Etape 92 (2015) – San Joao de Madeira - Malaposta - Lourosa – Grijo : 28 km (2 315 km)
Trois heures de sommeil avant d’aller manger hier soir, plus de dix heures ensuite au cours de la nuit. J’en avais besoin. Lorsque je me lève vers 7h30, je me sens reposé. Hier soir, je m’étais mis un bandage autour du genou après avoir effectué un bon massage de Percutalgine. Aujourd’hui, cela semble aller même si je ressens une petite douleur lancinante. Après 92 jours de marche et près de 2 300 km, on peut le comprendre.
Ce qui va vous paraitre étonnant, c’est que je n’ai quasiment pas eu d’ampoules au cours de ce périple. Eh oui, les amis, j’ai un secret à partager avec vous : utiliser un mois avant, puis pendant la marche de la crème Nok que vous trouverez en pharmacie (hélas pas en Espagne), porter des chaussures avec au moins une pointure de plus pour prendre en compte que les pieds gonflent (pas que les chevilles !) et des chaussettes de coureur ou de trekkeur.
Par précaution, après ma douche du matin, je refais mon bandage.
Je prends mon petit-déjeuner dans une boulangerie pleine de monde située à quelques dizaines de mètres de la residancia. J’y rencontre Pedro qui boit un café. Je l’invite à ma table et nous parlons un peu. Il me trouve meilleure mine qu’hier. Je veux bien le croire. Il me dit qu’il est toujours impressionné par ces marcheurs qui se rendent à Fatima. C’est un pèlerinage qu’il a effectué une fois, et qu’il a trouvé difficile. Nous nous quittons car il doit prendre son service.
En passant, je photographie cette belle église. Mais, je n’y pénètre pas car je ne veux pas trop prendre de retard si je veux pouvoir avancer. Vais-je tenir ? Voilà la question qui me taraude un peu. Nous sommes le vendredi 29 août 2015, j’ai encore à peu près 300 km à parcourir avant de prendre l’avion pour Genève prévu le 11 septembre. Oui, je sais, le 11 septembre est une date tragique dans notre mémoire collective… Pensons à ces victimes de l’intolérance.
Je vais parcourir les premiers kilomètres sans trop me presser pour atteindre après un parcours routier à Santiago de Riba-Ul. L’occasion de prendre en photo ce Saint-Jacques pèlerin dans une niche située à l’extérieur de l’église. A la sortie, c’est un chemin de pavé entre deux murs qui va accueillir mes pas.
Je passe maintenant à Vila de Cucujaes et arrive à Joâo da Madeira. Le début de la cité est très moderne. Cette cité fut célèbre pour la fabrication des chapeaux. D’ailleurs, la présence d’un musée de la chapellerie le confirme. Ce n’est pas trop mon truc. La sortie de la ville est moins agréable. Je passe dans une zone industrielle où de nombreux bâtiments sont à l’abandon. Cette zone a dû faire face à de nombreux drames humains.
Je prends la direction de Malaposta où je vais faire halte après avoir parcouru une route pavée romaine. J’ai déjà parcouru seize kilomètres, et si mon genou ne me fait pas de misère, j’éprouve une certaine lassitude. Je vais faire halte une bonne heure dans un bar, à l’abri du soleil, avec une boisson froide bien connu pour être considéré comme un remontant (ils ne m’ont pas versé la pub).
Je reprends la route à marche ralentie : trois/quatre kilomètres par heure avec quelques arrêts. Les villages vont s’enchainer sans beaucoup de rupture : Ferrada, Lourosa, Mozelos, Argoncilha et son vieux séchoir à grains (espigueiros), Nogueira da da Regedoura…
J’arrive à Grijo où je rejoins l’albergue São Salvador. Je suis le premier pèlerin du jour, bientôt rejoint par Claudio, un pèlerin brésilien. Après avoir réglé les aspects administratifs avec l’hospitalier, et payé notre écot en donativo (on verse ce que l’on veut ou peut sachant que certains d’entre nous, démunis, ne versent qu’un écot symbolique), nous nous installons.
Claudio me propose d’aller à l’office du soir au monastère de San Salvador situé non loin de là. J’accepte, et nous nous y rendons en longeant le grand mur qui entoure ce domaine. En face de l’entrée, un immense cimetière d’où la présence de nombreux véhicules.
Cet ancien monastère des chanoines réguliers de saint Augustin fut créé en 922, et a subi au fil du temps de nombreuses modifications. Sa façade est modeste, composé d'un porche à trois arcs en plein cintre sur des pilastres, surmontés de niches contenant des sculptures de S. Pierre et Saint-Paul.
L’église est pleine à craquer. L’office se déroule à l’ancienne, avec de nombreux enfants de chœur. La chorale dirigée de main de fer par une femme patronnesse fait résonner les chants religieux sous la voûte.
Je vis cet office émotionnellement car c’est beau et plein de ferveur même si je ne comprends pas le portugais. Tout est dans le partage. En sortant, j’ai pu admirer cette belle statue de la Vierge à l’Enfant de facture moderne.
Revenant vers l’albergue tenu par une association religieuse, les voisins nous invitent à partager le repas de famille du soir. Chacun paye son écot, pour moi ce fut six euros tout compris, nourriture et vin à volonté. Autour de la table, les grands-parents, les enfants et petits-enfants. Une belle tablée. J’ai très bien mangé, notamment de la viande et du poisson préparé à la portugaise. Un repas où l’on sent la volonté de faire plaisir.
Puis, c’est le retour dans la chambrée que j’occupe seul, Claudio occupant la seconde. Il m’a indiqué qu’il partait très tôt demain matin. Il doit accueillir en soirée à l’aéroport de Porto un groupe de Brésiliens venu effectuer le pèlerinage vers Compostelle. J’apprends à cette occasion qu’il est en fait guide.
A suivre. Alain dit Bourguignon la Passion.