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Publié par Alain Lequien dit Bourguignon La Passion

   Il est près 8h00, après une courte nuit, je rejoins la pension où loge Guy. Le jour est levé, le temps est moyen, presque frais. Moi, un peu moins… (Sourires). Nous prenons le petit-déjeuner avant d’aller vers le faro, le phare où se trouve Cabo Fisterra, le cap Finistère. 6 kilomètres aller-retour.

   Nous suivons la route goudronnée qui monte à flanc de falaise. En surplomb, nous apercevons une barque, véritable petit point devant l’immensité de l’océan. C’est l’arrivée à la statue du pèlerin, pliant sous le poids du voyage.

L’an dernier j’y avais pris la pause. Il est là pour nous indiquer que nous sommes sur la bonne voie, et que bientôt nous allons pouvoir déposer les pierres du vieil homme que nous avons portées et en partie réduites lors du pèlerinage.

   Ces pierres brutes sont toutes ces passions-poisons comme j’aime les surnommer qui entravent notre vie et notre liberté. Ils font que nous sommes socialement différents de ce que nous sommes intrinsèquement au fond de nous-mêmes. Humains formatés pour répondre aux critères de la vie profane. Sur le Chemin, ce que j’apprécie notamment, c’est la liberté d’être, la tolérance, l’acceptation de ceux qui sont différents de moi, avec qui je partage et avec lesquels nous nous enrichissons mutuellement. En toute fraternité. 

   Un historien romain dénommé Lucius Florus raconta que lorsque les légionnaires romains arrivèrent à la Finis Terrae, ancien nom de Fisterra, deux siècles av. J.-C., ils contemplèrent avec terreur et vénérèrent le coucher du soleil sur l'océan. Fisterra, son nom galicien, est devenu un lieu incontournable pour ceux qui cheminent vers Compostelle.

   C’est enfin l’arrivée à la borne du point kilomètre 0. Ce voyage, simple étape dans ma vie, a une autre saveur que la première fois. Au milieu de la foule, j’avais alors été saisi par l’émotion, et la gentillesse de ces pèlerins venus d’Assise. Un grand souvenir…

   Aujourd’hui, c’est différent, il n’y a quasiment personne. Il est temps d’aller remplir ce moment traditionnel de se décharger et de brûler nos vieux vêtements. Bien que cela soit interdit (oups !), nous le faisons chacun à notre tour, Guy et moi. Nous sommes rejoints par un Basque à qui nous expliquons le pourquoi de notre démarche et qui fait de même.

Sur le poteau téléphonique, certains pèlerins au lieu de brûler les vêtements ou les chaussures les accrochent. Nous passons ensuite un peu de temps à contempler la mer, si belle, si bleue malgré un fort vent qui souffle.

   Ça y est, tout est brûlé. Nous pouvons repartir. Un dernier regard vers ce soleil qui se reflète dans la mer. Nous retournons vers le port de Fisterra. On peut l’entr'apercevoir au travers les arbres.     

   Lors de la descente, nous nous arrêtons à l’église romane de Santa Maria das Areas (N.D. des Airs) datant du XIIe siècle, modifiée par des éléments gothiques au XIVe ou XVe siècle. Lors de notre passage, elle est fermée. Nous faisons la connaissance de deux jeunes Français qui ont dormi sous le porche.

   Cette église conserve un retable représentant Santo Cristo da Barba Dourada (à la barbe dorée), à l'origine d'innombrables légendes. Selon la tradition, lors d’une tempête au XIVe siècle, un navire perdit un coffre à la mer. Trouvée sur une plage par des pécheurs de Fisterra, la population accueillit cette venue comme un don. Sur la statue, « sa barbe et ses ongles continueraient à pousser... » 

   Autre histoire. Dans son rapport de visite à Fisterra, Domenico Laffi[1] (1673), mentionne les pouvoirs attribués à cette image.

   « Des pirates sarrasins ayant débarqué se rendirent à l'église à plusieurs reprises pour insulter le Christ. L'un d'eux dégaina son épée et leva son bras droit pour le frapper. Au moment où il voulut le faire, il devint raide comme une statue. Ses compagnons reconnurent son erreur, demandèrent pardon et promirent de se convertir au christianisme. Il put remettre l'épée dans son fourreau. Après un baptême collectif, ils retournèrent sur leurs navires et continuèrent leur voyage. »

 

[1] Domenico LAFFI, Viaggio in Ponente à San Giacomo di Galitia e Finisterrae, 1673.

Fisterra : église romane de Santa Maria das Areas.
Fisterra : église romane de Santa Maria das Areas.
Fisterra : église romane de Santa Maria das Areas.
Fisterra : église romane de Santa Maria das Areas.
Fisterra : église romane de Santa Maria das Areas.

Fisterra : église romane de Santa Maria das Areas.

  Le nombre de pèlerins était tel que le curé de la paroisse, Alonso García, décida de fonder l'Hôpital des Pèlerins de Nuestra Señora del Rosario en 1479, en face de la façade principale de l'église.

   Nous rejoignons Fisterra où nous nous séparons. Guy rentre à Santiago, et votre serviteur continue son cheminement vers Muxia malgré la pression bienfaisante de Guy. Nous buvons un dernier verre. Si le destin le veut, nous nous retrouverons peut-être à Santiago. Qui sait ?  

   À suivre - Alain, Bourguignon la Passion.

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