Étape 103 (2015) – Teo – Milladoiro - Santiago : 17 km (2 587 km)
Pour ma dernière nuit sur le Chemin, j’ai passé une bonne nuit. Vers sept heures, le tenancier m’a préparé un bon petit-déjeuner. Je ne le prends pas seul puisqu'un pèlerin italien qui a dû arriver tard est présent dans la salle de restaurant. Nous échangeons un peu et décidons de marcher ensemble. Il me dit avoir parcouru plus de quarante kilomètres hier, et qu’il a hâte d’arriver à Santiago pour prendre son avion. C’est également mon cas, mais j’ai prévu un peu plus de temps que lui.
Il nous reste dix-sept kilomètres à parcourir pour atteindre la Cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle où sont conservées les reliques de l’Apôtre.
Nous prenons la route alors qu’il fait encore nuit, et qu’il pleuviote un peu. Il est donc nécessaire de faire très attention aux marques pour éviter de s’égarer d’autant que le circuit, pour éviter la grande route, est assez sinueux. La lampe frontale est indispensable, je l’ai peu utilisée cette année. Nous passons d’hameau en hameau. Picarana, Faramello jusqu’à Teo. Le gite de pèlerin n’est pas éclairé et silencieux. Se situant à douze kilomètres de Santiago, il semble fermé.
Mon compagnon de route, considérant peut-être que je ne marche pas assez vite a accéléré son pas. Je l’ai laissé partir avec un petit signe. Je le vois maintenant marcher au loin d’un pas rapide. Pas de problème, il a ses raisons, et je les comprends. Quant à moi, comme nous sommes le 9 septembre, et que j’ai mon avion deux jours plus tard, j’ai le temps de musarder pour parcourir mes derniers kilomètres. J’ai en moi des sentiments contradictoires puisque bientôt, tout sera fini pour cette année. J’ai à la fois envie de serrer ma femme, mes enfants et mes petits-enfants dans mes bras. Et puis, en même temps, je suis tellement bien sur le Chemin.
J’entame maintenant une montée qui va durer plus de six kilomètres qui va me mener à Milladoiro. Près d’A Grela, je passe à côté de la borne jacquaire indiquant Pk. 6,740.
A Milladoiro, je m’arrête à la Capilla de Santa Maria Magdalena. J’y suis accueilli par une femme qui tente de m’expliquer l’histoire de cette chapelle. En vain, elle ne parle qu’en espagnol et je ne comprends que des bribes.
Par des chemins de forêt, peu à peu, je me rapproche de Santiago. Il est toujours étonnant de voir de la si belle verdure si proche d’une grande ville. Dans un chemin boueux, défoncé, des ouvriers s’affairent autour de moult machines de chantier. De grands travaux…
Il y a de plus en plus de petites maisons classiques de banlieue comme on peut le voir en France. Je passe une ligne de chemin de fer. Cela monte, descend, les petites routes font place à des rues plus larges, plus fréquentées par les automobiles. Cette entrée traditionnelle de ville n’a rien à voir avec l’entrée moderne de Santiago lorsque l’on vient de Monte Gozo lorsque en provenance du Camino Frances.
Je passe maintenant devant un grand établissement hospitalier. Les gens sont indifférents, marchant tête baissée et marchant d’un pas rapide vers leurs occupations. Ils voient depuis longtemps tant de pèlerins que ceux-ci sont noyés dans leur quotidien. On retrouve là le monde profane dans lequel je serais de nouveau inséré dans quelques jours.
Peu à peu, je me dirige vers la Cathédrale, vers la Plaza del Obradoiro. Je ne peux entrer avec le sac, donc je reviendrai demain. Je vais au Bureau des pèlerins chercher ma seconde Compostella de l’année. Ce n’est pas un trophée, simplement un certificat comme quoi j’ai fait ce Chemin portugais. Et quand je serai vieux, …
Je vais passer deux nuits au Seminario Menor. Ce grand gite de 177 places domine la ville. Et puis, après la messe du pèlerin du 10 septembre, je vais me balader. En fait, m’ennuyer car rester à Santiago n’est plus pour moi important. Ce n’est qu’une étape dans ma vie me permettant de continuer à grandir. J’ai regretté en fait de ne pas avoir pris le bus pour aller me baigner en bord de mer cette dernière journée.
Le lendemain 11 septembre, j’ai pris mon avion Easyjet pour Genève à l’aéroport de Lavacolla. Ensuite, un covoiturage (dont je suis fervent) pour Dijon. Mon épouse et sa maman, Clémence, m’ont préparé un repas de choix préparé avec amour.
Maintenant, il va falloir se réadapter rapidement : les cours de management, les audiences aux Prud’hommes, les réunions symboliques, les copains… Sans oublier bien sûr l’amour de mes trois enfants et sept petits-enfants. Bref, une vie active.
C’est fini pour cette année et les 2 587 km parcourus. A l’année prochaine.
A suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.