Etape 80a (2015) – Albergaria - Paradavella - O Cadavo (Castroverde-Lugo) : 25 km (2012 km)
Dure étape que celle de ce jour, qui restera certainement l’une des plus difficiles de mon cheminement 2015. J’ai beaucoup apprécié la présence de Laurent, qui s’est montré un vrai compagnon de voyage solide et aidant. Il m’a permis de surmonter de grandes difficultés alors que le temps était particulièrement pluvieux et froid. Hélas aussi, quasiment pas de photos. Vous le comprendrez, le cœur n’y était pas.
Nous avions envisagé de faire une trentaine de kilomètres jusqu’à Castroverde. J’ai gardé un très bon souvenir de cette auberge moderne qui m’avait abrité en 2013. Le temps, le destin va changer notre équipée puisque nous serons obligés de stopper à O Cadavo Baleira.
Pourtant, nous avons bien dormi dans notre albergue pourtant pleine. Il est vrai que nous n’étions pas entassés. Lever tôt, comme d’habitude, et prise d’un petit-déjeuner copieux avec ce que j’avais acheté la veille. Damien et Joao nous ont quitté hier soir pour dormir sous la tente alors que le temps était maussade. Je les plains avec le froid et la pluie qu’il fait... Mais je comprends aussi qu’ils ont un budget limité. A plusieurs reprises, ils ont refusé notre aide. C’est bien sur leur choix, mais c’est dommage que dans ces conditions difficiles, ils n’acceptent pas une simple main fraternelle tendue. Je les comprends aussi car je suis un peu pareil : il est parfois difficile de recevoir. Long débat…
Nous partons sous la pluie. Un groupe se forme comprenant notamment des pèlerins sortis du refuge de Padron. Du moins, je le suppose. Nous entamons notre cheminement par un chemin herbeux suivi d’une piste forestière. C’est ainsi que va se dérouler l’alternance de chemins de terre ou forestiers coupant de temps à autre une route goudronnée. Aussi, à un moment donné, nous choisissons de suivre le bord de l’asphalte pour avoir moins de boue.
Mal nous en a pris puisqu’à un moment nous nous égarons et sommes obligés de rechercher le fléchage. Montées raides, descentes du même acabit : on est en moyenne montagne, et vu le profil de l’étape, cela sera ainsi tout au long de la journée.
Après Vilardongo, nous nous dirigeons vers l’Hospital de Montouto situé à l’Alto éponyme, situé à plus de mille mètres d’altitude. Nous y découvrons une ermita superbe et les ruines de l’ancien hôpital El Real fondé pour accueillir les pèlerins sur ce chemin difficile en 1357 par le roi Pedro 1er le Cruel. Il y a deux ans, j’y avais fait halte. Si le lieu est magique, on ne peut y rester car la pluie continue avec force. Dommage, je n’ai pas encore pu voir le fameux dolmen annoncé sur le site… comme la dernière fois. J’apprécie la présence de ces marques du passé laissées par les « peuples de la pierre » qui sont nos ancêtres. Toujours la pluie…
Nous descendons maintenant par une large piste forestière entourée de landes, suivies de forêt de conifères. Hélas, le chemin se rétrécie. Dans un passage difficile, je ne suis plus en mesure d’avancer. J’ai une sorte de raidissement, de blocage provoquée par la peur de glisser sur les pierres mouillées qui pourrait provoquer un accident entrainant la casse de ma cheville ou autre. Il est clair que réapparait l’image de ma chute de l’an dernier qui aurait pu finir plus mal. Heureusement, Laurent était avec moi. Il va se montrer un ami sûr, efficace et fraternel. Pas par pas, il va m’aider pendant une centaine de mètres en bloquant mes pieds avec les siens, me soutenant par le bras. Mètre par mètre, nous allons mettre le temps nécessaire. Enfin, le chemin devient plus facile. Je suis vidé, moralement et physiquement, et j’ai besoin de récupérer en me recentrant sur moi-même. Je propose à mon ami de continuer sa marche à sa vitesse. Nous convenons que nous nous retrouvions au café situé à quelques kilomètres de là.
