Journée encore montagneuse puisque partant de quatre cent cinquante mètres d’altitude, je vais grimper au douzième kilomètre à neuf cent mètres. Cela promet quelques sueurs au cours de cette grimpette entre le huitième et le douzième kilomètre. Bon, il va falloir s’accrocher, Santiago n’est plus qu’à environ cent cinquante kilomètres. J’éprouve une certaine hâte à y arriver, comme le cheval sentant l’écurie. Il est vrai que pour moi, qui termine mon septième Camino, Santiago n’a pas le même attrait qu’auparavant.
Départ de Laxa. Albergue et nouveau fléchage à flèche jaune et coquille bleue pâle.
Aujourd’hui, trente-quatre kilomètres sont prévus au programme… si tout va bien. Lorsque je pars, Adrian est déjà parti, la pèlerine polonaise tourne un peu en rond ne sachant où s’arrêter. Elle ne veut parcourir que quinze/vingt kilomètres. Quant aux cyclistes, ils préparent avec beaucoup de bruit leurs bardas et sacoches. Le jour est à peine levé bien qu’il soit sept heures passé. Serait-ce une journée sans beaucoup de soleil ? Ici, pas de brouillard, simplement le temps frais. J’ai grignoté rapidement devinez quoi ? Eh oui, ma banane et un morceau de pain accompagné d’un verre d’eau. Le café me manque. Je vais heureusement le trouver au bout d’un kilomètre, à la sortie de Laza.
Encore la sierra à parcourir, plus dur que ce que la photo indique.
Tout commence par de la route asphaltée suivie d’un chemin vicinal permettant de traverser Soutelo Verde, un hameau très calme. Juste rencontré un tracteur. Un chemin de terre va me mener jusqu’à Tamocelas où les choses sérieuses vont commencer. En effet, à la sortie de ce petit village, la grimpette commence par une montée raide vers la forêt que je vais traverser pendant quatre kilomètres. Si certains passages sont plats et permettent de souffler, d’autres sont de vrais raidillons qu’il faut savoir monter au pas de sénateur. J’ai beaucoup de kilomètres au compteur, et cela se ressent. D’autant que c’est le moment choisi par le seigneur Sol pour commencer à me taper de ses dards. Heureusement, de temps à autre, il y a des arbres même si certains passages sont en coupe sombre. Je rejoins la route et arrive à Albergueria. Faisant quelques courses au village, j’apprends qu’il existe une albergue non référencée dans mon guide. La pèlerine polonaise pourra y trouver refuge. J’aperçois d’ailleurs des pèlerins qui se sont arrêtés. Je ne les connais pas.
En cheminant, horreos et allées...
Je reprends mon chemin qui doit me mener à Villar de Barrio se trouvant à sept kilomètres de là. Sept kilomètres pour moi, c’est une heure trente de marche. Ils vont vite être avalés car c’est en descente, une descente assez linéaire qui se situe avec moins de kilométrage journalier dans les jambes qu’hier. Je m’y arrête en découvrant un étrange café où le propriétaire a suspendu plusieurs milliers de coquilles Saint-Jacques au plafond. Il me demande d’inscrire mon prénom et la date au feutre rouge sur l’une d’elle. Quand un paquet sera complété, il le suspendra à son tour au plafond. Je trouve l’idée géniale et peu couteuse en terme de décoration pour ce Ricon (coin) del peregrinos.
Je passe à Vilar de Gomairete situé deux kilomètres plus loin. Commence alors un long parcours en ligne droite, sous un soleil ravageur et sans ombre, qui me rappelle les longs trajets de la Routa de la Plata. Pas d’eau à l’horizon, juste au loin une silhouette rouge qui a l’air de marcher plus lentement que moi. Adrian quelqu’un d’autre ? Bien que je n’ai pas accéléré le pas, je visualise que je me rapproche sensiblement de cette silhouette. Puis, elle disparait. Ai-je eu un mirage ?
Cela vous étonne peut-être que je parle de cela. C’est l’occasion pour vous dire qu’à plusieurs reprises, j’ai eu l’impression que quelqu’un me parlait. Bref, j’entendais des voix. Bien sur, revenant à la rationalité, je sais bien que cela est impossible, que mon imagination me joue des tours. A moins que ce soit le vent ou autre chose appartenant à la nature qui me donne cette impression. Ce que je sais par contre, c’est qu’au cours de mon cheminement actuel, cette impression est plus fréquente que lors de mes parcours précédents. Suis-je plus en contact, plus à l’écoute de la nature ? Ou, deviens-je taré sur mes vieux jours ?
Avec les inscriptions sur ces maisons ou porches, on sent que l'on est sur une terre accueillante.
J’arrive au petit hameau de Bobadela a Pinta et je découvre que la silhouette rouge était bien celle d’Adrian parti bien avant moi. Il est en train de se rafraichir à une fontaine. Nous engageons la conversation car il s’exprime très bien en français. Il a des ampoules et du mal à terminer l’étape. Il repart alors que je bois un coca.
Quand je reprends le chemin, je pensais qu’il serait largement devant moi. Mais, au bout d’un kilomètre, je le rejoins dans une montée. Il s’appuie sur un pauvre morceau de bois ramassé sur le sol. Il me fait pitié. Je lui passe mon bâton de marche prétextant que j’en ai un second pour moi si nécessaire. En fait, je n’en ai plus besoin car la fin d’étape est proche.
Je l’accompagne un temps mais je ressens bien qu’il est gêné de marcher lentement et de me ralentir. Aussi, je lui donne rendez-vous à l’albergue à Xunqueria située au début du village. Je parcours les trois derniers kilomètres à marche rapide. En arrivant, je découvre que Luis, le pèlerin espagnol qui m’avait laissé sa couche à Asturianos, est présent. Je le croyais plus en avant que cela. C’est naturellement un grand plaisir pour moi de le revoir, ayant beaucoup apprécié son geste.
Xunqueira de Ambia : bains romains et cloître.
Je m’installe dans un dortoir vide, et suis rejoins trente minutes plus tard par Adrian. C’est l’occasion de mieux nous connaitre. C’est un étudiant en droit, très sportif. C’était pour lui sa deuxième étape, deux étapes à plus de trente kilomètres. En vieux briscard, je lui explique que même s’il court tous les jours, son corps n’est pas habitué à porter un sac sur d’aussi longues distances. Il faut marcher quelques jours aux alentours de vingt kilomètres, puis augmenter au fur et à mesure. M’a-t-il entendu ?
Je vais visiter ce petit village de mille neuf cents habitants qui possède notamment d’anciens bains romains, et les restes d’un monastère datant du Xe siècle. Superbe village.
Xunqueira de Ambia : église Santa Maria la Real, classée Monument national espagnol.
À suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.