Étape 58 : Santa Cruz de Bezana (Cant.) à – Santillana del Mar (Cant.) – 22 km (1501 km)
Notre hôtesse nous prévient : il existe plusieurs trajets pour continuer notre chemin. Cela rejoint le message d’Ernesto : le chemin physique du Camino del Norte rejoint celui du Camino parcouru intérieurement par chacun d’entre nous. Comme ce dernier, le chemin physique est à parcourir en fonction des envies individuelles. Pour nous aider, elle avait fait des photocopies pour nous faciliter la route.
Pour passer de Boo de Piélagos à Mogro, il faut traverser le Rio Pas qui sépare les deux cités. Jadis, il y avait des passeurs agréés par les moines. Les solutions possibles : soit prendre le train, soit faire un détour de huit kilomètres par Arce pour prendre le pont adéquat, soit (je ne prends pas la responsabilité de vous le recommander) de faire comme de nombreux autochtones : franchir le pont de chemin de fer de soixante-dix mètres en longeant les bords pierreux. La plupart des pèlerins prennent le train, l’un d’entre nous fit le grand trajet (bravo, Marco). Enfin, deux incorruptibles vont traverser le pont entre deux passages de train. Je ne dénonce personne puisque c’est interdit…
Après la gare de Mogro, Mélanie et votre serviteur passent près de l’ermitage de la Virgen del Monte situé du XVIIe siècle sur une colline de Mogro. La suite du chemin est nettement moins agréable en direction de Requejada. En effet, nous passons même le long d’une grosse usine Solvay, désagréable au possible. Mélanie s’éloigne. Je ne la reverrais pas de la journée.
Après le pont sur le Rio Besaya, je retrouve un peu de sérénité en prenant la route de Viveda et la direction de Camplengo. Le temps est très chaud. Les six derniers kilomètres parcourus sont pénibles sous l'ardeur du soleil. Après la laideur industrielle précédente, la beauté du paysage est un enchantement. Le manque d’ombre et de point d’eau va atténuer malheureusement cette belle vision. Heureusement pour moi.
À Camplengo, près d’un ermitage, des ouvriers en train de se reposer sous un abribus me donnent de l’eau fraiche. J’étais au bord de l’écroulement.
Il me reste deux kilomètres à parcourir. Quand je découvre la Collégiale romane Santa-Juliana de Santillana datant du XIIe siècle, mon cœur se met à battre la chamade. Bâtie sur l’emplacement du monastère d'origine, l’église et son cloitre valent le détour par la finesse et la richesse des décors.
La naissance du monastère est liée à l’arrivée au VIIIe siècle de moines transportant les reliques de la martyre Juliana, Santa Juliana. Je comprends mieux pourquoi Jean-Paul Sartre décrit ce village étonnant dans la Nausée : il la considérait comme la plus belle d’Espagne.
Tout ici est beau dans cette cité-musée sans voitures où tout est conservé avec soin: les pierres des maisons, le travail du bois, les pavés des rues, le ruissellement des fontaines, les musées, les maquettes des églises, la qualité du musée des traditions, le bœuf géant…
Tout, sauf la horde de touristes qui nous regardent comme des extraterrestres. Bien sûr, je comprends qu’une si belle cité doive être mise au ravissement de nombreuses personnes. On y trouve aussi un musée de la Torture où sont visibles les instruments utilisés par l’inquisition espagnole et d’autres dispositifs plus récents. De quoi attirer le chaland. Bref, vous l’avez compris, je suis tombé sous son charme.
Santillana del Mar : au musée des Traditions.
Je vais loger au camping dans un bungalow. J’y retrouve Miguel l’Espagnol et Margareth l’Américaine. Dans d’autres bungalows : Patrick, Sybille, nos yoguistes allemands… Certains vont profiter de la piscine et grignoter sur place. Je préfère descendre dans la cité manger un menu peregrino. Pas terrible…
À 22h00, alors que j’entends au-dehors le brouhaha des Espagnols et Italiens en pleine volubilité, Morphée me prend dans ses bras. Dure journée sous un soleil de plomb.
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.