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Publié par Alain Lequien, Bourguignon la Passion

Aux premiers temps de ces pèlerinages médiévaux, au XIIe siècle, les pèlerins arrivaient à Santiago de Compostela, puis souvent continuaient jusqu'au bout de l'Espagne, au Cabo Fisterra (Cap Finistère). À leur arrivée, ils brûlaient leurs vêtements et se baignaient pour se purifier. On leur offrait un peu de nourriture dont les coquilles Saint-Jacques fraîchement pêchées. Il faut dire que ces coquillages étaient abondants sur les côtes de la Galice. Les coquilles vidées et séchées, les pèlerins pouvaient les conserver pour s'en servir comme ustensiles. Ils les accrochaient sur leurs vêtements, leurs chapeaux, sur leur sac ou même sur leur bourdon (bâton de pèlerin), devenant l'emblématique coquille de Compostelle. En les rapportant ainsi chez eux, ils prouvaient leur cheminement vers Compostelle que l'on effectuait alors en entier, c'est à dire aller et retour... Le signe du long périple parcouru quand vient l’heure de retourner en son foyer.

De nos jours, on ne va plus les chercher. Nombreux sont les pèlerins ou cheminants qui partent pour la première fois en l'ayant acquis ou qui l'ont reçue d'un ancien jacquet. C'est une manière de se distinguer des randonneurs et autres marcheurs.

Parlons un peu de symbolisme. Elle figure le principe du mercure dans la symbolique hermétique, qu’on désigne également comme « le Voyageur » ou « le Pèlerin ». Selon la tradition consacrée par le tableau de Botticelli, la Naissance de Vénus, Venus sortit des eaux debout dans une conque de coquillage géant représentant une coquille Saint-Jacques. La forme de la coquille rappelle celle de la main. Elle représente les deux préceptes de l’Amour auxquels le porteur doit conforter sa vie : aimer son prochain comme soi-même et agir pour les bonnes œuvres comme le symbolise la main ouverte. Ceux qui croient en Dieu y ajouteront l’Amour de leur déité.

Aucun rituel de pèlerinage ne mentionne la coquille parmi les insignes remis au pèlerin, pour la bonne raison qu'à l'origine le pèlerin devait la ramasser lui-même sur les plages... En fait, pour aller de Saint-Jacques vers la mer, au Cabo Fisterra, il faut trois jours de marche, et certains ne les franchissent pas préférant acheter la coquille peinte dans la cité. Et pourtant, symboliquement, il est bon d’aller jusqu’au bout du voyage, jusqu’au bout de terre au Cap Finistère pour ramasser cette coquille si cela est possible. Et, comme tout bon pèlerin, brûler quelques vêtements pour symboliser l'abandon de son ancienne vie. En quelque sorte, aller vers le renouveau, écrire une nouvelle page. Au bout du cheminement, l'océan enroulera ces gestes symboliques comme un parchemin remis à la postérité.

Au retour du pèlerinage, on doit fixer la coquille dans la maison, ou à l’extérieur, près du lit ou sur la porte des étables, près des ruches ou des abreuvoirs. Dans les champs, elles éloigneraient les mauvaises herbes, les souris et la vermine et libéreraient des pouvoirs magiques. Les coquilles immergées dans l’eau et le vin fourniraient une boisson thérapeutique aux malades. Des croyances d’un autre temps.

Personnellement, pour mon premier voyage, j'ai reçu la coquille d'un vieux pèlerin qui ne pouvait plus le cheminer. Elle fut placée au fond de mon sac après avoir été bénie par mon évêque. À l'arrivée à Saint-Jacques, elle fut de nouveau bénie selon la tradition, puis accrochée comme il se doit. Elle aura vécu, vu ma sueur, mon souhait d’arriver à bon port et partagé avec moi ce voyage initiatique.

Personnellement, je la porte devant, faisant le lien avec mon cœur. Depuis, j'en ai reçu plusieurs, remises par des amis, des hospitaliers. Celle que je porte désormais à chaque parcours est plus petite mais elle porte un contenu émotionnel fort. Peut-être est-ce le résultat du travail d'humilité dans lequel se situent mes réflexions. Elle me fut donnée par un frère de la route parti à l'Orient éternel. La fraternité du Chemin...

Ces différentes coquilles sont toujours présentes dans mon bureau où j'écris mes ouvrages, mais aussi et surtout dans mon cœur puisqu'elles symbolisent l'amitié, la fraternité des pèlerins, cheminants, hospitaliers, cherchants... que j'ai eu le bonheur de croiser dans mes cheminements.

Alain, Bourguignon la Passion.

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