
Nous sommes réveillés le matin par la femme silencieuse qui se prépare. Chacun son chemin… Manfred aussi s’est levé tôt pour préparer son imposant matériel photographique. Quant à la famille belge, chacun émerge à son rythme. Autour du petit-déjeuner copieux, nous abordons de nouveau le voyage familial qu’ils ont réalisé autour du monde, récit qui fit l’objet d’un livre autoédité Nothonet-on-tour.
Je suis le dernier à quitter le gite au moment où passe un groupe comprenant le jeune allemand vu à Pamplona. Le groupe est très bruyant, comme s’il se lâchait.
Je prends la direction de Cirauqui, une très jolie ville très propre située à moins de trois kilomètres de là, sur une colline. Le passage se fait parmi des champs dorés des céréales. Lorsque j’y accède, j’ai rejoint les trois femmes belges qui ont pris leur temps. Nous entrons ensemble dans la cité.

La montée dans des rues très propres est raide. La cité semblait riche à voir les maisons de maître blasonnées qui s'alignent le long des rues pavées suivant un tracé concentrique ou radial. Présence de nombreux chats qui miaulent à notre passage.
Je quitte le village par la voie romaine, une descente caillouteuse très abrupte qui se termine par un pont romain (Puente romano) détruit par la construction d’une voie rapide.
Non loin de Lorca, en montant une côte escarpée, je découvre une nouvelle croix où je me recueille.
Cette personne a fait un long chemin pour venir s’éteindre en ce lieu. Je me suis mis à penser à la relativité du temps qui passe et à tout l’amour que l’on doit donner à ceux que l’on aime et que l’on estime. Ne perdons pas du temps dans des choses futiles, n’hésitons pas à dire que l’on aime tout simplement.
Cinq kilomètres plus loin, en passant par paysages de grande beauté, sous un soleil très présent, j’arrive à Villatuerta.

En haut de la cité, je découvre l’église gothique de l’Asunción construite sur des vestiges romans. Elle est ouverte. Non seulement je la visite, mais je peux valider ma crédentiale. Je profite de cet arrêt pour me désaltérer longuement à la fontaine d’eau potable mise à notre disposition et à remplir mes gourdes.
Deux kilomètres plus loin se trouve l’ermitage de San Miguel situé un peu à l’écart de la route. Peut-être les restes d’un monastère du même nom datant du XIe siècle ? Sur cette colline sèche, il ressort de façon impressionnante. Hélas, sa porte a été murée.

Je reprends donc le chemin qui me mène à Estella-Lizarra, une ville importante de 13 000 habitants ayant de nombreuses églises de très belle facture. Le temps de me désaltérer à une nouvelle fontaine avec un pèlerin espagnol en compagnie de qui je commence à traverser la ville. C’est le week-end de la fête médiévale, les rues sont remplies d’autochtones et touristes. Cela se comprend, car la ville date de l'époque romane avec ses palais, maisons de maître, églises, couvents, ponts et bâtiments imposants. Pour exemple, l’église située face au Palais des rois de Navarre, connue au XIIIe siècle sous le nom Saint Pierre le Majeur.

Ces richesses lui ont valu le surnom de Tolède du Nord. Aymeric Picaud, l’auteur du Guide des pèlerins au XIIe siècle disait : « Estella est une ville de bon pain, d'excellent vin, de viandes et poissons en abondance, et de toutes sortes de plaisirs ».
Ayant très soif, je profite d’une promotion cerveza (bière)/mini-sandwich pour faire une petite folie à ma consommation habituelle. Ce fut la seule de la journée… jusqu’à présent.
A Estella-Lizarra.

En sortant de la ville, je prends en charge un pèlerin italien de forte corpulence complètement perdu, en sueur, qui ne sait plus où aller. Il doit se rendre à Ayegui. Je lui propose de se joindre à moi puisque je passe par là.
À Irache, je ne faillis pas à la tradition du lieu qui donne la possibilité à un pèlerin de se désaltérer directement à une fontaine de vin. Le vin est en libre accès. Un texte met en garde le pèlerin. Voici la traduction : « À boire sans abuser. Nous t’invitons avec plaisir. Pour pouvoir emporter le vin, il doit être acheté ».
Comme toujours, certains abusent en remplissant une gourde, d’autres comme votre serviteur se contentent d’en boire une gorgée. De toute façon, avec cette chaleur, ce serait suicidaire d'en boire de trop. Et, en toute honnêteté, il est moyen.us bourguignons.
Au moment de déposer mon Italien, il me demande si l'on peut continuer plus loin. Pourquoi pas ? Après tout, sur le Chemin, on doit s’entraider. Il me raconte sa vie. Médecin-ostéopathe à Milan (Italie), il doit rejoindre sa famille à Burgos. Il veut être là pour les accueillir. C'est la raison pour laquelle il essaie d’allonger les étapes. Je lui conseille (comme si j’étais un vieux marcheur !) de faire attention, car le soleil tape fort.

Le voyant de plus en plus à la dérive, après lui avoir bu une bière à Azqueta, je le dépose quasiment de force devant l’auberge de pèlerin de Villamayor de Monjardin.
C’était en fait le terme de mon étape. Mais je n’ai pas envie de passer la soirée à entendre geindre. Ce n’est peut-être pas très chrétien, mais c’est ainsi. Moralement, ce qui est important est qu’il puisse se reposer pour repartir en forme demain.
Cette décision entraine que je dois faire treize kilomètres de plus sous le cagnard, traduisez le soleil dans toute sa puissance avant de trouver une autre albergue. Même si c’est dur, cela vaut le coup.
Une surprise m’attend. Le hasard ? À neuf kilomètres de Los Arcos, je retrouve Simon le Québécois qui paresse sous un arbre avec Charles, un jeune Rouennais. Il me dit avoir reconnu le bruit de mon bâton de bois sur le chemin de terre. Nous décidons de finir le trajet ensemble.
Cette fin d’étape est pénible – soleil, pas d’ombre, manque d’eau, kilométrage… - tant et si bien que j’arrive épuisé dans une ville-fantôme. Personne… jusqu’à ce que nous arrivions au centre de la ville où la fête bat son plein.

Charles part de son côté, il n’a pas le sou pour se loger malgré notre proposition de l’aider. Il trouva cette solution en payant quatre euros sous un porche. Après nous être installés et douchés, nous allons participer aux festivités, les fêtes patronales en hommage à Notre-Dame de l'Assomption et de San Roque, en faisant les quelques pas nécessaires pour faire la fête, raisonnablement bien sûr.
Il ne faut pas trainer, car le règlement du refuge stipule que la fermeture a lieu à 22h00.
Alors que nous étions seuls dans la chambrée, voilà qu’arrivent des barons de la route anglais, des cyclistes portant tous le même décor. Ils vont gâcher le début de notre repos. Le moins que l’on peut dire, c’est qu’ils ne sont pas discrets. Loin de l’image que l’on attend d’eux. Ceci est une autre histoire…
À demain - Alain, Bourguignon la Passion.