Je m’éloigne du Chemin pour éviter de rencontrer un autre pèlerin pour me libérer des tensions et mauvaises idées accumulées qui m’assaillent. Peu à peu, par la méditation, je retrouve mes sensations qui vont me permettre de continuer mon cheminement. Quand ce genre de choses m’arrive, ce qui est rare heureusement, j’ai les membres complétement tétanisés et une compression de la poitrine. C’est violent et surtout douloureux.
Reprenant le chemin, j’atteins l’entrée du hameau de Paradavella (l’ancien arrêt) et le bar. Mon ami est là ainsi que de nombreux pèlerins. Je suis complètement trempé et frigorifié m’obligeant à me changer. Un quart d’heure après, nous dégustons des tartines frugales et du thé bien chaud. Reposé, nous reprenons la route.
Vu le temps, les autorités locales ont déconseillé aux pèlerins de rejoindre le sentier très raide qui devait nous amener à flanc de montagne. Dommage, il y avait une belle vue. Vu notre état, nous continuons sur la route goudronnée Nous passons à A Degolada (l’égorgée – la tradition locale veut que cela soit en ce lieu qu’étaient décapités les condamnés). Après la montée vers l’alto et A Lastra, nous arrivons à A Fontaneira. Il pleut toujours autant. Le poncho de Laurent n’a pas résisté au vent et à la pluie. Nous décidons de nous y arrêter pour manger un casse-croute. Celui qui nous fut servi fut copieux et revigorant. Ce fut l’occasion d’échanger avec des touristes Belges présents dans la région, qui se montrèrent intrigués par notre volonté d’aller vers Compostelle. Pour l’histoire, ce petit village d’une centaine d’habitants vit en 1809 les troupes napoléoniennes. Étonnant, si loin des voies de communication !
A deux kilomètres d’O Cavado Baleira, nous entendons de loin une forte musique qui augmente au fur et à mesure de notre approche. Passant devant le gite communal, nous apprenons qu’il est si complet que des cheminants dorment déjà par terre. Ce sera le cas d’autres pensions et hôtels du lieu. Si nous voulions aller au prochain gite, il nous faudrait parcourir encore neuf kilomètres. Impossible pour nous dans ces conditions difficiles. Sur la grande place, nous découvrons la raison de la musique : c’est la fête au village. Malgré la pluie et le froid, un groupe espagnol s’évertue à chanter, danser et jouer sur une scène abritée alors que celle-ci est vide. Très étonnant. Le public demeure à distance sous des chapiteaux commerciaux. Nous faisons l’effort de les applaudir.
Après vingt-cinq kilomètres de marche difficile, vous l’avez compris, nous nous questionnons sur la démarche à suivre. C’est alors qu’apparait devant nous un bus arrivant en station portant à destination de Lugo. Nous n’hésitons pas, nous prenons l’occasion qui se présente.
Dans celui-ci, de nombreux pèlerins sont déjà présents dont Manuel, un Espagnol rencontré déjà en 2013 et avec qui nous avons partagé la veille le poulpe, un couple d’Italiens et d’autres qui ont fait le même choix que nous en cours d’étape.
A la descente du bus à Lugo, les Italiens nous indique avoir réservé au Grand Hôtel. Nous y allons. Le prix de la chambre partagée pour deux est peu onéreux. Nous allons y rester deux jours nécessaires pour dormir, récupérer de cette dure étape et 2 000 km déjà parcourus. Le temps aussi d’une vraie découverte de Lugo.
Après une bonne douche et un petit repos, nous nous rendons dans le centre de la ville. En passant devant le gite, nous apprenons qu’il est loin d’être plein. Nous avons réagi un peu vite en allant à l’hôtel. Mais, ce qui est fait est fait. Nous allons à la cathédrale et découvrons le char portant la scène de la Cène. Magnifique. Saint Jean est représenté sous la forme d’une femme portant de longs cheveux s’appuyant sur l’épaule du Christ. Étonnant.
A suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.