6 – Amettes – Burbure : 30 km (155 km)
Après avoir pris le petit-déjeuner, Frédéric prend la route. Personnellement, je traîne un peu allant même faire des courses à la boulangerie. Le ciel est couvert, et va le rester jusqu’à midi. Il va tomber quelques gouttes sans avoir besoin de recouvrir le sac.
Rapidement, l’itinéraire monte dans les cultures maraîchères jusqu’à Liettres, Longhem, un village rural, et Auchy-au-Bois où trône cette église fermée.
En cours de route, je rejoins Frédéric, et désormais nous allons cheminer ensemble. À Amettes, nous visitons la maison natale de saint Benoît Labres, le saint des pèlerins et déshérités. Autant dire, notre saint patron.
Le village est devenu un lieu de pèlerinage pour celui qui est surnommé le « saint pauvre de Jésus-Christ », notamment le 16 avril, date de sa fête liturgique.
Né le 26 mars 1748, il est décédé le 16 avril 1783 à Rome. Pèlerin-mendiant, il a parcouru les routes d’Europe. Surnommé le « Vagabond de Dieu », il fut canonisé en 1881. À plusieurs reprises, au cours de mes cheminements, j’ai croisé sa trace.
Amettes : Maison natale de saint Benoît Labres.
Comme le dit Marie-Thérèse Avon-Soletti dans son ouvrage[1] « Dans cette figure de vagabond, les hommes de bonne volonté ont vu le Christ. » Elle ajoute que « Saint-Benoît Labre se présente, de sa mort jusqu’à nos jours, comme le prophète de la dignité de la personne humaine, qu’aucune déchéance humaine, qu’aucune loi humaine, qu’aucune volonté humaine, ne peut entamer. »
Je ne peux m’empêcher de partager avec vous ce poème intitulé Saint Benoit-Joseph Labre — Jour de canonisation de Paul Verlaine dans Amours (1888).
Comme l’Église est bonne en ce siècle de haine,
D’orgueil et d’avarice et de tous les péchés,
D’exalter aujourd’hui le caché des cachés,
Le doux entre les doux à l’ignorance humaine
Et le mortifié sans pair que la Foi mène,
Saignant de pénitence et blanc d’extase, chez
Les peuples et les saints, qui, tous sens détachés,
Fit de la Pauvreté son épouse et sa reine,
Comme un autre Alexis, comme un autre François,
Et fut le Pauvre affreux, angélique, à la fois
Pratiquant la douceur, l’horreur de l’Évangile !
Et pour ainsi montrer au monde qu’il a tort
Et que les pieds crus d’or et d’argent sont d’argile,
Comme l’Église est tendre et que Jésus est fort !
[1] Marie-Thérèse Avon-Soletti, Des vagabonds aux S.D.F., Colloque Approches d’une marginalité, Université de Saint-Étienne, Presse universitaire de Saint-Étienne, 2002. Site internet : http://www.amis-benoit-labre.net/
Alors que nous reprenons la route, nous sommes interpellés par un cycliste nous proposant de venir nous désaltérer, ce que nous acceptons. Le chemin est ouverture, et il faut savoir y répondre. Janvier, puisque tel est son nom, ancien édile du lieu, est un pèlerin ayant parcouru de nombreux chemins vers Compostelle, notamment en Espagne. L’occasion de partager sur les nombreux lieux et expériences que nous avons vécu sous les yeux interrogatifs de Frédéric. Ah ! Que font deux pèlerins qui se rencontrent ? Ils parlent d’histoires du Chemin.
Nous reprenons la route une heure plus tard Ferfay et sa chapelle néo-Renaissance de Sainte-Amélie. Bâtie en 1826, elle remplace une autre chapelle datant de 1541. Chapelle funéraire, elle abrite les dépouilles d’Henriette d’Hinnisdael, victime du grand incendie du Bazar de la Charité à Paris en 1887, et de Thérèse d’Hinnisdael, qui inspira Marcel Proust pour le personnage d’Albertine dans son chef-d’œuvre « À la recherche du temps perdu ».
Après Ferfay, un chemin nous conduit dans des bois où nous escaladons un ancien terril devenu forestier. En chemin, le sentier passe au pied d’une stèle rappelant le martyr des saints Lugle et Luglien, deux princes irlandais assassinés dans les parages alors qu’ils effectuaient leur pèlerinage vers Rome. Nous y rencontrons un couple promenant leur chien. Petite discussion sur la beauté des lieux.
Arrivés à Burbure, nous rencontrons deux ouvriers municipaux en train de repeindre le mur du cimetière. Ils nous indiquent où se trouve le gîte municipal, dans l’ancien presbytère. Je dois me rendre à la mairie pour payer mon écot et récupérer la clé. En effet, c’est ici que nous nous quittons avec Frédéric. Mon compagnon de voyage a terminé sa randonnée photographique, une voiture vient le chercher. Lundi, il retourne au boulot.
Après la douche, le lavage du linge, un peu de repos et des courses à l’épicerie du coin, je me balade dans la cité. Les gens sont accueillants, lançant parfois un petit signe. Sympa.
Coucher vers 21 h après avoir lu en partie un livre de la bibliothèque.
À demain… Alain dit Bourguignon la Passion