Ribadavia possédant 34 places officiellement. Il est surbooké. L’hospitalière m’indique l’adresse d’une albergue privé situé à quelques pas de là. J’y vais. Il reste quelques places. Ouf ! J’ai un lit pour ce soir à un prix raisonnable, sinon c’était l’hôtel. A plus de 12 € sûrement.
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Après m’être douché longuement, et reposé durant une heure, je ressors en ville pour trouver de quoi manger. Je tombe au milieu d’une course pédestre qui passe dans les rues de la vieille ville. Je ne m’attarde pas.
La ville est célèbre pour son chemin de fer et son viaduc. C’est presqu’en-dessous, puisqu’il surplombe la ville, que je vais dégotter un petit restaurant de poisson. Super. Au retour, je ne traine pas. Le gite est archiplein. Je m’endors rapidement. En cours de nuit, de jeunes pèlerins échauffés font du bruit. Je râle intérieurement, mais il faut bien que jeunesse passe…
A suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.